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L'élargissement historique de l'Union européenne, c'était il y a tout juste vingt ans et un jour. Le 1er mai 2004, le plus grand élargissement de l'histoire de l'Union. En 24 heures, 10 pays de plus, 75 millions d'habitants supplémentaires. Alors que tous les problèmes de cet élargissement ne sont pas encore réglés, beaucoup de voix s'élèvent pour une nouvelle étape qui intégrerait notamment l'Ukraine.
Charles Michel, le président du Conseil européen, est l'un des plus chauds partisans d'un nouvel élargissement, avec une date assez proche, 2030. En théorie, ça n'a rien d'absurde. Depuis sa création en 1957, l'Europe n'a cessé de s'agrandir, passant de 6 à 27. La Bulgarie et la Roumanie ont rejoint l'Union en 2006 et la Croatie en 2013. En revanche, elle a perdu le Royaume-Uni en 2020, ce qui reste probablement son plus grand échec.
Interrogé hier par Radio France Internationale, Romano Prodi, qui était le président de la Commission européenne en 2004, a estimé que le grand élargissement avait été une réussite à 100% pour la convergence économique et à 95% pour la convergence démocratique. Le bémol, c'est la Hongrie, de Viktor Orban, qui oppose souvent son veto à plusieurs décisions qu'il faut toujours prendre, à l'unanimité. Et c'est là le problème de fond. Comment faire fonctionner à 35 une Europe qui peine à avancer à 27? Il faut faire évoluer les institutions et notamment réformer la règle de l'unanimité.
Romano Prodi propose de passer à la majorité double, majorité des États, mais aussi de la population. Mais pour adopter une telle réforme, il faudrait un vote à l'unanimité. On n'est pas sortis de l'auberge.
Autre écueil, la nature des pays candidats. Les républiques des Balkans, qui ne sont pas encore membres, dont la Serbie, avec la question du Kosovo. Plus trois anciennes républiques de l'Union soviétique, la Moldavie, la Georgie et bien sûr l'Ukraine. Trois États que Vladimir Poutine considère comme son pré carré, dont l'adhésion serait ressentie comme une provocation par Moscou. Cela dit, on a bien réussi à intégrer les anciens pays du pacte de Varsovie. Alors si jamais la guerre en Ukraine prenait fin, tout serait peut-être possible. Mais rien n'est simple. Il y a la question géopolitique, mais aussi les problèmes économiques. L'Ukraine est un pays plus grand que la France, peuplé de 45 millions d'habitants. Ses règles économiques ne sont pas aux normes européennes et sa production céréalière est massive. L'intégrer de but en blanc serait catastrophique pour nos agriculteurs.
Déjà en 2004, il avait fallu dix ans de négociations pour le grand élargissement. Or, l'Europe de l'époque n'est pas celle d'aujourd'hui. "Oui, oui, mais c'est le sens de l'histoire!" rétorquent les europhiles. Justement, cette histoire, nous avons de plus en plus de mal à en saisir, le sens.