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"Une fille en or", proclame un poster dans la salle de Caracas où Tayonis Cedeño s'entraîne. De vieilles photos en attestent: la boxeuse vénézuélienne est amoureuse de son sport depuis toujours. Et elle va continuer à contredire ceux qui lui disaient que la boxe, "c'est pour les hommes".
D'ailleurs, elle ne les a jamais écoutés. A 25 ans, la "mi-mouche" (moins de 49 kg) fait des ravages chez les amateurs. Tayonis Cedeño a remporté deux championnats sur le continent américain et glané des médailles aux Jeux bolivariens (six pays en compétition) et aux Jeux sud-américains. Aujourd'hui, elle veut passer pro et continuer à tracer son sillon, dans la longue tradition de la boxe vénézuélienne.
Pourtant, l'écart entre boxeurs et boxeuses est toujours béant. "Il est temps que les femmes soient reconnues à l'égal des athlètes masculins", assène Tayonis Cedeño. "On va faire tomber ces barrières".
Q: Que vous a apporté la compétition en tant que femme?
R: "Énormément de force mentale et physique. Je me suis rendu compte que nous les femmes pouvions faire des choses extraordinaires, bien que nous gobions parfois ce mensonge qu'on nous répète dès l'enfance: que nous sommes des poupées. Toute jeune, j'ai pratiqué le karaté et j'excellais. Mais dès que je me suis frottée à la boxe, j'ai adoré, j'en suis tombée amoureuse. Je ne crois pas à l'idée selon laquelle les femmes ne peuvent pas la pratiquer. En tant que femmes et boxeuses, on est bien là, présentes. Certains disent: 'Non, ce sport n'est pas fait pour toi, tu es une fille'. Du moment où nous prenons conscience de notre potentiel, nous nous affranchissons de cette idée. J'ai une nièce (de 13 ans, ndlr) qui pratique le karaté. Elle me rappelle beaucoup mes débuts."
Q: Avez-vous ressenti une quelconque pression de la part de vos proches ?
R: "Mon père et ma mère m'ont toujours soutenue, mais certains voisins, des oncles, des amis me disaient 'comment peux-tu pratiquer (la boxe) ? C'est pour les hommes'. Les femmes sont capables de beaucoup de choses, nous l'avons prouvé et pas seulement dans la boxe. Sans chercher bien loin, Yulimar Rojas (athlète vénézuélienne qui a établi le nouveau record du monde en salle du triple saut le 21 février à 15,43 m, ndlr) est un exemple. C'est une gagnante, une battante, je l'admire."
Q: Quelle est la situation de la boxe au Venezuela ?
R: "Le soutien du président de la WBA (l'une des quatre grandes fédérations internationales de boxe, dirigée par le Vénézuélien) Gilberto Mendoza est très important. Deux figures de notre sport, Yoel Finol et Gabriel Maestre (boxeurs professionnels depuis 2019, ndlr), ont été très soutenus. Mais nous, les femmes (de la dernière génération d'amateurs, ndlr), n'avons pas pu monter pro. Les hommes sont soutenus par le ministère (des Sports, ndlr) et par tout le monde, mais j'ai le sentiment qu'ils nous manque à nous un coup de pouce pour que nous puissions réellement exploser."
Q: Avez-vous ressenti de la discrimination ?
R: "C'est arrivé au moment d'organiser des déplacements. J'ai entendu : 'Seuls les hommes vont y aller, parce que ce sont eux qui ont le plus de chances (de médailles) de tous les athlètes qui participent au cycle olympique'. Ils ont la priorité."
Q: Les choses ont-elles progressé depuis vos débuts ?
R: "Oui, il y a des progrès, mais nous avons besoin de plus de combats et de nous mesurer à des rivales étrangères, surtout à des Européennes qui sont très fortes."
Q: Avez-vous déjà été victime de harcèlement ou d'agression sexuelle ?
R: "Non. J'ai travaillé avec plusieurs entraîneurs (...) et il y a toujours eu du respect, un respect mutuel. Dieu merci, je n'ai jamais enduré cela."
Q: Quel est votre message pour la Journée internationale des femmes ?
R: "Je dis à toutes les femmes et aux filles de découvrir ce qu'elles ont en elles, qu'elles peuvent y arriver si elles croient en elles-mêmes. Nous allons faire tomber les barrières, nous irons loin. Il est temps que les femmes soient reconnues à l'égal des athlètes masculins."