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Dix ans après l'attentat de Charlie Hebdo, que reste-t-il de l'esprit du journal ? "La liberté d'expression a reculé"

Il y a dix ans, jour pour jour, la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo était touchée par un attentat qui avait pratiquement tué tous les caricaturistes du journal. Quelques jours plus tard, le 11 janvier 2015, une manifestation avait lieu à Paris. De là, est né le mouvement "Je suis Charlie", une ode à la liberté d'expression et au droit à la satire, notamment religieuse. Mais dix ans après, que reste-t-il vraiment de l'esprit "Charlie" ? Qui est encore "Charlie" ? 

Lorsque l'on entre dans la rédaction du journal Le Soir, on peut y voir la Une, "Tenir bon", celle qui avait été publiée après les attentats du 7 novembre 2015. "Je me souviens de cette période comme d'une époque très, très sombre. On était entouré de chars, de militaires, et du lockdown à Bruxelles après les attentats... C'était vraiment une période noire. Je n'imagine pas exercer mon métier dans un endroit clos et protégé par les forces de l'ordre. Cela nous a profondément marqué", se remémore Christophe Berti, rédacteur en chef du quotidien.

La liberté d'expression a reculé 

"Tenir bon", c'est continuer à traiter les sujets sensibles. Mais pour Christophe Berti, la liberté de la presse a été affaiblie. "Elle a reculé à plusieurs niveaux. D'abord, à cause de la pression, parfois physique, que subissent nos équipes, notamment les reporters dans l'audiovisuel, mais aussi les photographes. Ensuite, il y a la polarisation de la société, amplifiée par les réseaux sociaux. Quand on aborde un sujet délicat, les commentaires ne sont pas une discussion, mais une série d'anathèmes", ajoute le rédacteur en chef.

"Tous des Charlie", c'était la Une de L'Echo il y a dix ans, jour pour jour. Mais aujourd'hui, cette Une ne passerait plus. "À l'époque, c'était notre devoir, après cet attentat terrible. Cette liberté d'expression nous unissait. Aujourd'hui, il est plus difficile de défendre cette liberté, mais heureusement, des journaux comme Charlie Hebdo existent encore", souligne Joan Condijts, rédacteur en chef de L'Echo en 2015.

 

Peut-on encore tout dire dans les écoles ? 

Dans les écoles, aussi, les temps ont changé. "Les 'Charlie' se sont effacés, la censure progresse", affirme une enseignante récemment retraitée. "C'est clair que les choses ont changé. On ne peut plus plaisanter sur la religion. L'anniversaire de l'attentat contre Charlie Hebdo, ce n'est pas facile pour eux." En 20 ans d'enseignement, Anne observe une radicalisation des discours et une affirmation identitaire plus marquée. "Ce qui se passe, c'est que des mouvements islamistes s'infiltrent et affirment que, si on ne les respecte pas, on est islamophobe. Alors qu'en réalité, l'objectif est de mettre tous les élèves sur un pied d'égalité et de les former en tant que citoyens", ajoute-t-elle.

Anne est aussi l'autrice du livre "Allah n'a rien à faire dans ma classe", un ouvrage que beaucoup hésitent à aborder en cours. "Les gens ont peur, mes collègues ont peur. Les jeunes enseignants craignent les élèves, leur hiérarchie, et le pouvoir organisateur. Je me sens plus libre depuis que je suis à la retraite", insiste-t-elle.

On doit peser chaque mot

Des sujets comme le conflit au Proche-Orient, l'antisémitisme, ou le retour de Donald Trump sont parmi ceux qui fâchent. "On sait que quand on aborde de tels sujets, on doit peser chaque mot. Cela représente aussi une charge mentale pour nos journalistes, parce qu'on sait que les gens interprètent nos faits comme des opinions. Certains mots sont lus, d'autres sont ignorés."

Dix ans après le slogan "Je suis Charlie", qui l'est encore vraiment ?

 

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