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Pierre Assouline, juré du Goncourt, et l'importance des "quelques premières pages"

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Geoffroy VAN DER HASSELT

"Les quelques premières pages" sont essentielles pour savoir si un roman a de l'intérêt ou non, estime Pierre Assouline, critique littéraire et l'un des dix jurés du prix Goncourt.

Dans "Comment écrire", qu'il publie aux éditions Albin Michel, cet auteur puise dans les pistes données par de très nombreux écrivains célèbres pour réussir de bons livres.

Q: On dit souvent que le best-seller ne connaît pas de recette. Est-ce vrai?

R: Oui. Les gens veulent absolument qu'il y ait des recettes, des méthodes, des secrets. Tout ça vient après coup. Il y a de plus en plus une littérature universelle, des romans qui sont de vrais best-sellers mondiaux, mais qui n'étaient pas faits pour ça. "Le Nom de la rose" d'Umberto Eco. C'est un sujet très pointu, choisi par un auteur qui est lui-même une pointure...

Q: Néanmoins, vous dégagez plusieurs conseils sur ce qu'il ne faut pas faire.

R: Il y a des techniques qui permettent de ne pas commettre d'erreurs de débutant et d'aller plus vite. Ces techniques sont éprouvées par plein d'écrivains qu'on admire tous.

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Geoffroy VAN DER HASSELT

Le point de départ est que j'enseigne l'écriture depuis 25 ans à Sciences Po. J'ai toujours voulu donner plein d'exemples à mes étudiants, donc je collectionne les interviews d'écrivains. J'en ai des centaines.

Et il y a pas mal de livres où des écrivains s'accordent une parenthèse pour leur expliquer d'où leur vient l'écriture. Le public se pose une question: comment ils font? Philip Roth parle toujours de la même chose, ne sort jamais de Newark, de son quartier, et ce n'est jamais le même livre. Et on se demande comment ça marche: les dialogues, les personnages, l'histoire...

Q: Un conseil que vous citez, c'est celui, fameux en anglais: "kill your darlings", "tuez vos chouchous", vos préférences. N'est-ce pas contre-productif?

R: Ce qui m'énerve plus, ce sont les lieux communs. "J'ai écrit le livre que je voulais lire": cette phrase m'exaspère. Je ne crois pas non plus à l'inspiration, tarte à la crème héritée du XIXe. Je dis toujours aux étudiants qu'il faut la remplacer par l'imprégnation. Je ne cache pas que je suis fortement sous l'influence de Georges Simenon, puisque j'ai écrit sa biographie. C'était un écrivain qui s'imprégnait beaucoup. Trois ans de décantation et ça ressortait. Toujours trois ans, il ne savait pas pourquoi.

Q: Aujourd'hui arrivent des romanciers formés dans des masters d'écriture créative, comme Shane Haddad, dont "Aimez Gil" a été salué par la critique en cette rentrée. Cela veut-il dire que le métier d'écrivain s'enseigne?

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GUILLAUME SOUVANT

R: La littérature s'enseigne, elle s'apprend, mais ça ne rend personne écrivain. Première phrase de mon livre: "Ce livre ne vous rendra pas écrivain". C'est aussi ce que je dis le premier jour de mon cours. Mais également que si, parmi les étudiants, certains ont des dispositions pour écrire, je vais les aider à faire mieux et plus vite.

On va compter le nombre de fois où dans une page vous écrivez je. Arrêtez de commencer les phrases par je. Écrivez un récit de deux pages sans les verbes être et avoir. N'écrivez pas quatre fois le même mot sur la même page. Et puis lisez Balzac, Maupassant, Zola...

Q: Mais savoir pourquoi certains ont ces dispositions, cela reste un mystère.

R: Pourtant, on le sent tout de suite. On fait écrire et on voit si quelqu'un en a. Il y a au contraire des gens très avancés dans leurs études qui ont un niveau d'expression catastrophique à l'écrit.

Q: En tant que juré du Goncourt, vous lisez quantité de bons et de mauvais romans. Faites-vous rapidement le tri?

R: On voit l'histoire en quatrième de couverture, les quelques premières pages... Oui. Moi, ce qui m'intéresse quand je reçois les livres, c'est de savoir comment chacun est fait. Je me précipite à l'intérieur pour voir comment l'auteur a agencé son récit. Quand on est du bâtiment, on s'intéresse à la mécanique.

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