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Le monde de la BD était secoué mardi par une vive polémique autour des honneurs réservés au Festival d'Angoulême fin janvier 2023 au dessinateur vedette Bastien Vivès, accusé de promouvoir l'inceste et la pédocriminalité.
Auprès de certains de ses pairs et de personnalités engagées pour la défense des mineurs, cet honneur réservé aux plus grands ne passe pas.
En cause: plusieurs titres qui mettent en scène des mineurs face au sexe, avec des schémas parfois incestueux et des déclarations polémiques sur ce sujet.
Dans "Une sœur" en 2017, une fiction réaliste adapté à l'écran ("Falcon Lake", actuellement en salles), un garçon de 13 ans a des relations sexuelles, pendant des vacances en bord de mer, avec une fille de 16 ans.
Bien moins réalistes, "Les Melons de la colère" en 2011, ainsi que "La Décharge mentale" et "Petit Paul" en 2018 montrent des relations sexuelles entre mineurs et majeurs. Face à des accusations de pédopornographie, Cultura et Gibert Joseph avaient cessé de vendre "Petit Paul".
"Aussi obscène et provocatrice qu'on puisse la considérer, cette œuvre de fiction n'a jamais pour vocation de dédramatiser, favoriser ou légitimer l'abus de mineur de quelque manière que ce soit", s'étaient défendues les éditions Glénat en 2018.
À 38 ans, Bastien Vivès a pratiqué le roman graphique sophistiqué ("Polina", 2011), le "manga à la française" ("Lastman", 2013-2019) ou encore la reprise du personnage de Corto Maltese ("Océan noir", 2021).
- Sous pseudonyme -
Cette star du 9e art doit être à l'honneur avec l'exposition "Dans les yeux de Bastien Vivès", prévue à Angoulême pendant le festival de la bande dessinée, fin janvier.
Une pétition en ligne, dénonçant "la banalisation et l’apologie de l’inceste et de la pédocriminalité" et exigeant la déprogrammation de l'exposition, avait recueilli 92.000 signatures mardi soir.
Elle a été lancée par Arnaud Gallais, fondateur du mouvement BeBrave France qui milite contre l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.
"J'en ai rien à cirer que ce mec ait le droit de faire ses BD immondes (je ne suis pas pour l'interdire). Juste on peut demander que le principal festival de BD évite de le mettre en avant", a estimé de son côté la militante féministe Caroline de Haas.
Outre certaines BD, les détracteurs de Bastien Vivès ont relevé d'anciennes prises de position. "L'inceste, moi ça m'excite à mort", lançait-il dans un entretien avec le magazine Madmoizelle en 2017. Pour ses défenseurs, il est évident qu'il plaisantait.
Il ne riait pas en revanche quand il s'en prenait violemment, caché derrière un pseudonyme sur Facebook, à une autre autrice de BD, Emma, révélée en 2017 avec la publication d'une série de dessins féministes qui avait popularisé le concept de charge mentale.
"Message niveau 2 ans d'âge mental", "ne sait pas dessiner", et appels à la violence sur les enfants de la dessinatrice... Lundi, Emma republiait ces messages vieux de cinq ans, et qualifiait Bastien Vivès d'auteur de plusieurs "BD pédopornographiques".
- "Beaucoup de menaces" -
Aujourd'hui, cette virulence s'est retournée contre l'auteur, qui a expliqué avoir "reçu beaucoup de menaces sur les réseaux" et avoir déposé une main courante. "J'ai largement de quoi déposer plainte. On m'y encourage mais je ne suis pas très procédurier", a-t-il déclaré au Parisien lundi, répétant : "Non, je ne suis pas pédophile et non, ce n'est pas mon fantasme. Si on veut lire honnêtement mes œuvres, on s'en rend compte facilement".
La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a estimé mardi que "certains propos" passés de M. Vivès "ne sont pas acceptables", en disant "comprendre l'émoi", dans une interview au Parisien.
Mais "ce n'est pas l'exposition en elle-même qui pose problème", a-t-elle souligné, ajoutant qu'on "ne peut pas réduire cet auteur à deux bandes dessinées et quelques phrases dites en interview".
Des auteurs ont pris position dans le débat, certains soutenant M. Vivès comme Jean-Marc Rochette (Grand prix RTL de la BD 2022), estimant sur Facebook que ce dernier était cloué "au pilori sans autre forme de procès".