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Ouverture du procès d'un féminicide ayant bouleversé l'Italie

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ANDREA PATTARO

Un procès pour féminicide s'est ouvert lundi à Venise pour juger l'ex-petit ami d'une étudiante dont le meurtre en 2023 a bouleversé l'Italie.

Le parquet et la défense ayant renoncé à leurs témoins, peu d'audiences seront nécessaires pour arriver au verdict de ce crime qui a choqué l'Italie, pays où la lutte contre les violences faites aux femmes est à la traîne. Le verdict devrait donc tomber le 3 décembre, a décidé le tribunal.

Le meurtre en novembre 2023 de Giulia Cecchettin, 22 ans, étudiante en génie biomédical à Padoue, ville universitaire à une quarantaine de km de Venise, a jeté un éclairage sinistre sur les féminicides en Italie.

L'accusé Filippo Turetta, 22 ans, n'était pas présent à l'ouverture des débats lundi matin.

"Turetta mérite une peine, pas un procès médiatique. Il ne doit pas devenir le visage d'une bataille culturelle contre la violence de genre", a fait valoir son avocat, Giovanni Caruso, au moment de s'opposer à la volonté d'associations militantes de se constituer parties civiles.

"Ce n'est pas le procès du féminicide mais celui de Filippo Turetta", a abondé le procureur de Venise, Bruno Cherchi, cité par la presse locale.

L'accusé devrait comparaître au mois d'octobre pour "répondre à toutes les questions" qui lui seront posées, selon son conseil.

Le père de la victime, Gino Cecchettin, s'est refusé à toute déclaration à son arrivée au tribunal. La famille a déposé une demande de dommages et intérêts d'un million d'euros.

Selon les chiffres officiels, une femme est tuée tous les trois jours en Italie, un chiffre comparable à la France, mais très supérieur au nombre de meurtres par habitants dont les victimes sont des hommes.

- "Culture du viol" -

En Italie, les rôles traditionnels des hommes et des femmes y perdurent et la culture de la drague va souvent de pair avec des comportements machistes et sexistes.

Giulia Cecchettin a été portée disparue le 11 novembre 2023.

Des caméras vidéo installées près de son domicile ont saisi les premiers instants de l'agression et la fuite en voiture du meurtrier avec sa victime. Une chasse à l'homme s'engage alors, qui durera une semaine, suivie heure par heure par les médias italiens.

Le corps de l'étudiante est finalement retrouvé le 18 novembre dans un ravin près du lac Barcis, à environ 120 kilomètres au nord de Venise. Sa tête et son cou portent les traces de plus de 70 coups de couteau, selon les médias citant l'autopsie.

Filippo Turetta, à court d'essence, est arrêté près de Leipzig, en Allemagne.

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Piero CRUCIATTI

Des centaines de milliers de personnes manifestent dans tout le pays le 25 novembre, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

La sœur de Giulia Cecchettin, Elena, dénonce alors le "patriarcat" et la "culture du viol" prévalant selon elle dans la société italienne.

Lors de ses funérailles à Padoue, son père Gino demande que la mort de sa fille marque un "tournant pour mettre fin au terrible fléau de la violence à l'égard des femmes".

- "Je suis coupable" -

Filippo Turetta encourt la prison à vie pour assassinat et enlèvement.

Des extraits vidéo de son audition par un juge le 1er décembre 2023 ont été diffusés la semaine dernière dans l'émission "Quarto Grado" de la chaîne privée Rete 4. "Je suis responsable, je suis coupable. Je suis responsable de ces actes, oui", dit-il.

D'une voix calme, il explique comment Giulia Cecchettin a refusé de lui offrir un animal en peluche, lui disant qu'elle voulait mettre fin à leur relation et provoquant une dispute à bord de la voiture.

Tentant de s'enfuir à pied, la jeune femme est rattrapée par son meurtrier qui la poignarde d'abord au bras, avant de la ramener dans le véhicule et de s'enfuir. "Je lui ai donné, je ne sais pas, environ 10, 12, 13, je ne sais pas, plusieurs coups de couteau", a raconté M. Turetta.

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Piero CRUCIATTI

Selon le ministère de l'Intérieur, 120 femmes ont été assassinées en Italie l'an dernier, dont 97 par des membres de leur famille ou par leur partenaire actuel ou leur ex.

Après la mort de Giulia, le parlement a renforcé l'arsenal législatif protégeant les femmes, mais les associations affirment que le changement culturel exige beaucoup plus, à commencer par la sensibilisation obligatoire à ce sujet dans les écoles.

Selon un rapport gouvernemental datant de juillet 2021, "dans certaines régions, jusqu'à 50% des hommes estiment que la violence est acceptable dans le cadre de relations".

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