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Selon les derniers chiffres de Kantar, l'immigration est le thème électoral principal dans le nord du pays. Mais pour quelles raisons ?
D’abord les chiffres, comme ça, c’est fait. Le reste de l’article est bien plus digeste, vous verrez. D’après un récent sondage Kantar, l’immigration est le thème électoral numéro 1 pour 17 % des Flamands et pour seulement 8 % des Francophones. En ce qui concerne le pouvoir d’achat, le rapport est inversé. Il orientera le vote de 20 % des Francophones et de seulement 11 % des Flamands. Quand on habite une région moins riche, on se préoccupe davantage de son portefeuille, il ne faut pas avoir fait 3 masters en économie aux universités de Leuven, Anvers et Gand pour le savoir, assez peu de Belges ont d’ailleurs réalisé cet exploit.
Comme cette rubrique se nomme Accent flamand, tentons maintenant de comprendre pourquoi cette priorité à l’immigration au nord du pays, autrement dit : pourquoi le Nord veut moins de Sud. On constate d’ailleurs la même tendance aux Pays-Bas voisins : le nouveau gouvernement très à droite veut y limiter les possibilités d’immigrer.
La Flandre est pleine.
Il y a d’abord la densité de population : 492 habitants par kilomètre carré en Flandre, 217 en Wallonie, moins de la moitié. C’est pourquoi les Flamands comme les Néerlandais qui habitent également un pays très peuplé vont plus rapidement dire que nous : "Vol is vol", La Flandre est pleine. La géographie joue un grand rôle dans les différences intra-belges.
Et puis il y a l’attirance qu’exerce une région plus riche comme le Nord de notre royaume sur ceux qui viennent d’ailleurs. Ainsi, 59 % des Ukrainiens arrivés depuis la guerre en 2022 se sont installés en Flandre et en seulement 18 % en Wallonie. Bon, les 22 % restants vivent à Bruxelles alors que la capitale ne représente que 11 % de la population belge. Mais ça a moins déséquilibré le vivre-ensemble à Bruxelles qu’on aurait pu penser. En effet, beaucoup de Belges de souche se sont mis à quitter la capitale depuis le Covid pour aller vivre dans un environnement plus rural. Ça a libéré des logements. Ce n’est pas le cas en Flandre.
Le néerlandais, menacé ?
Il y en enfin un phénomène culturel. Depuis la création de la Belgique, la Flandre craint les menaces sur sa langue que les Francophones ont d’ailleurs carrément tenter d’éliminer au 19e siècle, au demeurant sans succès. Or, les immigrés parlent très rarement le néerlandais, en tout cas en arrivant. Alors que le français est une des langues que les demandeurs d’asile venus d’Afrique pratiquent régulièrement. Nous, Wallons et Bruxellois, avons moins le sentiment que notre langue est en danger, d’autant que le français garde un prestige mondial même s’il est en diminution.
C’est pour toutes ces raisons que le Vlaams Belang, parti numéro 1 quand il s’agit de dire stop à l’immigration a le vent dans les voiles, voile que le parti veut d’ailleurs éventer. Et là, se produit un phénomène connu : plus on parle d’un thème comme le fait ce parti, plus le thème est présent dans l’esprit des gens. Dans la littérature scientifique, cela porte même un nom : "l’effet de disponibilité" : l’être humain donne davantage de crédit à des idées répandues et accessibles. Le Vlaams Belang peut plus que jamais commander les bulles – forcément produites en Flandre – pour fêter sa victoire électorale le 9 juin.