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Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue jeudi soir en Géorgie pour protester une nouvelle fois contre le projet de loi controversé sur l'"influence étrangère" voulu par le gouvernement mais critiqué par les Etats-Unis et l'Union européenne.
Ce pays du Caucase est en proie à des manifestations antigouvernementales depuis le 9 avril, après que le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, a réintroduit ce texte perçu comme une entrave aux aspirations de Tbilissi d'adhérer à l'UE.
Contrairement aux jours précédents, le rassemblement a lieu jeudi en deux endroits différents : devant le Parlement, lieu traditionnel pour les manifestations, et sur la place des Héros, où trône un monument en mémoire des soldats géorgiens morts au combat.
Les manifestants ont bloqué la route menant à cette place et la police a arrêté plusieurs d'entre eux et fait usage de gaz poivré, comme la veille. En signe de solidarité avec les personnes interpellées, les manifestants se trouvant devant le Parlement ont défilé vers la place des Héros.
Les protestataires ont scandé "Non à la Russie!" et affiché des pancartes avec les visages des députés du parti au pouvoir du Rêve géorgien, qualifiés de "traîtres".
Ce projet de loi, adopté mercredi en deuxième lecture, est inspiré d'une législation russe utilisée depuis des années par le Kremlin pour persécuter les voix dissidentes. Les détracteurs du texte accusent le pouvoir de faire le jeu de la Russie.
"Nous sommes tous ensemble pour montrer aux marionnettes du Kremlin que nous n'accepterons pas le gouvernement qui va à l'encontre de la volonté du peuple géorgien", a déclaré à l'AFP l'un des manifestants, Guiorgui Loladzé, 27 ans, originaire de Koutaïssi, la troisième ville de Géorgie.
Les jours précédents, des dizaines de milliers de manifestants s'étaient déjà rassemblés devant le Parlement pour protester. Mardi, la police avait dispersé la foule à coup de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc et procédé à une soixantaine d'arrestations.
- Ambitions européennes -
Si cette loi est adoptée, elle exigera que toute ONG ou organisation médiatique recevant plus de 20% de son financement de l'étranger s'enregistre en tant qu'"organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère".
Le gouvernement assure pour sa part que cette mesure est destinée à obliger les organisations à faire preuve de davantage de "transparence" sur leurs financements.
Le texte a été critiqué par les Occidentaux, les Etats-Unis se disant jeudi "profondément préoccupés" par "les conséquences qu'elle pourrait avoir en termes d'étouffement de la dissidence et de la liberté d'expression".
"Nous n'aimerions pas voir avancer quoi que ce soit d'un point de vue législatif qui (...) rendrait plus difficile l'expression du peuple géorgien", a dit John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de l'exécutif américain.
La France, réitérant sa "vive inquiétude", a elle condamné la répression des manifestations et "à faire respecter le droit à manifester pacifiquement ainsi que la liberté de la presse".
Elle a estimé que le texte allait "à l'encontre des valeurs sur lesquelles est fondée l'Union européenne et auxquelles le peuple géorgien a montré son profond attachement".
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Volker Türk, a lui demandé le "retrait" du projet de loi et exhorté les autorités géorgiennes à "engager un dialogue, notamment avec la société civile et les médias".
Mercredi, l'Union européenne avait elle condamné la "violence" de la police et appelé la Géorgie à "garder le cap" vers l'UE.
En décembre, l'UE a accordé à la Géorgie le statut de candidat officiel, mais a estimé que Tbilissi devrait mener des réformes de ses systèmes judiciaire et électoral, accroître la liberté de la presse et limiter le pouvoir des oligarques avant que les négociations d'adhésion ne soient officiellement lancées.
Une première version du texte avait été abandonnée l'année dernière après des manifestations de rue d'ampleur.
Ces troubles surviennent à quelques mois d'élections législatives, en octobre, considérées comme un test important pour la démocratie dans cette ex-république soviétique habituée aux crises politiques.