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Crimes contre l'humanité au Liberia: prison à vie requise contre l'ex-rebelle Kunti Kamara

Dénonçant des crimes contre "l’humanité toute entière", l'accusation a requis lundi à Paris la prison à vie pour l'ex-commandant rebelle libérien Kunti Kamara, jugé pour des exactions commises pendant la guerre civile et dont la défense a plaidé l'acquittement face à "l'absence de preuves".

"Les crimes dont il s’est rendu responsable sont les plus graves qui soient. Ils ont détruit des vies et leur gravité a porté atteinte à l’humanité toute entière", a justifié l'avocate générale Aurélie Belliot en appelant la cour d'assises de Paris à condamner l'accusé de 47 ans à l'une des plus lourdes peines du droit français.

Arrêté à Bobigny en 2018, cet ancien membre du Mouvement uni de libération (Ulimo) est jugé pour des exactions commises dans le nord-ouest du Liberia pendant la première guerre civile (1989-1997), et comparaît à Paris au titre de la "compétence universelle" exercée par la France s'agissant des crimes les plus graves.

Poursuivi pour "actes de tortures et de barbarie" et "complicité de crimes contre l'humanité", M. Kamara est accusé de complicité du viol de deux adolescentes, d'avoir pris part à la mise à mort de deux civils, de s'être livré à un acte de cannibalisme et d'avoir soumis la population à des marches forcées.

L'accusé a contesté les faits tout au long de l'enquête et de son procès, le premier en France jamais consacré aux crimes de guerre au Liberia.

"Votre verdict sera historique et votre décision et la peine que vous prononcerez seront scrutées", a lancé Aurélie Belliot à la cour, composée de trois juges et d'un jury populaire, tandis l'autre avocate générale Claire Thouault traçait un parallèle avec les procès en France de Klaus Barbie ou de Paul Touvier.

"Leur sens est le même que ce qui vous réunit aujourd'hui : la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves que notre humanité a connus", a estimé Mme Thouault, rappelant que le Liberia n'avait jamais jugé les crimes de ses guerres civiles qui ont causé la mort de 250.000 personnes, soit 10% de sa population à l'époque.

- "La terreur en mode de gouvernance" -

Pendant le réquisitoire, l'accusation s'est d'abord attachée à décrire comment l'Ulimo aurait érigé "la terreur en mode de gouvernance" dans la région du nord-ouest dont il s'était emparé au début des années 1990 pour lutter contre le groupe rival de Charles Taylor.

Exécutions publiques, distribution de viande humaine, intestins pour délimiter les checkpoints : Aurélie Belliot a détaillé "l'infinie cruauté" subie par les civils du village de Foya et à laquelle aurait contribué le "commandant Kundi".

Selon l'avocate générale, l'accusé a ainsi pris une part "active" au supplice d'un civil en 1993, dont il aurait mangé le coeur avec d'autres chefs de l'Ulimo, et aurait laissé des hommes placés "sous son autorité directe" violer, à plusieurs reprises, deux adolescentes, se rendant ainsi "complice de crimes contre l'humanité".

En réponse, la défense a dénoncé un "écran de fumée" destiné à "pallier les lacunes" de l'accusation et a appelé la cour à faire preuve de "la plus grande rigueur" en s'attachant aux faits.

"Notre propos n’est pas de dire qu’il ne s’est rien passé au Liberia", a indiqué Me Marilyne Secci. "Mais notre procès n’est pas de lui de la guerre civile au Liberia", c'est celui d'un "simple soldat sur le front" contre lequel les preuves font défaut.

L'avocate a notamment mis en cause la fiabilité des témoignages, les "explications farfelues" de certaines victimes venues du Liberia pour témoigner et a estimé que M. Kamara avait, tout au long de la procédure, été traité comme un "présumé coupable".

"Ne vous laissez pas avoir par un effet d'accumulation qui cache le manque de preuves directes", a-t-elle lancé à la cour, affirmant que la complicité de viols impliquait une "action concrète" et pas la seule "indifférence" reprochée à l'accusé.

Son confère Tarek Koraitem a, lui, centré ses attaques sur les poursuites pour crimes contre l'humanité en estimant que manquait, dans le cas du Liberia, le "caractère massif et systématique" qui caractérise cette infraction.

Le verdict sera rendu mercredi.

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