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Le 30 janvier, Mélanie a manifesté devant la fromagerie du Caprice des Dieux pour réclamer un prix du lait rémunérateur. Trois mois et demi après, la "colère ne part pas" et l'éleveuse en veut aux "personnes complètement déconnectées qui décident au-dessus de nous".
Sur les routes de France à l'approche des élections européennes du 9 juin, l'AFP a traversé la Haute-Marne, que la crise agricole a embrasée en début d'année, comme tant d'autres campagnes.
Aujourd'hui, l'heure n'est plus au blocage de l'échangeur d'autoroute entre l'A5 et l'A31 mais le ras-le-bol persiste et les panneaux à l'entrée des villages sont toujours à l'envers, un symbole des manifestations de l'époque car "on marche sur la tête".
"On vit à cette heure-ci avec moins d'un SMIC. Le restaurant on ne sait pas ce que c'est, les vacances on ne sait pas ce que c'est". A Meuvy, un village à l'étrange clocher tordu, Mélanie Flammarion Paillard est cogérante d'une exploitation avec son frère et ses parents.
Une ferme "moyenne", avec sa centaine de Simmentals, des vaches beiges "très rustiques qui produisent moins que les noires et blanches mais tombent beaucoup moins malades et font un lait plus riche", dit la jeune femme de 29 ans encartée à la FNSEA et aux Jeunes Agriculteurs.
"Notre lait sert à fabriquer le Caprice des Dieux", fromage de l'industriel Savencia, dont elle a bloqué l'usine un mardi de janvier dans la commune voisine d'Illoud.
Le bras de fer a permis un "prix un peu meilleur en février et mars" mais "ce n'est pas rémunérateur", estime-t-elle, quand on a un emprunt sur dix ans pour l'aménagement de la ferme et l'achat des "deux robots de traite" - 200.000 euros - une "révolution" technologique avec des caméras qui repèrent seules les mamelles de bêtes.
"On nous impose un prix du lait le 29 du mois" sans visibilité, peste cette maman de trois enfants, dont l'une des seules sorties de l'année est à "l'accrobranche de Contrex", à 35 minutes de route.
- "Des guignols" -
A ses yeux, les concessions successives de la Commission européenne ou du gouvernement sont des "annonces bateau" et "déconnectées".
Sa colère se traduira-t-elle dans les urnes le 9 juin ? Doudoune sans manche, short et baskets, Mélanie ne veut pas parler politique. Elle dit juste qu'elle ira voter, "les femmes se sont battues pour" et qu'il ne faut "pas sortir de l'Europe. On a besoin de la PAC", la politique agricole commune.
Et elle insiste sur un point: "les gens au RSA qui foutent rien, ça me saoule. On donne trop d'aides à ceux qui ne veulent pas travailler".
En redescendant à Saint-Thiébault, on tombe sur Sylvain Jannel, 59 ans et une trogne d'acteur américain. Il fait de "la maintenance dans un garage pour finir ses années de cotisation".
La colère des éleveurs du coin, il la comprend. "On les invite à produire plus mais ils ne gagnent rien. En fin de compte, ils font du lait bas de gamme", juge-t-il.
Lui n'ira "pas du tout" voter le 9 juin. "Ce ne sont que des guignols et des marchands de casseroles. A Strasbourg et Bruxelles ils sont complètement décalés". A la présidentielle en revanche, il aimerait bien François Ruffin, "il est près du peuple".
A l'auberge du Cheval Blanc, devant le plat du jour à 10 euros, Gaëtan Gassmann est électeur du Rassemblement national (RN), comme bien d'autres dans ce département dont les deux députés sont lepénistes.
Marine Le Pen et Jordan Bardella "n'ont jamais été au pouvoir, ils ne feront peut-être rien de plus mais il faut essayer". Parce qu'"il y a trop d'aides et des personnes qui se servent du système", trouve ce costaud de 36 ans.