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Minecraft, Valheim et Raft, pour n'en citer que quelques-uns: les Suédois, seuls ou en petite équipe, se sont taillés une place de choix dans l'industrie vidéoludique.
Minecraft, qui fête ses 15 ans le 17 mai, est né de l'imagination d'un seul homme, le Suédois Markus "Notch" Persson. Avec ses plus de 300 millions d'exemplaires vendus en 2023, il conforte son statut de jeu le plus vendu de l'histoire.
Cette réussite n'est pas un exemple isolé en Suède, dont l'écosystème "gaming" est foisonnant, avec des petits studios qui ont pignon sur rue.
"C'est la météo, il fait froid. Vous restez à l'intérieur, vous jouez, vous n'avez pas vraiment grand chose à faire dehors", plaisante auprès de l'AFP Philip Westre, cofondateur du développeur de jeux Landfall.
Malgré sa modeste population (10,5 millions de personnes), le royaume nordique a créé des jeux téléchargés sept milliards de fois à travers la planète, d'après les chiffres de l'industrie suédoise des jeux, de quoi presque rivaliser avec les poids-lourds américains, chinois et japonais du secteur.
Dans le monde, une personne sur quatre a déjà joué à un jeu suédois et en 2022, les développeurs suédois ont réalisé un chiffre d'affaires de 32,5 milliards de couronnes (2,8 milliards d'euros).
Installé à l'ouest de la capitale Stockholm, le studio de Landfall, qui emploie une dizaine de personnes, vient de connaître un succès inattendu.
- Miyazaki, couvertures et peluches -
Dans une villa d'une paisible banlieue, les murs du petit bureau du studio sont ornés d'oeuvres d'art inspirées de Hayao Miyazaki, de couvertures d'anciens jeux et d'une étagère de peluches.
Content Warning, son dernier jeu, coopératif et loufoque, est sorti le 1er avril. Son but ? Filmer ses amis apeurés, mettre les vidéos en ligne sur une plateforme fictive "SpöökTube", et espérer qu'elles deviennent virales.
Pour lancer la machine, Landfall a proposé le jeu gratuitement pendant 24 heures. A leur grande surprise, plus de 6 millions de personnes ont sauté sur l'occasion.
Content Warning, développé en six semaines seulement, est le dernier exemple du succès fulgurant que rencontrent les petits studios suédois dans l'industrie des jeux vidéo.
Début 2021, Iron Gate a publié le jeu Valheim, reconnaissable à son style viking, créé par une équipe de cinq personnes. Rapidement, il triomphe et se vend à plus de 12 millions d'exemplaires.
Un autre coup d'éclat, Raft - où les joueurs doivent survivre à bord d'un radeau flottant dans l'océan - a été créé par trois étudiants de l'université d'Uppsala (centre).
Et bien sûr, Minecraft, qui depuis sa sortie en mai 2009, a été racheté par le géant américain Microsoft pour 2,5 milliards de dollars.
Zorro Svärdendahl, programmeur chez Landfall, explique ces réussites par l'existence d'une organisation plus souple, grâce à la petite taille des équipes.
"Elles travaillent plus rapidement", dit-il, et les décisions peuvent elles aussi être prises sans se heurter à plusieurs strates hiérarchiques.
Plusieurs développeurs suédois se sont au contraire mués en grands studios comptant des centaines d'employés, à l'instar de DICE (créateurs de la série Battlefield) et Massive Entertainment (qui développe actuellement le prochain Star Wars Outlaws).
Le pays abrite également le géant du jeu vidéo Embracer, qui contrôle une multitude de studios et possède la franchise "Tomb Raider".
- "Prophétie autoréalisatrice" -
Il faut remonter aux années 1980 pour trouver les premiers germes de la scène suédoise actuelle, souligne Per Strömbäck, président de l'industrie suédoise des jeux.
Les pionniers ont appris la programmation sur des ordinateurs Commodore 64, tout en s'inspirant des mécanismes des jeux de rôle.
"Personne ne réalisait à l'époque que cela se transformerait en un secteur d'activité" à neuf chiffres, relève-t-il.
Philip Westre du studio Landfall note aussi que les Suédois sont eux-mêmes de gros joueurs.
"La culture du jeu est très, très forte ici, à la fois dans le domaine du jeu et dans celui du développement", explique-t-il.
En tant que "très grand fan de Minecraft", il se souvient avoir été ravi d'apprendre que le jeu avait été développé dans son pays d'origine.
"C'est un peu comme une prophétie autoréalisatrice. Comme je savais que des gens créaient des jeux en Suède, je savais que, moi aussi, je pouvais" le faire.