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L'armée ukrainienne a annoncé vendredi s'être retirée "avec des pertes mineures" mais des soldats faits prisonniers d'une position qu'elle tenait au sud d'Avdiïvka, une ville de l'est où la situation s'est considérablement dégradée pour elle ces derniers jours.
L'Ukraine risque de devoir abandonner cette localité aujourd'hui largement détruite, confrontée à un manque de moyens croissant en raison notamment du blocage de l'aide militaire américaine, alors que la Russie, qui a plus d'hommes et de munitions, peut espérer une conquête, à quelques jours du deuxième anniversaire du début de l'invasion, le 24 février.
Il s'agirait dans ce cas de la plus grande victoire symbolique de la Russie après l'échec de la contre-offensive de Kiev l'été dernier.
"La décision de se retirer a été prise pour économiser du personnel et améliorer la situation opérationnelle", a écrit sur Telegram Oleksandre Tarnavsky, le général ukrainien qui commande cette zone.
Le retrait de cette position fortifiée s'est déroulé "avec des pertes mineures", a-t-il ajouté, tout en assurant que l'armée continuait à "tenir la ville" et que l'envoi de renforts et de munitions supplémentaires aux troupes ukrainiennes sur place se poursuivait.
L'officier a toutefois reconnu que "plusieurs soldats" avaient été "capturés" par les forces russes, qui sont "en surnombre en termes d'effectifs, d'artillerie et d'aviation".
"L'ennemi lance toutes ses réserves à l'assaut, les déplace à partir d'autres directions et tente de percer nos défenses", a-t-il dit, ajoutant que l'évacuation des blessés était compliquée par les "bombardements continus".
- Pression "extraordinaire" -
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en tournée européenne, a déclaré de Berlin être en contact permanent avec le commandement militaire dont la principale tâche est selon lui de préserver la vie des soldats et "minimiser les pertes".
Selon Kiev, l'armée russe multiplie les vagues d'assaut depuis octobre pour prendre cette cité industrielle, malgré des pertes humaines très élevées, une situation rappelant la bataille de Bakhmout, une ville que Moscou a conquise en mai 2023 après 10 mois de combats au prix de dizaines de milliers de morts et de blessés.
"La pression de la part des Russes est tout simplement extraordinaire", a déclaré vendredi soir à la télévision Oleksandre Borodine, le porte-parole de la 3e brigade d'assaut, une unité ukrainienne envoyée ces derniers jours en renfort pour défendre Avdiïvka et qui avait déjà combattu à Bakhmout.
Après l'échec de la contre-offensive estivale ukrainienne, ce sont les Russes qui sont passés à l'assaut, face à une armée ukrainienne qui peine à regarnir ses rangs et qui manque de munitions.
La Maison Blanche relève de son côté qu'"Avdiïvka risque de tomber sous contrôle russe", tandis que l'aide militaire promise par les Etats-Unis est bloquée depuis des mois par les rivaux républicains du président Joe Biden.
Cette cité a une valeur symbolique importante. Elle était brièvement tombée en juillet 2014 aux mains de séparatistes pilotés par Moscou, avant de revenir sous contrôle ukrainien et de le rester malgré l'invasion du 24 février 2022 et sa proximité avec Donetsk, le principal bastion des partisans de la Russie depuis 10 ans.
- Angoisse des civils -
Avdiïvka est aujourd'hui en grande partie détruite mais quelque 900 civils y demeurent, selon les autorités locales. Moscou espère que sa prise rendra plus difficiles les bombardements ukrainiens sur Donetsk.
La poussée russe sur cette cité interroge désormais les habitants de localités environnantes : faut-il fuir maintenant ou continuer d'espérer que tout ira bien ?
"J'entends beaucoup de gens dans la ville se demander s'ils vont évacuer ou non", a dit à l'AFP Olena Obodets, qui vit à Selydové, une localité située à une trentaine de kilomètres d'Avdiïvka et lourdement frappée ces derniers jours.
"Ma fille me demande tous les jours d'évacuer mais je lui dis à chaque fois que le moment n'est pas encore venu", a confié cette femme de 42 ans, s'exprimant devant l'hôpital endommagé par un bombardement, au son du bruit sourd de lointains tirs d'artillerie.
Des journalistes de l'AFP ont vu plusieurs habitants de Selydové porter des sacs de voyage et des voitures remplies en train de quitter cette cité ainsi que trois hélicoptères militaires volant à basse altitude à l'extérieur de son périmètre.
Désormais, l'Ukraine est face à de multiples défis : l'offensive des forces russes, l'aide militaire américaine bloquée, le manque d'hommes, d'armes et de munitions.
Dans ce contexte tendu, M. Zelensky a signé vendredi à Berlin avec Olaf Scholz puis à Paris avec Emmanuel Macron deux accords de sécurité bilatéraux. Il prévoit de participer samedi à la Conférence de sécurité à Munich et d'y rencontrer la vice-présidente américaine Kamala Harris.
Dans cette ville allemande, Mme Harris a souligné vendredi qu'un échec concernant le déblocage de la nouvelle enveloppe d'aide à l'Ukraine au Congrès américain reviendrait à "faire un cadeau" à Vladimir Poutine.