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Les Beatles furent caricaturés par leurs coupes au bol, Liam et Noel Gallagher par leurs gros sourcils: l'histoire du rock retient surtout que ces frères ont dilapidé le trésor d'un groupe en or, Oasis, avec une brouille délirante de quinze ans.
L'annonce de la reformation est survenue mardi via les réseaux de cette formation mythique de la Britpop des années 1990 et de chacun des frangins. Une harmonie miraculeuse, alors que Liam, 51 ans, et Noel, 57 ans, distillaient ces dernières années leur dégoût réciproque via médias ou réseaux, avant un souffle d'apaisement récent.
Difficile de savoir quand la marmite familiale a commencé à bouillir, alors qu'un festin s'offrait aux deux natifs de Manchester depuis la sortie du premier single "Supersonic" en 1994.
Peu de temps après, Noel avait déjà, notamment, frappé à la tête son frère en studio avec une batte de cricket. Leurs prises de bec seront innombrables. Mais la nuit où le couvercle saute complétement est documentée.
Il est un peu plus de 22H00 (20H00 GMT) ce 28 août 2009 lorsqu'un des responsables du festival Rock en Seine, aux portes de Paris, monte sur scène et prend le micro avant le concert d'Oasis: "Je vous annonce que, malheureusement, à l'instant sur le site de Rock en Seine, Liam et Noel se sont battus. Le groupe n'existe plus."
- Famille pauvre -
Peu de temps avant, c'est l'orage de trop entre Liam et Noel dans les loges, avec une guitare brisée à la clé. Retrouvée et réparée, la six cordes a été vendue aux enchères en mai 2022 dans la capitale française pour 385.500 euros, frais compris.
Paradoxe: l'hostilité recuite entre les deux frères n'a pas empêché un de leur standards, "Don't look back in anger" ("Ne regarde pas le passé avec colère", 1995) de devenir un hymne à vertu thérapeutique.
La Garde républicaine française, renforcée par une guitare électrique, l'a repris avant le match de football France-Angleterre au Stade de France en juin 2017, en hommage aux victimes d'attentats à Manchester en mai.
La genèse du groupe est à l'image goguenarde des deux frangins, nés dans une famille pauvre de la classe ouvrière, qui cumule les clichés entre père alcoolique et violent, mère qui lutte pour divorcer, échec scolaire de la fratrie (trois frères en tout) et petite délinquance.
Noel plonge le premier dans le rock mais le salut vient du cadet. En 1991, Noel, alors roadie de passage à Munich - il règle les guitares avant le concert des Inspiral Carpets, formation de Manchester - appelle sa mère. Demandant des nouvelles de Liam, il apprend que son cadet fait partie d'un groupe.
- Excès -
"Je ne savais même pas que Liam écoutait de la musique. A la maison, on partageait la même chambre. Quand lui et ses potes traînaient dehors et faisaient des conneries, je restais à la maison pour fumer de l'herbe et jouer de la guitare (...) il n'avait aucun disque", confie Noel dans le livre "Manchester Music City" de John Robb.
Liam et son groupe demandent plus tard à Noel de passer aux répétitions. "Comme je ne branlais rien ce jour-là, j'y suis allé."
Et le nom du groupe ? Noel avait un poster des Inspiral Carpets avec les noms des villes d'une tournée, dont une escale à l'Oasis, centre de loisirs à Swindon (sud de l'Angleterre). "Je disais toujours à Liam de ne pas choisir ce putain de nom." Qui n'a pas écouté son aîné.
Liam chante d'une voix nasillarde, les mains dans le dos, Noel joue de la guitare, détaché: la fusée décolle. Oasis est porté par des tubes comme "Wonderwall", "Champagne Supernova" (1995), opposé par la presse à Blur, autre figure de la Britpop, et les deux frères se vautrent dans un rock'n'roll circus tout en excès. Jusqu'au clash de 2009.
Reste à savoir combien de temps durera la reformation, qui arrive pour les 30 ans de leur premier album "Definitely maybe", au nom lourd de sens ("Certainement peut-être").