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Ils apparaissent ici et là, saisis par la mort, dans leurs uniformes ensanglantés, au hasard d'un fossé ou d'un pas de porte criblé d'éclats.
Une dizaine de cadavres de soldats russes gisaient mercredi disséminés dans les champs et les maisons en périphérie est de Kharkiv. L'armée ukrainienne y a repris le contrôle d'une portion d'autoroute, desserrant un peu l'étau russe sur la deuxième ville d'Ukraine.
"Il y en a un peu partout", explique un officier du renseignement ukrainien, lors d'une visite organisée par l'armée, le long de cette route à quatre voies et dans le village voisin de Mala Rogan, à trois kilomètres plus au nord.
Les combats "ont duré près de trois jours pour libérer" cette portion d'autoroute reliant Kharkiv à Tchougouïv, dit-il. A l'est de Tchougouïv, cette même autoroute est cependant coupée : le pont enjambant la Donets, une rivière, a été détruit pendant la nuit par un bombardement, a constaté l'AFP.
Près de Kharkiv, "la route était sous le feu des forces russes qui y ont tué des civils. Nous les avons repoussées à une dizaine de kilomètres plus au nord", affirme un commandant de la 92e Brigade, l'une des principales unités participant à la défense de la ville.
"La route est maintenant ouverte, elle est libérée. Les démineurs sont en train de passer, les services municipaux ont commencé à travailler pour dégager les débris et les voitures accidentées", a commenté cet officier, résolu à "chasser les forces de Moscou jusqu'à la frontière". "L'ennemi va sans doute concentrer ses forces vers le sud et Marioupol. A Kharkiv, nous pouvons les repousser"
Le corps d'un Ukrainien, en tenue civile, tué quelques jours plus tôt, est encore allongé en chien de fusil sur la chaussée, près d'une camionnette accidentée et trouée par les tirs.
Des carcasses de voitures criblées de balles jonchent le terre-plein central, où des paysans du coin en tracteur fouillent déjà les épaves.
Dans un fossé, en contrebas de la bande d'arrêt d'urgence, un autre cadavre, celui d'un soldat russe cette fois, les doigts vers le ciel.
Des passeports, divers autres papiers d'identité, des cartes de crédit montrent des visages juvéniles, des dates de naissance autour de l'année 2000.
A la lisière d'un champ labouré sur une hauteur à quelques centaines de mètres de là, une position russe a été complétement laminée. Deux blindés de transport de troupes, vaguement dissimulés derrière une haie, leurs canons tournés vers Kharkiv, sont à moitié carbonisés, au milieu d'effets militaires abandonnés. On slalome avec précaution entre les grenades et les munitions suspectes.
Ici, les soldats ont pu partir. Mais au poste de combat suivant, les corps sans vie de cinq hommes de troupe, casque lourd sur la tête, sont étendus ici et là, l'un au fond de sa tranchée, les autres à même la terre.
- Vêtements civils -
Partout, dans les champs, dans les broussailles ou sur l'autoroute voisine, des trous d'obus, des restes de bombes à ailettes et autres roquettes mortelles, témoins d'intenses bombardements.
Les soldats russes "étaient épuisés", surtout "des jeunes qui crevaient de faim". Ils étaient près de 120 sur cette zone, dont une " quarantaine" ont été faits prisonniers, dit l'officier de renseignement.
Combien sont morts ? Aucun militaire ukrainien ne s'aventure à donner un chiffre précis. Le bilan des pertes dans le camp d'en face semble les laisser indifférents. Un officier évoque des "dizaines" de Russes tués.
Ce qui est certain, c'est que les forces russes se sont retrouvées encerclées par surprise sur cette partie est du front autour de Kharkiv et notamment piégées dans le village voisin de Mala Rogan, selon des sources concordantes.
Le bourg a été repris pendant le week-end, mais les opérations de nettoyage ont duré près de trois jours, maison par maison, beaucoup de militaires russes s'étant réfugiés dans des caves.
Mercredi, une ambulance a commencé à ramasser les corps dans des sacs plastiques : l'un près d'un car, recouvert d'une descente de lit, deux autres à l'entrée d'une masure manifestement squattée ces dernières semaines par les soldats.
L'un d'eux portait des vêtements civils par-dessus son pantalon kaki. "Cela faisait des semaines qu'ils étaient installés là, ils s'habillaient comme les gens d'ici pour mieux s'infiltrer dans nos lignes", commente un policier ukrainien.
De rares civils ont fait leur réapparition dans les rues. Un couple répare une toiture, endommagée par une bombe qui a creusé un cratère de 10 mètres de diamètre dans la ruelle voisine.
Des vieilles dames, foulard à fleurs sur la tête, sont venues récupérer oranges, biscuits et autres vivres distribués par l'armée. Elles évoquent une trentaine de personnes prises en otages par des militaires russes au premier étage de l'école, dont des jeunes filles qui "ont été violées".
Un homme âgé, bonnet de fourrure sur la tête, tempête lui aussi. Trois soldats russes se sont imposés chez lui pendant des jours. "Donnez moi une kalachnikov que je tue un Russe !", s'emporte-t-il.
