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Comme à chaque élection, un tirage au sort est organisé pour déterminer les numéros d'ordre qui seront attribués aux listes de candidats qui porteront un sigle protégé. L'occasion de rappeler qu'en campagne électorale, il existe des règles pour les affiches des partis politiques et des candidats. Et certaines pratiques sont mêmes formellement interdites. Quelles sont les règles? Et qu'est-il interdit de faire? Décryptage.
Dans l'espace public, il y a plusieurs règles à respecter en matière d'affichage électoral. La période d'affichage s'étale sur quatre mois, soit la période concernée par les règlements relatifs aux dépenses électorales. Cette période, dite de prudence dans les dépenses électorales, a débuté le 9 février dernier.
Durant ces quatre mois, il est interdit de faire de "l'affichage commercial", au même titre que de "l'affichage non-commercial de plus de quatre mètres carrés", explique Pascal Delwit, politologue à l'Université Libre de Bruxelles. Si le format des affiches électorales est encadré par la loi, il n'y a pas de législations spécifiques concernant le contenu. "Il y a des restrictions, mais elles ne sont pas spécifiques à une campagne électorale", poursuit le professeur.
Ainsi, par exemple, il est interdit de faire un contenu à caractère négationniste, ou qui inciterait à la haine raciale.
La loi des financements publics des partis
Pour comprendre l'origine de la réglementation, il faut se référer à la loi des financements publics des partis de 1989. D'une part, elle détermine les conditions d'octroi d'un financement public, et d'autre part, elle assure le contrôle des dépenses électorales. Elle précise ce qui est autorisé ou pas, ainsi que le montant maximum des dépenses en fonction du statut des candidats et des candidates.
Afin de faire en sorte que les règles soient respectées, chaque parti et chaque candidat doit "produire un résultat de dépenses électorales", car ils sont tenus de respecter un plafond qu'ils n'ont pas le droit de dépasser. Chacun doit déposer auprès de la commission de contrôle des dépenses électorales son décompte des dépenses. "Si la commission constate une différence entre le prix d'un fournisseur et la fourniture, elle peut tout à fait se renseigner et enquêter auprès du fournisseur sur la question", souligne Pascal Delwit.
Dans le cas où un parti ne respecterait pas les règles en vigueur, il s'expose à des sanctions. "Cela peut être une suspension d'une partie ou de l'ensemble de la dotation publique pendant un certain temps", détaille le politologue de l’ULB. Par exemple, en 2004, le Vlaams Belang (anciennement Vlaams Blok) a été condamné pour incitation à la haine raciale autour de son programme politique, avec pour conséquence une suspension temporaire de sa dotation publique.
Par ailleurs, "si un candidat outrepasse certaines règles, comme des dépenses électorales trop élevées, il peut, s'il a été élu, être déchu de son élection. C'est déjà arrivé par le passé", rappelle Pascal Delwit.
Les communes proposent, les partis disposent
Les modalités du placardage des affiches sont décidées via des décrets régionaux, auxquels les communes apporteront certaines précisions. Lors des élections, les communes mettent généralement en place des panneaux électoraux en dictant un règlement sur l'usage de ces panneaux, et ce, afin d'éviter l'affichage sauvage.
"Les communes prennent elles-mêmes en charge l'affichage. Elles demandent aux partis d'apporter leurs affiches et de préciser quelles affiches doivent être collés sur le panneau qui leur est réservé. Il y a de moins en moins, voire parfois plus du tout, des équipes de colleurs des partis. Il y a parfois, indépendamment des panneaux d'affichage, des panneaux publics. En fonction du règlement communal, les partis peuvent ou non placarder sur ces panneaux publics", développe notre interlocuteur.
Bien que l'espace public soit réglementé, ce n'est pas le cas de l'espace privé. Autrement dit, tout un chacun est libre de placarder une ou plusieurs affiches électorales à l'effigie d'un parti, une liste ou un candidat sur sa propre voiture, mais également sur une façade de son habitation ou à ses fenêtres.
Les commerçants sont, eux aussi, tout à fait libres de placarder ce qu'ils veulent sur leur vitrine."En général, l'affichage aux fenêtres est toléré, pour autant que cela ne gêne pas le voisinage. Par ailleurs, dans des syndics de copropriété, il peut y avoir des règlements qui prohibent l'affichage public ou l'affichage commercial aux fenêtres. Cela peut donc aussi dépendre de l'attitude d'un propriétaire, si c'est accepté ou toléré", poursuit le politologue.
Quid de l'affichage "digital" sur les réseaux sociaux ?
Aujourd'hui, les réseaux sociaux constituent un outil de communication digital par excellence pour les partis politiques. "C'est quelque chose qui fait l'objet d'un débat à la Chambre des représentants. La loi de 1989 s'inscrit dans une époque où les réseaux sociaux n'existaient pas et où Internet n'en était qu'à ses balbutiements. Beaucoup de responsables politiques estiment qu'il faudrait adapter la loi à notre époque."
Les seules contraintes auxquelles doivent faire face les partis dans l'usage des réseaux sociaux concernent les dépenses électorales. Un candidat ne peut dès lors pas faire plus de dépenses sur les réseaux sociaux que ce qui est imposé par son plafond de dépenses électorales. "Soit comme parti, un million d'euros, soit comme candidat et là, ça dépend de son statut." Il y a différents statuts, à savoir le statut d'éligible, le statut de candidat effectif au premier suppléant, et le candidat suppléant. En fonction de ces trois statuts, la limite des dépenses varie.
Enfin, beaucoup de partis belges, "en particulier le Vlaams Belang, la N-VA et le PTB" misent beaucoup sur les plateformes digitales et engagent énormément d'argent sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook. Si cela ne pose pas de problème en dehors de la période électorale, il y a, une nouvelle fois, un plafond des dépenses électorales à ne pas dépasser lors d'une campagne.
"Les partis et les candidats peuvent très bien choisir de tout miser sur les réseaux sociaux, mais dans ce cas, il leur est interdit d'utiliser d'autres supports comme des affiches ou des flyers", conclut Pascal Delwit.