Partager:
Le procès d'une Italienne, accusée d'avoir attaqué des néo-nazis présumés et qui était apparue enchaînée devant un tribunal, a débuté vendredi en Hongrie, une affaire qui a suscité une forte émotion dans la péninsule et des tensions diplomatiques.
Ilaria Salis, 39 ans, a comparu libre: elle est sortie de prison à la veille de l'audience, se trouvant désormais assignée à résidence dans la capitale Budapest.
Si elle ne s'est pas exprimée, elle s'est montrée souriante, bracelet électronique à la cheville, dans une salle où avaient pris place de nombreux journalistes italiens et l'ambassadeur Manuel Jacoangeli, avant de repartir sous les applaudissements de ses partisans.
Une victime présumée et deux témoins ont été entendus sans qu'aucun ne puisse l'identifier, les assaillants ayant porté des cagoules lors des faits.
Le prochain rendez-vous a été fixé à début septembre, sachant que le jugement n'est pas attendu avant plusieurs mois.
Cette enseignante de Monza, près de Milan, a passé de longs mois en détention, sous haute sécurité, le parquet hongrois l'accusant de "tentatives d'agression mettant en danger la vie d'autrui dans le cadre d'une organisation criminelle".
Il a requis onze ans de prison avec le soutien bruyant du gouvernement qui dit vouloir "défendre les Hongrois" contre la "violence de l'extrême gauche" venue de l'étranger.
- "Crime brutal" -
Des images de la militante arrivant, enchaînée et les pieds liés pour une audience en début d'année, avaient provoqué une vive indignation dans son pays d'origine, au-delà des débats partisans.
La présidente du Conseil Giorgia Meloni, qui dirige le parti d'extrême droite Fratelli d'Italia, avait téléphoné à son homologue et allié Viktor Orban et l'ambassadeur de Hongrie avait dû s'expliquer auprès de Rome sur un traitement jugé "inapproprié".
Incarcérée depuis février 2023 en marge d'une manifestation contre un rassemblement néo-nazi, Ilaria Salis est accusée par le parquet d'avoir spécifiquement voyagé à Budapest pour commettre des violences.
Forte de sa nouvelle notoriété, elle a été choisie comme tête de liste par un petit parti italien, Alliance des Verts de gauche (AVS), pour les élections européennes du 9 juin.
Si elle est élue, son immunité parlementaire entraînerait la fin des poursuites.
"Ce qu'on voit là est tout à fait scandaleux", a commenté jeudi le chef de cabinet du Premier ministre Gergely Gulyas. "Cette personne commet un crime brutal et l'extrême gauche européenne prend sa défense, essayant même d'en faire une députée", s'est-il étranglé.
- "Ennemis d'Etat" -
L'ONG Amnesty International a condamné les "conditions dégradantes" de l'incarcération d'Ilaria Salis jusqu'à son assignation à résidence, finalement accordée contre une caution de 16 millions de forints (41.000 euros).
"On lui a refusé la moindre douche durant plus d'un mois", rappelle à l'AFP son père Roberto Salis.
La surpopulation dans les prisons hongroises a été critiquée par le Conseil de l'Europe et selon Eurostat, ce pays d'Europe centrale est celui dans l'Union européenne comptant le plus grand nombre de prisonniers par habitant.
Ce n'est pas la première fois que la Hongrie est sur la sellette.
En 2016, un migrant syrien nommé Ahmed H. avait été condamné en première instance à dix ans de prison ferme pour terrorisme après avoir jeté trois projectiles en direction de la police lors d'une émeute en pleine crise des réfugiés.
Un jugement qui avait provoqué les critiques de Bruxelles comme de Washington.
Dans le cas d'Ilaria Salis, la défense se plaint de la lenteur de la procédure, alors que la "traduction en italien des "documents de l'enquête" ne sera prête qu'en novembre, selon l'avocat György Magyar.
L'accusée, qui rejette les allégations à son encontre, se considère comme une prisonnière politique.
"Je garde la tête haute depuis le premier jour parce que je me sais du bon côté de l'histoire", a-t-elle déclaré au journal italien La Stampa par l'intermédiaire de son père.
"En Hongrie, on considère ces gens (les néo-nazis) comme des patriotes et les antifascistes comme des ennemis d'Etat", dénonce M. Salis, qui s'est aussi offusqué de la divulgation lors de l'audience vendredi de l'adresse de sa fille à Budapest.
L'ambassadeur a adressé à ce sujet une protestation formelle aux autorités, craignant pour "sa sécurité", selon l'agence italienne Ansa.