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Les services impliqués dans le dossier d'Abdessalem Lassoued ont fait preuve d'un réel engagement, estime le comité "P" de contrôle des services de police. Si des manquements ou des problèmes peuvent être relevés dans les procédures policières, ils ne présentent pas de "lien de causalité" avec l'attentat. Le moyen le plus efficace de l'éviter aurait été l'expulsion du terroriste, sous le coup d'un ordre de quitter le territoire et faisant l'objet d'une demande d'extradition de la Tunisie.
L'attaque menée à Bruxelles le 21 octobre 2023 a coûté la vie à deux supporters suédois venus assister à un match de football. Plusieurs questions se sont posées sur la façon dont les services de police et de renseignement avaient suivi l'individu radicalisé mais non repris dans la banque de données de l'OCAM.
Le rapport présenté mercredi à la Chambre s'est attaché à l'échange d'informations. Il retrace neuf moments critiques qui vont de la demande d'information, provenant d'un service de police italien sur l'individu d'origine tunisienne, aux actions entreprises par la PJF d'Anvers, en passant par le suivi du dossier à Bruxelles, où il résidait.
L'un des problèmes qui se posent est celui de l'orthographe du nom du terroriste, écrit au début Abdesslem Laswad, puis Abdes(s)alem Lassoued. Parmi les nombreuses bases de données disponibles, certaines permettent une identification phonétique, d'autres pas, d'autres encore de façon optionnelle. Il apparaît également qu'un numéro de téléphone n'a pas été inscrit dans une base de données et que son profil Facebook, sous l'alias Slavem Slouva, n'a pas été surveillé.
Cet homme s'était évadé d'une prison tunisienne en 2011 où il purgeait une peine de 26 ans et était passé par plusieurs pays avant d'arriver en Belgique. Comme cela avait été expliqué dans les jours suivant l'attentat, son cas a été évoqué à plusieurs reprises par plusieurs services de police et même par la Sûreté de l'État. Si ses idées radicales sont relevées, elles ne semblaient toutefois pas constituer une menace. De manière générale, la communication entre services, avec le parquet ou avec l'Office des étrangers, est jugée correcte, même si certains points posent problème, notamment l'utilisation d'informations confidentielles.
"Tous les acteurs ont fait preuve d'un réel engagement", dit le comité P dans une présentation dont l'Agence Belga a pu prendre connaissance. "Manquements dans toutes les procédures policières sans lien de causalité avec l'attentat", ajoute-t-il. Et de poursuivre: "Au moins par trois fois, des informations relatives à la radicalisation et/ou la condamnation pour terrorisme ont été recueillies, sans possibilité de les concrétiser et objectiver". "Le moyen le plus efficace pour éviter l'attentat était l'éloignement", conclut-il.
Le comité P formule plusieurs recommandations relatives aux banques de données, notamment sur la phonétisation des recherches et la possibilité d'échanges automatisés. Il demande aussi l'évaluation de certains services, comme la cellule radicalisme de la zone de police Bruxelles-Nord, et de "s'attaquer au manque de personnel chronique de la CGI (direction de la coopération policière internationale) et de la DJSOC/Terro (Direction centrale de la lutte contre la criminalité grave et organisée)". Il insiste aussi sur l'importance de la police de proximité. Il recommande enfin l'adoption de directives contraignantes sur l'échange d'informations avec l'Office des étrangers et le parquet lorsqu'il s'agit informations hors procès-verbal.
La ministre de l'Intérieur, Annelies Verlinden, a réagi par voie de communiqué. "Une des conclusions du rapport est que les différents acteurs concernés sur le terrain ont pris des initiatives pour recueillir un maximum d'informations pertinentes disponibles au sujet d'individus et d'organisations et les partager. Le rapport confirme également que les services de police concernés ont fait preuve d'un réel engagement. Pour autant que des points d'amélioration puissent être notés, il n'y a apparemment aucun lien de causalité direct entre les procédures policières dont il est question et le fait de pouvoir éviter le drame qui s'est produit le 16 octobre 2023", a-t-elle déclaré. Dans l'opposition, le député Georges Dallemagne (Les Engagés) a appelé à ce qu'un travail soit mené sans délai pour identifier les personnes soupçonnées de radicalisme et qui feraient l'objet d'un ordre de quitter le territoire, afin qu'elles soient expulsées. "Après l'attentat, il y avait un consensus sur ce point. Mais où en est-on? Que l'on commence par les personnes dont on sait qu'elles représentent une menace", a-t-il dit.
Le fonctionnement de certaines bases de données semble aussi poser problème à ses yeux. "Je ne comprends pas que des banques de données aussi importantes pour notre sécurité fonctionnent de manière aussi archaïque. C'est hallucinant", a-t-il ajouté.
La ministre a été interpellée sur le sujet dans la soirée en séance plénière de la Chambre. Interrogée par les députés d'opposition Koen Metsu (N-VA), Nabil Boukili (PTB), Vanessa Matz (Les Engagés) et Marijke Dillen (Vlaams Belang), elle a fait part de sa "surprise" quant aux informations diffusées dans la presse. Selon elle, celles-ci étaient partielles et suggéraient des conclusions "qui vont à l'encontre des conclusions du rapport". Annelies Verlinden a martelé qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre certains manquements constatés et l'attentat commis le 16 octobre. Elle a aussi annoncé la mise en place d'une Banque Carrefour censée faciliter l'échange d'informations.
Les députés d'opposition ont exhorté Annelies Verlinden à se saisir des recommandations du rapport, mais aussi de recommandations précédentes. Ils ont rejeté les accusations de mise en cause de la police formulées par la ministre.