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Les tests de Mathieu: devenu vendeur de montres en Europe, Huawei a-t-il encore de l'ambition sur le marché du smartphone ?

Malgré les sanctions américaines, Huawei continue de se battre en Europe. Avec la sortie de la Watch GT5, la marque mise sur une montre connectée élégante et endurante. Cependant, des limitations logicielles et l'absence d'applications populaires freinent son succès, le même constat que nous faisons par rapport aux smartphones de la marque depuis près de 5 ans. Huawei espère contourner ces obstacles avec des solutions comme l'Aurora Store, mais l’avenir reste incertain.

Vous êtes encore quelques milliers, en Belgique, à utiliser un (désormais un peu vieux) smartphone Huawei. Effectivement, en 2018, le fabricant chinois était aux portes de la première marche du classement des vendeurs de smartphones, chez nous comme dans d'autres régions du monde. Mais des décisions stratégiques et géopolitiques des Etats-Unis ont sanctionné lourdement l'entreprise autant connue à l'époque pour ses smartphones que pour ses infrastructures 4G présentes partout dans le monde. Une des conséquences: Huawei n'a plus pu utiliser les services des Google, dont l'indispensable magasin d'applications Play Store, rendant son matériel pratiquement obsolète dans nos régions. Régulièrement, je reprends le pouls de ce fleuron des technologies mobiles du 21e siècle. Et on apprend toujours quelque chose. 

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Un boitier en titane robuste et élégant (©RTL info)

Une belle montre avec un (gros) handicap

L'accroche de cet automne, c'est la sortie de la Watch GT5, dernière itération des smartwatches de Huawei. Le géant chinois n'a pas pris de risque, et peaufine un modèle qui a déjà fait ses preuves (la première Watch a été présentée à l'IFA de Berlin en 2015). La GT5 existe en plusieurs tailles, versions et finitions. Celle qui m'a été prêtée est la GT5 Pro (379€), la plus complète au niveau des fonctionnalités. Les qualités des montres Huawei restent les mêmes au fil des ans (les défauts aussi, hélas, vous allez le voir):

  • Un look et une finition exemplaires. Contrairement aux montres d'Apple ou de Google, les Watch de Huawei ressemblent à des montres, et on a envie de les porter comme telles. Huawei propose des fonds d'écran originaux et réussis, souvent avec des aiguilles virtuelles ; et si ceux fournis avec la montre ne suffisent pas, il y a un magasin avec des dizaines de cadrans, gratuits ou payants. Certains sont très "chinois", vous le verrez, mais il y en a pour tous les goûts. 
  • Une autonomie très confortable. Selon l'usage et le modèle, elle variera entre 7 et 14 jours. La mienne, portée jour et nuit, avec quelques exercices et pas de mal de tests, affichait encore 52% d'autonomie après 6 jours. Pour rappel: Google et Apple arrivent péniblement à 2 jours, OnePlus parvient à atteindre 4 jours ; seul Garmin est un concurrent sérieux de Huawei au niveau de l'autonomie (ça s'explique par un système d'exploitation plus léger, et donc moins compatible avec les applications tierces). 
  • L'application Huawei Health est très complète, peut-être trop pour les utilisateurs non avertis - elle peut heureusement être configurée au niveau des infos affichées sur l'écran d'accueil (je n'entre pas manuellement tous les verres d'eau ni les calories au fil de ma journée, par exemple). La visualisation de l'état de forme avec le trèfle est une bonne trouvaille, par exemple, reprenant le sommeil, le rythme cardiaque et l'activité. Toutes les données de santé sont reprises, notamment l'ECG (électrocardiogramme) et le taux d'oxygène dans le sang, que les Watch GT peuvent analyser. On peut même mesurer la souplesse de ses artères à partir de son poignet (voir image ci-dessous). Quant aux exercices physiques, c'est très complet, et les informations affichées durant l'effort sont pertinentes. Bref, une belle proposition de la part de Huawei, comme toujours. 
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© RTL info

Mais... il y a un grand mais ! Car depuis 2019, Huawei fait cavalier seul au niveau logiciel, ce qui s'avère, vous l'imaginez, assez handicapant (théoriquement, les entreprises américaines ne peuvent pas toujours collaborer avec Huawei, ce qui est une partie de l'explication):

