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Plainte pour coups, effrayantes photos de lésions: la révélation de violences conjugales présumées de l'ex-président de centre-gauche Alberto Fernandez provoque une onde de choc en Argentine, offrant une bénédiction inespérée à l'ultralibéral Milei, contempteur d'un "progressisme" décadent.
Œil au beurre noir, hématomes aux bras... les photos - publiées par le site Infobae - de Fabiola Yañez ont scandalisé vendredi, dans la foulée d'une plainte déposée mardi par l'ex-compagne d'Alberto Fernandez, depuis l'Espagne où elle vit désormais.
Ancienne journaliste et animatrice de télévision, Mme Yañez, 43 ans, fut pendant près d'une décennie et jusqu'à il y a quelques mois la conjointe de M. Fernandez, 65 ans, avec lequel elle a eu un fils en 2022.
Alberto Fernandez, qui nie les violences et promet des "preuves" que "la vérité des faits est différente", s'est vu interdire de quitter l'Argentine, et de contacter son ex-conjointe.
L'onde de choc n'en est probablement qu'à son début. Des photos et des messages évoquant d'autres violences ont filtré via le téléphone de la secrétaire particulière de M. Fernandez, saisi dans le cadre d'une enquête distincte sur des malversations pendant sa présidence.
D'où la question qui parcourt la presse: qui, à la présidence même, voire dans le camp politique péroniste de M. Fernandez, avait connaissance de ces violences et n'a rien dit ?
- "On nous a traités de misogynes..." -
Une marée de condamnations et superlatifs de tous bords politiques a accueilli les révélations: "honte infinie", "innommable", "un monstre". S'abattant sur un politicien déjà honni pour son legs politico-économique, notamment 211% d'inflation à son départ de la présidence en décembre.
Plus que tout autre, Javier Milei, avec une délectation patente, a réagi en fustigeant "l'hypocrisie progressiste" des gouvernements péronistes, qui se présentent traditionnellement en champions de la cause des femmes - sur laquelle l'Argentine est en pointe en Amérique latine - et en défenseurs des politiques de genre.
Une récupération irrésistible pour le président libertarien, qui a déjà supprimé le ministère de la Femme et l'Institut contre la discrimination (Inadi), qu'il considère comme sources "de milliers d'emplois publics inutiles" quand pour lui "la solution à la violence que les psychopathes exercent sur les femmes (...) est d'être dur envers ceux qui les commettent", point.
Quand on disait cela, "on nous a traités de misogynes, de fachos, d'ultradroite...", triomphait vendredi le porte-parole présidentiel.
Pain bénit, donc, pour Javier Milei dont tout le narratif -incarner la réaction à une "caste" hypocrite et profiteuse - "voit ce postulat renforcé par les faits qui se succèdent", écrit le quotidien conservateur la Nacion.
Car l'affaire s'ajoute à l'indignation qui avait suivi, en juillet 2021 en pleine pandémie, la publication de photos d'un dîner d'anniversaire autour de Fabiola Yañez à la présidence avec une dizaine d'invités, quand le pays était soumis à un impitoyable confinement.
- Timing parfait pour Javier Milei -
"Ce qui se passe avec Fernandez est l'explication la plus claire, la plus probante, de pourquoi Javier Milei gouverne aujourd'hui l'Argentine", a commenté le respecté député d'opposition de droite modérée, Miguel Angel Pichetto, évoquant le ressenti dans l'opinion "d'une morale à deux poids, deux mesures" qui a "fait d'énormes dégâts", a plombé le gouvernement précédent, et "expliqué l'émergence" de M. Milei.
"Une honte", "la dernière chose qu'on attend d'un président", réagissaient vendredi des "Porteños", les habitants de la capitale de 3,1 millions d'habitants, approchés par l'AFP. "Il disait toujours soutenir les problèmes de genre, les femmes, et chez lui il faisait ça...!", s'indignait Lucinda Giles.
Double aubaine pour Javier Milei: le scandale, qui cannibalise l'actualité, éclate au moment où commençait à pâlir son étoile économique, avec des succès - inflation relativement maîtrisée à 4,6% mensuels - masquant de plus en plus mal l'impact de l'austérité, la récession avec plus d'un demi-million d'emplois perdus, selon la Sécurité sociale.
Mais l'exécutif serait bien avisé de ne pas trop jubiler, souligne auprès de l'AFP le politologue Marcos Novaro: ce que montre le cas d'Alberto Fernandez est selon lui "une société inquiète des abus de pouvoir, or ce gouvernement y est enclin, avec son agressivité envers les critiques, les journalistes, ou ses propres fonctionnaires démis de façon brutale".