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"Reconquérir" le mois de juin pour les élèves de Seconde, dans des lycées mobilisés par le bac, telle était la promesse de Gabriel Attal. Un stage obligatoire de 15 jours devait être la solution. Une fausse bonne idée selon une partie de la communauté éducative, et des parents.
Jusqu'à présent, les lycéens de Seconde entamaient, de fait, leurs vacances d'été dès début juin: enseignants et locaux des lycées sont occupés en grande partie par l'organisation du baccalauréat -les épreuves de français notamment pour les élèves de Première, et les autres pour les Terminales.
Mais Gabriel Attal, peu après son arrivée au ministère de l'Education en juillet 2023 a dit vouloir s'atteler à une "véritable reconquête du mois de juin", à l'instar de nombre de ses prédécesseurs.
Il décide que la deuxième quinzaine de juin sera désormais consacrée à "un stage en milieu professionnel" obligatoire pour les quelque 550.000 élèves de Seconde, à effectuer dans une entreprise, une association ou un service public, du 17 au 28 juin.
Le stage n'était jusqu'à présent obligatoire qu'en classe de troisième (une semaine), à des dates variables selon les établissements.
Les élèves de Seconde pouvaient aussi s'inscrire cette année aux séjours de cohésion du Service national universel (SNU), qui accueilleront en juin "9.622 jeunes", selon le ministère. "4.710 sont placés en liste complémentaire", précise-t-il.
"La reconquête du mois de juin, c'est l'arlésienne de l'Education nationale et personne n'y est jamais arrivé depuis près de 20 ans", estime cependant Grégoire Ensel, président de la Fédération de parents d'élèves FCPE.
En 2008, déjà, le ministre de l'Education d'alors Xavier Darcos évoquait la "reconquête du mois de juin". L'année suivante, les épreuves du baccalauréat sont reportées d'une semaine, les dates des conseils de classe reculées, la surveillance des épreuves du bac confiée à des non-enseignants, le nombre de centres d'examen augmenté. Mais pas partout, et avec un effet mitigé.
- "Garderie géante" -
La solution proposée par Gabriel Attal -le stage de deux semaines- a suscité les critiques des syndicats enseignants, des chefs d'établissements et des parents d'élèves.
Les élèves n'ont pas été suffisamment accompagnés durant l'année et la plateforme collectant les offres, accessible depuis l'espace dédié "1jeune1solution", n'était pas assez fournie, estiment-ils.
Lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale mercredi, le député écologiste Jean-Claude Raux a comparé ces stages à "une garderie géante". Gabriel Attal, devenu Premier ministre en janvier après ses quelques mois rue de Grenelle, lui a répondu: "j'assume de dire que c'est bon pour nos élèves, bon pour nos entreprises, bon pour nos administrations de mettre en place un nouveau stage en fin de Seconde".
A quelques jours de la période du stage, personne ne sait encore combien d'élèves de Seconde -âgés entre 15 et 16 ans- risquent de se retrouver sur le carreau, faute d'avoir trouvé.
"Il semblerait que l'on ait moins d'un élève sur deux à avoir un stage", a indiqué Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, premier syndicat des chefs d'établissements, lors d'un point presse fin mai.
Louisa, lycéenne de Seconde à Paris, "cherche toujours". "Je vais finir par faire un stage avec mon père dans le théâtre", dit-elle à l'AFP, un peu dépitée.
Les élèves sans stage sont censés être accueillis dans leur établissement, mais Bruno Bobkiewicz prévient: "On ne pourra pas accueillir à la fois les élèves qui passent le bac et des centaines d’élèves de Seconde sans stage pendant deux semaines".
Pour Grégoire Ensel, "le grand gagnant de la reconquête du mois de juin, c'est Netflix: de nombreux lycéens vont rester chez eux à regarder les écrans".
Il estime "urgent que toute la communauté éducative se réunisse autour de la table pour repenser ce mois de juin" et suggère "une session encadrée, consacrée à l'orientation pour les élèves de Seconde par exemple".