  • Premier constat: il faut passer par le site web de Huawei pour télécharger l'application Health sur Android (ce n'est pas le cas sur iPhone), ce qui est loin d'être idéal, notamment pour les mises à jour. L'autre option est d'installer carrément AppGallery, le magasin d'applications de Huawei, mais ça devient encombrant et fastidieux. De plus, bug passager sans doute, mon application affiche sur l'écran d'accueil des icônes en néerlandais et en turc. Rien de très user friendly, donc :
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  • Deuxième problème, plus gênant: il n'y a rien d'intéressant pour les Européens dans le magasin d'applications de la montre. Je ne connaissais aucune suggestion, tandis que je constatais l'absence totale des applications qui me sont utiles sur une montre connectée: Spotify, Google Home, Assistant Google, WhatsApp, Gmail, Outlook, Maps, Tedee. Ne cherchez pas non plus les applications très populaires des sportifs, comme Strava. 
  • Enfin, conséquence probable des deux premières limites logicielles de la montre: l'affichage des notifications. Si théoriquement, toutes les notifications du téléphone peuvent arriver sur la montre, beaucoup d'entre elles apparaissent avec des icônes surprenantes (pas celle de l'application, en tout cas), et des possibilités limitées en termes de réaction. 
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Un affichage réussi pour le tiroir d'applications (©RTL info)

Comment se porte Huawei dans nos régions ? 

Qu'à cela ne tienne: on enterre Huawei depuis des années, mais le géant chinois de l'électronique se porte bien, principalement grâce à son marché natal, la Chine. L'Afrique et l'Amérique latine, l'Afrique et d'autres régions d'Asie, moins attachées aux logiciels américains, continuent d'être des marchés ciblés par Huawei. Il n'y a vraiment qu'aux Etats-Unis et en Europe que les limites logicielles (et l'absence de Huawei dans certaines infrastructures réseaux déterminantes) sont des freins au rayonnement global de l'entreprise née à Shenzhen, au sud de la Chine, dans les années 1970. 

L'entreprise reconnaît le problème, mais continue de dire qu'elle ne baisse pas les bras sur le marché du smartphone. "Bien que ces dernières années aient été plus difficiles pour nous afin de rester compétitifs sur le marché des smartphones en Europe, nous n'avons jamais abandonné, et n'abandonnerons jamais, notre objectif de proposer les dernières technologies de smartphones sur le marché européen", m'a confié un représentant local de Huawei, précisant que l'entreprise vend "assez bien" de téléphones dans des pays comme "la Roumanie, la Bulgarie ou la Turquie". Un discours d'influence, sans doute, car dans les faits, aucun changement visible ne laisse supposer que Huawei peut à nouveau concurrencer à armes égales les Samsung, Google, Xiaomi, OnePlus et Oppo...

Petite surprise: Huawei est N1 sur le marché mondial des "appareils qu'on porte au poignet", donc les smartwatches (comme la Watch GT5) ou les trackers d'activité avec petit écran. "Huawei détient une part de marché de 20,3 % sur le marché mondial des appareils portables en termes de volume d'expédition. Nos appareils portables deviennent très populaires et, dans de nombreux pays européens, nous occupons une position parmi les trois premiers". Des chiffres confirmés par IDC

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Comme la concurrence, Huawei propose un abonnement payant VIP, avec des contenus additionnels à la pertinence discutable (©RTL info)

Conclusions

Les années passent, mais la situation ne change pas vraiment pour Huawei dans nos régions. Toujours privée de collaboration avec Google et ses indispensables services logiciels, peinant à convaincre d'autres éditeurs d'applications très populaires à être présent dans son AppGallery, l'entreprise chinoise existe aux yeux du grand public à travers des montres connectées. Qui ont, vous l'avez lu, des qualités et des défauts. 

Cependant, comme l'indique un porte-parole local de Huawei, "la progression actuelle de diverses places de marché d'applications tierces, comme Aurora Store", donne un peu d'espoir. Effectivement, l'Europe impose à Apple et Google de permettre aux consommateurs d'installer des magasins d'applications alternatifs. Si on saute le pas avec l'Aurora Store, par exemple, on peut donc télécharger ses applications favorites - mais avec moins de sécurité et de simplicité qu'on le ferait avec le Play Store, car il est parfois difficile de connaître la source exacte de l'application, et de s'assurer de la disponibilité immédiate des mises à jour. 

Huawei croit cependant dans l'idée que les utilisateurs occidentaux sont prêts à se compliquer un peu la vie. "En résumé, devenir un acteur majeur sur le marché européen des smartphones sera toujours notre objectif prioritaire, et il y a certainement des perspectives en Europe dans les années à venir", conclut mon interlocuteur. 

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