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Les chiffres de l’absentéisme scolaire grossissent chaque année. La réponse ? Accompagner plutôt que réprimer, c’est l’avis unanime de la Fapeo (qui représente les parents d’élèves de l’officiel), de la Ligue des familles et du délégué général aux droits de l’enfant.
En 4 ans, le nombre d’élèves en décrochage (qui est une absence injustifiée de longue durée) a presque doublé. De l’année scolaire 2020-2021 à 2023-2024, le nombre d’élèves concernés est passé de 50.000 à 93.000. L’an dernier, cela touchait donc 13 % des effectifs scolaires francophones. Dans l’enseignement spécialisé, cela grimpe à 24,9 % dans le fondamental et plus de 33 % dans le secondaire.
La progression est donc constante et alarmante : en 2020/2021, année déjà marquée par le Covid, on avait enregistré 49.993 dossiers (7 % des effectifs scolaires). Ils étaient plus de 66.000 douze mois plus tard et plus de 85.000 l’année suivante. C’est à Bruxelles que le phénomène est le plus important. Liège et le Hainaut suivent. Le Luxembourg et le Brabant wallon ferment la marche.
Il y a une dizaine d’années, en 2012-2013, on n’en était "qu’à" 11.530 dossiers, mais jusqu’en 2014, le signalement se faisait à 30 demi-jours d’absences non justifiées. Il a été progressivement réduit à 9 demi-jours en 2019-2020.
Ces impossibilités de retourner à l’école cachent la plupart du temps des situations de crises mentale, familiale, sociale, qui demandent de l’empathie pour être comprises et résolues.
L’objectif de la Fédération Wallonie-Bruxelles est de diminuer de 50 % le décrochage scolaire d’ici 2030.
Quelle est la cause du décrochage scolaire ? Solaÿman Laqdim, délégué général aux droits de l’enfant, livre ses explications: "Les enfants qui subissent des situations de harcèlement à l'école auront tendance à décrocher. Pour les enfants qui ont redoublé, on sait que le redoublement a peu d'impact sur la trajectoire ultérieure scolaire, et favorise le décrochage scolaire. On sait qu'il y a parfois des orientations vers notamment l'enseignement spécialisé, qui peuvent être abusives et affectent considérablement l'estime de soi. Puis, il y a tout le mal-être et les problèmes de santé mentale, auxquels les enfants son malheureusement confrontés. La réponse est multiple."
Que faire concrètement pour prévenir et guérir le décrochage scolaire ? Solaÿman Laqdim, délégué général aux droits de l’enfant, donne des recommandations : "C'est d'abord important de donner les moyens financiers et matériels aux acteurs scolaires pour pouvoir exercer correctement leur mission. La deuxième chose est de pouvoir mettre en place des politiques de prévention qui soient beaucoup plus ambitieuses. Je suis très surpris que, durant l'ancienne législature, il y avait un décret pour accompagner les élèves qui étaient en situation d'absentéisme préoccupante. Ce texte a été adopté sous la précédente législature, et actuellement, on reporte ce texte alors qu'il y a péril en la demeure. C'est pour moi incompréhensible. La troisième chose est de faire en sorte que les parents et les enfants soient de véritables acteurs et partenaires de l'école. Là, on peut vachement mieux faire."
Répression
Certains parents ne répondent par ailleurs pas au courrier qui est envoyé par la direction générale de l’enseignement chaque fois qu’un jeune cumule trop de demi-jours d’absence à l’école. Un courrier qui serait, selon la ministre de l’éducation Valérie Glatigny, édulcoré. Edulcoré ? Au contraire, dit la FAPEO (Fédération des Parents et des Associations de Parents de l'Enseignement Officiel), ce courrier est un rappel à l’ordre sans aucune forme d’accompagnement. Or, la plupart de ces décrochages sont la résultante d’un mal-être du jeune.
Les infractions à l’obligation parentale d’assurer le respect de la fréquentation scolaire par leurs enfants sont aujourd’hui passibles d’une amende fixée aujourd’hui aux alentours de 200 euros ; en cas de récidive, l’amende est doublée et une peine d’emprisonnement d’un jour à un mois peut être prononcée.
Un décret adopté en mai 2024
Un décret a été adopté en mai 2024, qui devait mettre en place un schéma de suivi et d’accompagnement individuel pour lutter contre l’absentéisme et le décrochage. Son entrée en vigueur est reportée d’un an, à la demande expresse des fédérations de pouvoirs organisateurs qui souhaitent souffler un peu par rapport au rythme intense des réformes de ces dernières années. On débutera dans le fondamental, au plus tôt en 2026-2027 et puis, ce sera au tour du secondaire, au plus tôt en 2027-2028.
La FAPEO, la Ligue des familles et le Délégué Général aux Droits de l’Enfant appellent la Ministre Valérie Glatigny à mettre en œuvre le plus rapidement possible ce dispositif de suivi des élèves en risque de décrochage, et dans tous les cas, à ne pas le reporter.