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"Ça va imploser": les agents de la Protection judiciaire de la jeunesse au bord de la rupture

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STEPHANE DE SAKUTIN

"Ça va imploser. On le sait, on le sent et on le crie haut et fort": des agents de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) racontent à l'AFP, alors que doit se tenir jeudi une nouvelle journée de mobilisation, la "dégradation de la prise en charge" des mineurs et de leurs familles.

"On veut pouvoir se regarder dans le miroir, c'est comme ça qu'on tient", alerte sous couvert d'anonymat une assistance sociale intervenant en milieu rural, déterminée à répondre à l'appel de l'intersyndicale de la PJJ, qui réunit SNPES-PJJ/FSU, Unsa, CFDT et CGT.

Chargés d'accompagner des jeunes en danger ou en conflit avec la loi, éducateurs, psychologues et assistants sociaux dénoncent unanimement des "conditions de travail de plus en plus difficiles" et une "perte de sens" dans leur mission, qu'ils exercent en ville ou à la campagne.

Ils s'inquiètent notamment du non-renouvellement de postes de titulaires et de contrats vacataires depuis la rentrée dernière.

Mandatés par le juge des enfants, les agents de la PJJ travaillent main dans la main au sein d'établissements pluridisciplinaires destinés à la protection, à l'encadrement et à l'insertion des mineurs après une décision judiciaire.

Mais bien souvent, ces dernières semaines, un maillon manque à la chaîne de la prise en charge. "Pendant l'été, on a perdu trois postes d'éducateurs et un poste de psy" dans un service qui comptait 17 personnes, déplore une psychologue de la PJJ, en exercice depuis cinq ans et soumise au devoir de réserve.

"Des collègues contractuels sont partis en vacances pensant qu'ils allaient être renouvelés, mais ils ont finalement dû quitter leur poste du jour au lendemain, sans même pouvoir prévenir les familles", développe sa collègue, assistante sociale.

"Les éducateurs qui sont encore là ont dû se diviser tous les dossiers", poursuit la psychologue. Conséquence: "ils rencontrent moins les jeunes, privilégient les échanges téléphoniques et sont obligés de prioriser les situations en fonction du danger".

En temps normal, les éducateurs suivent 25 mineurs maximum. C'est monté à "entre 30 et 35 pendant l'été", affirment les deux fonctionnaires.

- RDV au McDo -

Manque de personnel, manque de temps... et aussi manque d'espace pour organiser des rendez-vous avec les jeunes et leurs familles, regrettent des agents de la PJJ.

"Le fait qu'il n'y ait plus de service public nulle part pour faire des entretiens avec les familles, c'est soit rencontre à domicile, mais pas forcément opportun car il y a la fratrie, soit à l'extérieur", souligne Claire Drouhin, éducatrice à Amiens et secrétaire régionale du SNPES-PJJ/FSU.

"On donne rendez-vous au McDo", raconte-t-elle, désabusée. "C'est un lieu ouvert du matin au soir qui permet de voir les gens en dehors de leur domicile", explique cette éducatrice en milieu ouvert.

Assistant social depuis quinze ans dans les quartiers nord de Marseille, et secrétaire régional du SNPES-PJJ/FSU, Mattias Perrin décrit lui aussi un "sentiment d'abandon" par les institutions publiques.

Dans ces territoires gangrénés par "les réseaux" et le trafic de stupéfiants, "ce qui est dur, c'est de travailler avec la mort des ados", confie-t-il également.

"On ne dénombre pas les blessés qui s'en sortent avec des bouts de jambe arrachés. On a deux jeunes (17 et 19 ans) avec qui on a travaillé longtemps qui sont décédés au mois d'août... ce qui nous met dans l'impasse et le désarroi", poursuit Mattias Perrin.

"On est laissé seuls avec ça. On n'est pas soutenus, et les familles encore moins", abonde Alexia Peyre, psychologue et élue nationale SNPES-PJJ/FSU, également basée à Marseille.

La violence se retourne parfois directement contre les agents de la PJJ, en particulier dans des foyers, note Laurent Binaud, agent technique dans un foyer de Valence et élu territorial CFDT.

"On a beaucoup d'arrêts de travail ou d'accidents de service car des éducateurs sont agressés ou font un +burn-out+", explique-t-il. "Surtout les jeunes qui sortent d'école et qui voient des choses qu'ils n'étaient pas prêts à voir".

En poste depuis dix ans, une assistante sociale confie de son côté avoir pensé à "quitter la profession". "Si je ne trouve plus de sens et que j'en deviens maltraitante avec les familles que j'accompagne, je ne travaillerais plus à la PJJ", dit-elle.

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