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Fièvre catarrhale: dans les Ardennes, les éleveurs s'inquiètent malgré la vaccination

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FRANCOIS NASCIMBENI

"On limite la casse, mais on s'attend tout de même à avoir des morts": à Poix-Terron, dans les Ardennes, pistolet-injecteur en main, Sophie Lespagnol vaccine ses brebis contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) qui se propage à grande vitesse ces dernières semaines.

Soulagée de n'avoir encore aucun cas, elle s'inquiète des retombées sur la filière.

Sous une vieille halle en bois, le troupeau de brebis défile au compte-goutte. D'un geste expert, l'agricultrice pique les bêtes à l'épaule. Certaines gigotent, d'autres remuent à peine.

"Dans ce métier, si on commence à s'énerver, on ne tient pas dix ans. Le tout, c'est d'agir calmement", sourit l'éleveuse, qui procède avec des gestes rapides et méthodiques.

Elle a commencé lundi à vacciner son troupeau de 650 brebis contre cette fièvre transmissible par un moucheron, dite aussi "maladie de la langue bleue". Sophie Lespagnol s'estime chanceuse: pour l'instant, aucun cas n'est à déplorer dans son cheptel, contrairement à d'autres exploitations des environs.

"On est dans le préventif, nous sommes sur un terrain à risque, au sol argileux et humide, propice aux mouches et aux moustiques", note l'éleveuse.

Soixante-trois foyers d'un nouveau type de FCO ont été confirmés en France selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé animale, publié le 16 août.

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FRANCOIS NASCIMBENI

La fièvre catarrhale est présente depuis des années en France, qui a connu plusieurs crises liées aux sérotypes 4 et 8, et dont la plus récente a causé des milliers de morts dans les élevages du sud du pays ces dernières semaines.

Le nouveau sérotype 3 de ce virus, contre lequel les animaux ne sont pas immunisés, a été décelé pour la première fois en Europe en septembre 2023, aux Pays-Bas, et de premiers cas ont été confirmés début août en France.

La diffusion de la maladie, qui n'est pas transmissible à l'homme, s'accélère actuellement dans plusieurs pays d'Europe.

Face à cette propagation, l'Etat a prévu de distribuer gratuitement 6,4 millions de doses de vaccin, dont 1,1 million pour les ovins et 5,3 millions pour les bovins, en ciblant les régions les plus à risques, au nord de la Loire.

- "six mois qu'on alerte" -

Dans les Ardennes, l'inquiétude et l'incompréhension dominent chez les éleveurs face aux délais de livraison des vaccins. Ils étaient disponibles à la commande à partir du 12 août et devaient être livrés dans un délai de "24 à 72H", mais plusieurs éleveurs indiquent avoir reçu les doses plus d'une semaine plus tard.

A quelques dizaines de kilomètres de l'exploitation de Sophie Lespagnol, à Blanchefosse-et-Bay, Bruno Miser, dont l'élevage est touché par la maladie, ne décolère pas.

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FRANCOIS NASCIMBENI

"On réclame des vaccins depuis le mois d'octobre !", s'écrie l'agriculteur, vice-président de la Fédération des éleveurs de moutons des Ardennes. Il a reçu les vaccins mardi.

L'éleveur désigne un coin de pâturage où plusieurs brebis sont couchées sur le flanc, affaiblies. Certaines se déplacent avec difficulté, traînent la patte. Les premiers symptômes se sont déclarés dans l'exploitation il y a quinze jours, affirme-t-il, et son troupeau a depuis été testé positif au sérotype 3.

"Aujourd'hui, j'ai vacciné 360 animaux dont 60 malades", détaille l'éleveur, qui ajoute sombrement: "Deux animaux sont déjà morts, d'ici à la fin de la semaine je m'attends à ramasser des cadavres à la pelle".

Le matin même, Bruno Miser a décelé les premiers symptômes chez l'une de ses vaches, trop faible pour mettre bas, son veau est mort. Une situation qui rappelle à l'éleveur les douloureux souvenirs de la dernière épizootie de fièvre catarrhale, en 2007.

Une "catastrophe", se souvient Bruno Miser, qui élève des brebis depuis 35 ans. "Si on perd 30% de notre troupeau, c'est impossible de se relever parce qu'on perd les bêtes mais aussi la génétique qu'on a patiemment construite pendant des années".

"On fait ce métier par passion, on y consacre sa vie, et en 15 jours tout va être réduit à néant", redoute Bruno Miser qui dénonce la gestion de la maladie par les autorités.

"Il suffisait de nous donner le vaccin un mois avant, ça fait six mois qu'on alerte", fulmine-t-il.

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