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L'arrivée de DAZN en tant que diffuseur principal de la Ligue 1, avec une tarification largement supérieure aux années passées, ouvre une période d'incertitudes pour le football français, inquiet pour l'exposition de sa compétition phare et sa viabilité économique.
Le pari de la Ligue de football professionnel (LFP) et de son président Vincent Labrune sera-t-il gagnant? En attribuant, à l'issue d'un interminable feuilleton, les droits pour 8 matches de L1 en direct à la plateforme de streaming britannique contre 400 millions d'euros annuels en moyenne jusqu'en 2029 (avec un neuvième match sur beIN Sports pour 100 millions d'euros), la LFP a certes évité l'écran noir à deux semaines de l'ouverture du championnat, mais n'a pas empêché le doute de s'installer.
Depuis que DAZN a révélé le prix que le fan de football devra débourser pour visionner les rencontres de L1 (29,99 euros par mois pour un engagement d'un an, 39,99 euros par mois sans engagement), les critiques n'en finissent pas de pleuvoir sur le coût jugé exorbitant de l'abonnement. Sur X, le mot-clé #BoycottDAZN connaît ainsi un beau succès depuis deux jours.
Déjà incapable d'atteindre le milliard d'euros annuel tant espéré pour les droits TV au moment de l'appel d'offres lancé à l'automne 2023 et finalement infructueux, la Ligue doit désormais se débattre avec les interrogations et la colère des supporters.
"29,99 € par mois, pour notre offre en France, est un juste prix, s'est pourtant défendu Shay Segev, le PDG de DAZN, dans les colonnes de L'Equipe. Le consommateur doit comprendre qu’il ne paye pas DAZN, il paye la Ligue et les clubs. Parce qu’en fin de compte, si cela ne fonctionne pas, qu’est-ce que cela signifiera pour le football français? Nous devons assurer un minimum de valeur."
Des arguments contestés par Virgile Caillet, délégué général de l'Union Sport et Cycle, spécialiste de l'économie du sport.
"Je m'interroge sur la capacité de cette offre à trouver son public, a-t-il indiqué à l'AFP. Si on veut avoir la totalité de la Ligue 1 avec la Ligue des champions, on n'est pas loin de 70 euros. Ce qui est curieux aussi c'est que DAZN ne montre pas d'ambition sur le plan éditorial avec des matches, en dehors de trois affiches, commentés depuis une cabine. Cela interpelle et ce n'est pas de nature à engager les gens à s'abonner. Cela semble vouloir dire qu'ils ne sont pas complétement convaincus par le modèle et veulent limiter la prise de risque".
- Le spectre de Mediapro -
Pour le football français, le spectre d'un nouveau fiasco ressurgit, quatre ans après la défaillance spectaculaire de Mediapro. Mais le dirigeant de DAZN, qui compte séduire 1,5 millions d'abonnés d'ici six mois, balaie le risque, même si le contrat avec la LFP est assorti d'une clause de sortie au bout de deux ans.
"Nous sommes une entreprise très différente, une plateforme en lien direct avec les consommateurs et nous gérons une entreprise déjà prospère sur 15 autres marchés autour du football", a-t-il expliqué.
Pour accroître sa visibilité, DAZN a néanmoins noué des accords de distribution ces derniers jours avec Canal+ et Amazon Prime. Le diffuseur s'est également associé avec l'opérateur Free pour lui permettre de proposer des extraits en "quasi direct" des matches, dans une application dédiée. Par ailleurs, l'entreprise britannique a décidé de programmer gratuitement Toulouse-Nantes, dimanche à 17h00.
En attendant de savoir si DAZN et la LFP auront réussi leur coup, la baisse des droits TV nationaux, passés de 624 millions d'euros par an à près de 500 millions, auxquels il faut ajouter 160 millions au titre des droits internationaux, a déjà des répercussions concrètes.
La plupart des clubs doivent se serrer la ceinture après avoir enregistré des pertes de 273 millions d'euros en 2022-2023. D'autant qu'avec la longue liste des différentes contributions (CVC, taxe Buffet, syndicats, FFF, charges de la LFP...), il ne restera pas grand chose à se mettre sous la dent au moment de se partager le gâteau.
"Jamais les clubs de L1 n'ont touché aussi peu au titre des droits TV", avait rappelé le président de Lens Joseph Oughourlian, une fois l'accord scellé.
La Ligue a déjà commencé sa cure d'austérité en repoussant l'entrée en vigueur de la VAR en Ligue 2 et un audit a été lancé à la LFP par plusieurs présidents de clubs de L1 "car les résultats ne sont pas au niveau des investissements consentis".