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Ce dimanche, Rendez-vous accueillait le ministre fédéral de la Santé : Frank Vandenbroucke. L'occasion d'aborder les conditions de travail du personnel de soin des hôpitaux. En ce sens, Corinne, une infirmière, a accepté de livrer son témoignage de manière anonyme. Les propos qu'elle rapporte sont édifiants.
Un épuisement généralisé
"Depuis la crise du Covid, il y a eu un alourdissement de la charge de travail et des charges auxquelles nous, on n'arrive plus à faire face. En fait, les patients ont des maladies de plus en plus lourdes et sont de plus en plus poly-pathologiques. Le problème, c'est que la population vieillit et nous, on n'a plus les épaules pour ça. On a affronté le Covid, on a été là, mais on s'est fatigué."
"On est épuisé, mais la charge, elle, ne fait qu'augmenter et continuer dans le même sens. Sauf que nous, on continue pas dans le même sens, au contraire. Je pense que de plus en plus d'infirmières commencent à lâcher du lest, commencent à penser à changer d'orientation ou alors à diminuer fortement leur temps de travail suite à ça."
Le besoin de diminuer la pression
Cette idée de diminuer le temps de travail, Corinne a fini par l'appliquer elle-même. "J'ai toujours été à temps plein parce que le temps de travail me convenait, tout me convenait à ce niveau-là. Et puis effectivement, j'ai décidé de diminuer mon temps de travail parce que le temps plein ne me permettait plus de suivre physiquement et psychologiquement."
Mais diminuer son temps de travail signifie également perdre une partie de son salaire. "Je me suis dit : 'mais comment est-ce que je pourrais combler ce manquement ?'"
La réponse à cette question, Corinne l'a trouvée loin de son secteur... dans l'Horeca ! "On me propose des intérims dans les hôpitaux. Je pourrais le faire, mais je le refuse et je préfère faire du flexi-job dans la restauration pour avoir une bouffée d'oxygène face à mon travail qui est très lourd, qui me demande énormément de responsabilités."
Oui, il y a des mises en danger du patient
La pression que connaît le personnel des hôpitaux est telle qu'elle en devient dangereuse pour les patients, dénonce encore l'infirmière. "Moi-même, en étant à 4/5e sur mon lieu de travail, je peux vous dire que la charge de travail est tellement lourde que notre capacité à réfléchir ou à s'occuper des gens n'est plus ce qu'elle est. Donc, forcément, on passe à côté de certaines choses essentielles et on n'arrive plus à placer nos priorités parce que tout devient prioritaire, tout devient important et on n'arrive plus à gérer ça. Et donc, oui, il y a des mises en danger du patient."
Lorsque Christophe Deborsu lui demande si elle a un exemple pour illustrer ses propos, notre témoin choisit une histoire récente.
"Je travaille dans un service d'urgence dans un hôpital qui fonctionne assez bien. Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai une collègue qui avait une capacité de quatre lits en monitoring, donc avec des gens qui sont un peu dans un état critique et qui nécessitent une surveillance."
"On avait un afflux de patients qui était tellement important que toutes les zones étaient débordées. Ma collègue, avait deux patients qui étaient sur des brancards devant (hors de la salle, ndlr) alors qu'elle était toute seule déjà pour les quatre à la base. Elle en avait deux en plus qui n'étaient pas monitorisés et qui nécessitaient une surveillance. Les gens sont restés dans le couloir, on n'a pas su s'occuper d'eux et on n'a pas su mettre quelqu'un supplémentaire pour veiller à la sécurité des patients et aux soins qu'ils nécessitaient à ce moment-là. C'est quasi quotidien."