Partager:
La nouvelle présidente du Mexique Claudia Sheinbaum a présenté mardi son plan national de sécurité pour freiner la spirale de violence qui génère quelque 30.000 homicides par an dans le pays, la plupart liés aux trafics criminels internationaux.
"On ne va pas revenir à la guerre contre le narcotrafic", a affirmé la présidente de gauche lors de sa conférence de presse, en référence à l'offensive militaire déclenchée en 2006 par le gouvernement mexicain avec le soutien des États-Unis.
Mme. Sheinbaum, devenue le 1er octobre la première présidente de l'histoire du Mexique, dit vouloir continuer, comme son prédécesseur Andres Manuel Lopez Obrador, à s'attaquer à la criminalité en luttant contre la pauvreté.
"Nous ne cherchons pas les exécutions judiciaires, ce qui se faisait sous (la présidence) Calderon (droite, 2006-2012). Qu'allons-nous mobiliser ? La prévention, l'attention aux causes (de la violence), le renseignement et la présence" des autorités, a-t-elle déclarée.
La présidente propose des mesures immédiates, comme concentrer les moyens sur les États les plus dangereux, situés au Nord du pays et sur la côté Pacifique, et lutter contre les "délits à fort impact", tels que l'extorsion.
Pour cela, Mme. Sheinbaum indique vouloir renforcer et unifier les systèmes de renseignement militaires et civils, et créer un sous-secrétariat de renseignement et d'enquête policière au sein de la Garde nationale.
Consolider cette institution, créée par M. Lopez Obrador en 2019 et qui compte aujourd'hui plus de 130.000 membres, est une des clefs de la stratégie sécuritaire du nouveau gouvernement.
"Il y a des familles qui aujourd'hui n'ont pas accès à une police municipale fiable ou à une police étatique totalement renforcée", a justifié le nouveau Secrétaire à la Sécurité, Omar Garcia Harfuch.
Passée sous contrôle de l'armée fin septembre, la Garde nationale est le symbole des ambiguïtés du président sortant concernant la militarisation du pays.
- Géographie du crime -
Comme une hydre à plusieurs têtes, la violence au Mexique se concentre en des points stratégiques : routes de la drogue, frontières, ports d'entrée des composants du fentanyl venus de Chine, régions productrices d'avocats et citrons.
Sur ces lignes de front mouvantes opèrent et s'affrontent les deux principaux cartels du pays, Sinaloa et Jalisco Nouvelle Génération, qui comptent parmi les plus puissants au monde, leurs succursales ou des mafias locales.
Décapitation du maire de Chilpancingo dans le Guerrero (sud), découverte de 16 corps en deux jours la semaine dernière dans le Guanajuato (centre), environ 150 personnes tuées en trois semaines dans le Sinaloa (nord-ouest): investie depuis une semaine, Claudia Sheinbaum n'a connu aucun répit.
Dans le Guanajuato, la dernière vague de violence est due à une "contre-offensive" du Cartel de Sinaloa et ses alliés contre le Cartel Jalisco Nouvelle génération (CJNG), explique l'expert en sécurité publique David Saucedo.
Le Guanajuato, grand comme la Belgique et situé sur une route de la drogue en expansion au centre du pays, est l’État le plus violent du Mexique (plus de 3.000 assassinats en 2023).
Gouverné par l'opposition (PAN, droite), Guanajuato "est de loin" l’État qui recense le plus d'homicides et de jeunes dépendant des drogues, a commenté Mme Sheinbaum, en soulignant aussi la forte pauvreté à Leon, plus grande ville de l'Etat. Selon elle, "il y a un modèle de développement qui a échoué".
Au Guerrero (sud), situé sur la côte Pacifique, plusieurs mafias se battent pour le contrôle de l'arrivée de la drogue par voie maritime, ou d'autres trafics.
Dans le Sinaloa (nord-ouest), un conflit interne au cartel du même nom a provoqué la vague de violence, comme l'a reconnu le gouverneur de l’État.
Les villes frontalières des États-Unis comme Tijuana, Ciudad Juarez et Reynosa restent parmi les plus dangereuses au monde, à la fois point de passage de la drogue et du trafic de migrants.
"Les cartels de Sinaloa et de Jalisco sont au coeur" de la crise du fentanyl, drogue de synthèse hyper-rentable qui a tué plus de 100.000 américains en 2023, d'après l'administratrice de la DEA, l'agence antidrogue américaine, Anne Milgram.
Au long de leur histoire, les cartels ont pu profiter de la corruption des responsables sécuritaires. L'ancien secrétaire à la Sécurité Genaro Garcia Luna (2006-2012) a été reconnu coupable de complicité avec le cartel de Sinaloa et risque la prison à vie aux États-Unis.