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"Qui som ?", "Qui sommes nous?", interroge la compagnie Baro d'evel dans sa nouvelle pièce présentée à Avignon, un spectacle inventif total mêlant céramique, scènes visuelles géantes, textes poétiques et burlesques et invitant à "ne pas baisser les bras".
Ils sont douze et chacun doué d'un savoir-faire : céramistes, danseurs, chanteurs, comédiens, acrobates... Voilà pour le melting-pot qui compose la troupe franco-catalane, qui se produit dans la Cour du lycée Saint-Joseph jusqu'au 14 juillet.
Sur scène, les artistes, d'abord vêtus de noir, détournent des vases d'argile blancs enfilés à l'envers sur leur tête, se dissimulant sous de nouveaux visages qu'ils modèlent et badigeonnent de rouge durant la performance.
Derrière eux, une masse imposante, sorte de mammouth à longs poils endormi, devient un mur géant qui suggère les rouleaux de l'océan, sublimement mis en valeur par les éclairages.
Tout un travail s'opère sur les corps : ils sont ceux qui pataugent dans une flaque d'eau et d'argile, faisant rire les spectateurs, ou ceux qui se désarticulent tels des grues ou des flamants roses. Plus tard, ils nagent dans un océan de bouteilles en plastique rejetées par la mer. Et, enfin, dansent et vibrent ensemble sur une musique énergisante.
L'univers sonore convoque tour à tour le vent, l'orage, la mer, mais aussi des bruits métalliques.
Peu d'acrobaties mais du chant, de la musique - une fanfare clin d'oeil à l'ambiance déjantée des films d'Emir Kusturica -, des performances visuelles à profusion et des textes poétiques et drôles... qui semblent résonner avec le contexte politique.
Comme dans ce final, sorte de soulèvement joyeux où la comédienne Camille Decourtye, co-fondatrice de la compagnie, clame: "Vu tout ce qui se passe en ce moment, on sait pourquoi on fait ça. (...) Il y a du plus grand, pour lequel il faut faire des liens (...) faire société, c'est ce qui nous rend beau".
- "allez debout" -
"Faut pas baisser les bras", "on peut décider d'être debout, de prendre notre élan (...) Au milieu de l'orage, il faut avoir de l'audace". "Personne n'est inutile. Allez, debout !", poursuit-elle, comme portée par la troupe en fanfare qui invite le public à les suivre dans la rue puis une autre cour pour prolonger la rencontre.
"A un moment d'hystérie sur les questions d'identité, on avait envie de se poser la question +Qui som+, en se demandant +qu'est-ce qu'on à envie d'être, qu'est-ce qu'on a envie de faire ensemble+ ?", affirme Camille Decourtye, devant plusieurs journalistes, dont l'AFP, jeudi.
C'est aussi "aller regarder le pire en nous et les endroits de peur, où les gens ont besoin de se rassurer par le mauvais biais, c'est la question du populisme", ajoute-t-elle.
La compagnie, qu'elle a co-fondée en 2000 avec Blaï Mateu Trias, a commencé dans la rue puis sous chapiteau, pour aller vers des plateaux. Parmi les douze membres, six sont nouveaux (sept langues différentes parlées). "On voulait ouvrir les pratiques et les langages, voir des horizons différents", souligne Blaï Mateu Trias.
C'est la première fois que le festival "In" invite une compagnie issue du cirque et des arts de la rue.
"Le cirque n'est pas une présence habituelle au festival d'Avignon", avait souligné son directeur, Tiago Rodrigues, en présentant la programmation en avril, ajoutant qu'il y avait pour lui "urgence et désir de partager avec le plus grand nombre" le travail de Baro d'evel.
Lors de la première mercredi soir, le public unanime a applaudi debout et suivi l'invitation dans la rue.
Une tournée en France et en Europe est prévue pour un an, qui passera, entre autres, par Rome, Bruxelles, Lyon, Toulouse.