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Cinq imams turcs de mosquées flamandes privés de leur permis de travail: voici ce qui leur est reproché

La ministre flamande de l'Emploi, Zuhal Demir, a pris cette décision car elle a en fait découvert que les cinq imams étaient financés par la Turquie. Pourquoi est-ce un problème aux yeux du gouvernement flamand ?

La nationaliste flamande Zuhal Demir ne veut pas que des imams officiant en Flandre soient payés par la Turquie. À ses yeux, il s’agit d’une menace d’ingérence étrangère. "Je m'oppose fermement à cela", a-t-elle déclaré par voie de communiqué. "Il s'agit d'un financement par un gouvernement étranger. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ces pratiques".

Ne pouvant pas agir sur leur titre de séjour (il s’agit d’une compétence fédérale, ndlr), Zuhal Demir a dès lors utilisé ses compétences régionales en tant que ministre flamande du Travail pour ne pas renouveler le permis de travail de ces imams. En effet, elle a invoqué une récente disposition légale en Flandre interdisant aux migrants de bénéficier d’un financement récurrent émanant d’un gouvernement étranger. "En l’occurrence, on sent bien que du coté flamand, il y a une volonté de ramener les compétences à soi et de gérer soi-même la manière de gérer la question du culte et plus particulièrement du culte islamique de façon à faire la promotion d’un culte qui s’inscrit dans la réalité belge", éclaire Caroline Sägesser, chercheuse au centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP). 

Financer les imams depuis la Turquie : des avantages et des inconvénients

Les pratiques que Zuhal Demir dénonce sont celles de la Diyanet, le ministère turc des affaires religieuses, dont le bureau bruxellois n’était pas disponible pour répondre à nos questions ce lundi.

Pour comprendre, il faut savoir que depuis de nombreuses années, la Turquie recrute, forme et envoie des imams dans les pays où se trouve la diaspora turque de confession musulmane et les rémunère via la Diyanet pour leur travail de ministre de culte. "C’est très spécifique aux mosquées turques du point de vue de la manière dont c’est organisé, hiérarchisé et centralisé. Il n’y a pas d’équivalent dans les autres communautés", explique Corinne Torrekens, professeure de sciences politiques à l’ULB, qui rappelle que les sermons du vendredi "sont écrits en Turquie et envoyés dans toutes les mosquées, ce qui montre que c’est beaucoup plus centralisé".

La Turquie espère ainsi entretenir une relation forte avec ses ressortissants de confession musulmane. Si les qualités des imams semblent appréciées par les fidèles (notamment la maitrise des langues des diasporas, ndlr), ce financement peut aussi devenir un problème. "Ça peut être un problème à différents niveaux", éclaire Caroline Sägesser, chercheuse au centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP). "Par exemple, si ce traitement, venu de l’étranger, impose à l’imam en question une sujétion par rapport à ce pays ou encore si en plus de son rôle religieux, un imam fait de la propagande politique".

Dans le cas des imams rémunérés par la Diyanet, la suspicion est donc qu’ils jouent illégalement un rôle politique en plus de leur rôle religieux afin de s’assurer que les fidèles votent pour le régime de Recep Erdogan aux élections auxquelles participent les expatriés. 

La Flandre s’attaque bien plus que la Wallonie à ce qui est perçu comme de l’ingérence

A Bruxelles, désormais, les mosquées reconnues ont l’obligation de salarier leur imam via l’Etat belge. En Wallonie, la situation est différente. La disposition légale qui a permis à Zuhal Demir de ne pas renouveler les permis de travail des imams concernés n’existe pas. Mais elle pourrait l’être à l’avenir.

Joint par notre rédaction, le nouveau ministre de l’Emploi Pierre-Yves Jeholet affirme que le dossier est à présent à l’étude pour prendre une décision similaire à celle de Zuhal Demir. D’après Corinne Torrekens, "d’un point de vue politique, il y a une prise en main beaucoup plus forte en Flandre de ce qui est considéré comme une ingérence de l’Etat turc dans l’islam belge".

La plupart des mosquées sont non reconnues en Belgique.

Selon les chiffres de 2023, la Belgique compte environ 300 mosquées dont moins d’une centaine sont reconnues. En effet, la reconnaissance officielle est facultative. "89 sont reconnues par les autorités publiques", explique François Husson, professeur à l’ULg, spécialiste du régime des cultes. "26 en Flandre, 26 à Bruxelles et 38 en Wallonie".

Les lieux de culte non reconnus, toutes religions confondues, sont donc parfois plus difficiles à suivre et à accompagner. Mais ne pas demander de reconnaissance officielle émane de la liberté d’organiser le culte, un droit protégé par la constitution belge. "Il est important de ne pas confondre un lieu de culte non reconnu et un lieu de culte illégal, c’est-à-dire qui aurait des pratiques illégales", ajoute Corinne Torrekens. "La reconnaissance est un service disponible. Mais on peut avoir un lieu de culte non reconnu intégré dans différents plans locaux et connu des autorités communales par exemple".

Bien qu’il s’agisse d’une compétence fédérale, les dispositions légales entourant le culte islamique varient parfois d’une région à l’autre. La chercheuse Caroline Sägesser rappelle que l’organisation du culte islamique en Belgique a traversé bon nombre de vicissitudes et que nous sommes "en plein processus de réorganisation de l’organe représentatif du culte musulman". "On peut imaginer que plus d’ordre sera mis dans ce dossier dans les mois ou les années qui viennent", envisage l’experte.
 

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