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La famille d'Adama Traoré a annoncé jeudi se pourvoir en cassation après la confirmation en appel à Paris du non-lieu pour les gendarmes qui ont interpellé cet homme noir, mort en juillet 2016 et devenu emblème des accusations de violences et de racisme contre les forces de l'ordre.
Cette décision est une nouvelle étape décisive dans cette affaire objet d'une intense communication médiatique et qui a donné lieu à de nombreuses manifestations derrière le "Comité Adama" et sa figure de proue Assa Traoré aux cris de "Pas de justice, pas de paix".
Malgré ce "déni de justice", "le combat continue, jusqu'en cassation", a indiqué à l'AFP la soeur du défunt, un combat selon elle quelque part "déjà gagné car le nom d'Adama est connu de tous, partout dans le monde entier, on a imposé la question des violences policières, des discriminations et du racisme"
Même tonalité chez l'avocat de la famille Yassine Bouzrou : malgré cet arrêt qui "déshonore l'institution judiciaire", l'"affaire est loin d'être terminée car cette misérable décision fera l'objet d'un pourvoi en cassation et (...) la France sera condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme", a-t-il ajouté.
"Nous nous félicitons que la justice ait à nouveau reconnu la totale innocence des trois gendarmes dont nous savons les qualités humaines et professionnelles irréprochables", ont de leur côté indiqué Rodolphe Bosselut, Sandra Chirac Kollarik et Pascal Rouiller, avocats des militaires.
Les motivations de l'arrêt n'étaient pas disponible dans l'immédiat.
Au terme de sept années d'investigations, trois juges d'instruction parisiennes avaient écarté le 30 août 2023 toute charge à l'encontre des trois gendarmes qui avaient interpellé le jeune homme, le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) au terme d'une course-poursuite lors d'une journée où la température avait frôlé les 37°C.
Le jeune homme noir de 24 ans, interpellé lors d'une opération visant son frère Bagui qui était soupçonné d'extorsion de fonds, était décédé deux heures plus tard dans la caserne de la commune voisine de Persan.
L'audience en appel sur le non-lieu s'était tenue à huis clos le 15 février devant la chambre de l'instruction de la capitale.
A cette occasion, le parquet général parisien avait demandé dans ses réquisitions écrites consultées par l'AFP la confirmation du non-lieu en faveur des gendarmes, relevant "l'absence d'élément matériel comme intentionnel".
- "Lien de causalité" -
Dans ce dossier où les expertises et rapports médicaux ont joué un rôle capital et rythmé l'enquête, le parquet général s'appuyait sur le dernier document en date, rédigé par quatre experts belges en 2021 et complété en 2022, concluant que la mort du jeune homme avait été causée par un "coup de chaleur" au terme de la course-poursuite qui n'aurait toutefois "probablement" pas été mortel sans l'interpellation des gendarmes.
A la satisfaction des parties civiles, le parquet général avait aussi relevé "un lien de causalité" entre l'interpellation et la mort d'Adama Traoré le 19 juillet 2016.
Assa Traoré et d'autres proches accusent en effet les militaires d'avoir causé la mort d'Adama par leurs gestes lors de l'interpellation et ensuite de n'avoir pas porté secours au jeune homme qui avait fait un malaise dans leur véhicule et qui avait été laissé menotté jusqu'à l'arrivée des pompiers.
Pour Me Bouzrou, qui a une nouvelle fois déploré l'absence de reconstitution dans ce dossier, "cette décision considère que le fait d'écraser un homme à trois pendant huit minutes constitue une violence légitime et proportionnée".
Pour les avocats des gendarmes, au contraire, la cour d'appel "a validé un usage de la force proportionné et légitime dans le respect de la loi" et confirmé qu'"aucune violence n'a été commise" par leurs clients.
Par sa décision, la cour "a également confirmé que les gendarmes ont tout mis en œuvre pour prendre en charge immédiatement le malaise d'Adama Traoré", soulignent les conseils, disant leur "espoir" que soit mis "un terme aux campagnes de désinformation subies depuis le début de cette affaire".
Depuis, d'autres dossiers emblématiques liés à des accusations de violences policières ont occupé le devant de la scène, au premier rang desquels celui de la mort du jeune Nahel, qui a provoqué plusieurs nuits d'émeutes au début de l'été 2023.