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Des peines de prison avec sursis et de lourdes amendes ont été requises lundi au procès de l'accident du TGV Est qui a entraîné la mort de 11 personnes et fait 42 blessés en Alsace le 14 novembre 2015.
Le procureur de la République a dénoncé un "aveuglement collectif" dans les essais en survitesse et mis en avant "la responsabilité partagée" de cinq des six prévenus jugés devant le tribunal correctionnel de Paris pour homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité.
Le procureur a requis un an de prison avec sursis à l'encontre du conducteur de la rame Denis T. et deux ans de prison avec sursis contre Francis L., le cadre chargé de lui donner les consignes de freinage et d'accélération.
Le magistrat a en revanche écarté toute "responsabilité pénale" à l'encontre de Philippe B., le technicien de Systra - la société maître d'oeuvre des essais - chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie.
C'est contre les trois personnes morales (SNCF, SNCF-Réseau et Systra) que Nicolas Hennebelle s'est montré le plus sévère.
"Systra a la responsabilité la plus importante" dans l'accident, a affirmé le procureur en réclamant une amende de 225.000 euros, soit le maximum légal, à son encontre.
"Je regrette que le maximum légal ne soit pas à la hauteur" de "la douleur indicible" des victimes, a ajouté le procureur.
Systra a "manqué à sa mission d'évaluation et de mise en œuvre de la sécurité", a dit le procureur.
Il a requis une peine de 200.000 euros, multipliée par deux "en raison de l'état de récidive légale", soit 400.000 euros, contre la SNCF et une amende de 150.000 euros, multipliée par deux en raison également de l'état de récidive légale, soit 300.000 euros, contre SNCF-Réseau.
"Tout semble avoir été fait pour mettre en danger la conduite de la rame", a affirmé le magistrat dans ses réquisitions.
Il a relevé des "fautes", des "manquements dans la formation" ou encore des "problèmes d'organisation et de coordination des essais" de la part des trois sociétés mises en cause. Il a fustigé "des décisions absurdes", un "défaut de rationalité" et "une confiance excessive des uns envers les autres".
L'enquête a établi que ni le matériel ni la voie ne pouvaient être mis en cause pour expliquer le déraillement du TGV, qui transportait 53 personnes, dont 35 "invités".
La vitesse excessive et un freinage tardif sont à l'origine d'un accident que tous les protagonistes jugeaient "impensable", a rappelé le procureur.
- "Erreur grossière" -
Le TGV, qui effectuait des tests sur l'ultime portion de la ligne à grande vitesse entre Paris et Strasbourg avant son ouverture au public, a abordé une courbe à 265 km/h, très largement au-dessus des 176 km/h prévus à cet endroit.
Il a déraillé 200 mètres plus loin, heurtant le parapet du pont au-dessus du canal de la Marne au Rhin à la hauteur d'Eckwersheim (Bas-Rhin), à 20 km de Strasbourg, à une vitesse estimée de 243 km/h.
Selon Nicolas Hennebelle, le conducteur a "commis une erreur grossière" en proposant "de freiner à un moment où c’était impossible".
Le magistrat a également souligné "l'imprudence" du cadre qui l'accompagnait pour avoir déterminé "une stratégie de freinage sans aucune marge de sécurité".
Tout au long des deux mois d'audience, les prévenus se sont renvoyés la responsabilité de l'accident, sans reconnaître la moindre faute.
Le représentant de Systra a affirmé que sa société avait "rempli l'ensemble de ses obligations". Seul celui de la SNCF a fini par concéder un "on a été mauvais".
La parole sera donnée à la défense mardi et jeudi (il n'y a pas d'audience le mercredi).
Mardi ce sont les avocats des trois personnes physiques qui plaideront. Jeudi, ce sera au tour des avocats des trois sociétés mises en cause.
Tous les avocats de la défense ont prévu de plaider la relaxe de leur client.
La décision du tribunal doit être rendue dans les prochains mois.