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Si Didier Deschamps estime "logique" que l'équipe de France fasse partie des favoris de l'Euro-2024, il prévient qu'elle est tombée "dans un groupe relevé", dans un entretien exclusif à l'AFP où le sélectionneur évoque également la possibilité d'emmener Bradley Barcola en Allemagne.
Q: Défaite en finale en 2016, élimination dès les 8e en 2021: vous restez sur deux échecs à l'Euro. Y a-t-il une volonté de revanche avec cette compétition, la seule qui vous échappe en tant que sélectionneur?
R: "Je parlerais plutôt de contre-performances. C'est vrai, je n'ai pas gagné l'Euro en tant que sélectionneur, mais beaucoup de sélectionneurs ne l'ont pas gagné. Si l'exigence est aussi élevée, c'est que l'Equipe de France a beaucoup progressé... Après la Coupe du Monde, il n'y a pas plus grand que l'Euro. On va aborder le prochain avec ambition mais lucidité aussi. J'ai bien conscience qu'avec tout ce qu'on a fait, l'attente est de plus en plus grande. Mais l'expérience nous rappelle aussi que dans une compétition, il y a des étapes à franchir. Qu'on fasse partie des favoris, comme d'autres équipes, après tout, il y a une certaine logique. Mais il ne faut pas penser à l'arrivée, il faut déjà penser aux trois matches de poule en espérant ne pas être confronté à des blessures même s'il y a toujours des impondérables qu'on devra gérer. J'aimerais, comme tous mes collègues, que tout le monde soit dispo et en pleine possession de ses moyens, mais ce n'est d'ores et déjà pas le cas. On devra faire avec."
Q: Comment jugez-vous vos trois adversaires du groupe D?
R: "Je vais aller contre ce qui a été dit ici et là. On est dans un groupe relevé. On a parlé de galop d'entraînement. Mais l'Autriche est une équipe très solide, elle a récemment battu l'Allemagne. Les Autrichiens sont sous-évalués. Les Pays-Bas restent une grande nation du football. Quand on l'a battue 4-0 en mars 2023, elle était diminuée, privée de plusieurs joueurs majeurs. La Pologne est forte collectivement et s'appuie sur des individualités comme Lewandowski. Je le répète, il faut penser à chacune des étapes à franchir. La première, c'est de passer ce premier tour. Comme d'autres nations, on a le potentiel pour peut-être aller au bout, mais il ne faut pas déjà penser à une demi-finale ou une éventuelle finale. L'Euro est très relevé, huit des dix premiers au classement Fifa sont à l'Euro, il y a une énorme densité."
Q: Vous ne disposerez de certains de vos joueurs que le 3 juin. Cela pose-t-il un problème pour la préparation de l'Euro?
R: "La date officielle fixée par la Fifa pour que les clubs libèrent les joueurs, c'est le 3 juin. J'ai prévu de récupérer les premiers joueurs le 29 mai. En fonction de la fin de saison et de la finale de la Ligue des champions, je n'aurai peut-être que la moitié du groupe à disposition. D'autant que certains clubs ont programmé des tournées très, très loin (comme l'AC Milan en Australie, NDLR). Jusqu'à la Coupe du Monde 2018, on pouvait proposer de la récupération aux joueurs fatigués durant la première partie du stage, effectuer un travail athlétique. Depuis, ce ne sont plus des périodes de préparation. Cette fois, par exemple, on a l'obligation, en raison des contrats signés par l'UEFA avec les diffuseurs, de disputer deux matches amicaux. Autrement je n'en aurais programmé qu'un seul. On va récupérer les joueurs comme ils seront sur le plan athlétique, sur le plan psychologique aussi. Si certains sont en finale de Ligue des champions, vainqueurs ou vaincus, il faudra rebasculer. On va à l'essentiel. La donnée la plus importante, c'est la fraîcheur. Je le répète, je m'adapte. Et pour m'adapter le mieux possible à une situation, j'essaye d'anticiper tous les scénarios."
Q: Le jeune Bradley Barcola fait une fin de saison en boulet de canon. En mars, vous aviez expliqué avoir sélectionné plutôt Moussa Diaby pour son ancienneté et son vécu avec le groupe. Vous pourriez prendre Barcola à l'Euro même s'il n'est jamais venu?
Q: "Mais bien sûr. Attention, je ne suis pas en train d'affirmer que je vais le prendre. Mais ce n'est pas parce que je n'ai pas l'habitude d'appeler en phase finale des joueurs que je n'ai pas retenus avant que je vais m'en priver. Je ne fonctionne pas avec ce type de règles. Je ne suis pas conservateur et je ne fais pas des choix en me demandant ce que l'on en pensera. Si j'estime que je dois faire différemment dans l'intérêt de l'équipe de France, je fais différemment. A chaque situation ses réponses. En mars, Moussa Diaby était présent. Il était déjà venu avec nous et réalisait des choses intéressantes avec Aston Villa. C'était également le cas de Bradley avec le PSG mais c'était plus récent et ça demandait confirmation. Depuis mars, il a confirmé ses bonnes dispositions. Mais on ne le découvre pas non plus. Avec Guy (Stephan son adjoint), on le suit attentivement depuis ses débuts au plus haut niveau avec Lyon."
Q: Que pensez-vous de la signature d'Olivier Giroud au Los Angeles FC, l'Euro sera probablement sa dernière compétition...
R: "Ah oui, je pense (sourire) ! Olivier a fait un choix sportif et un choix de vie. En dépit de son âge, de son vécu, il a toujours cette flamme en lui. C'est peut-être aussi une opportunité, au-delà de retrouver Hugo (Lloris) et sa famille. Il a envie de poursuivre sa carrière, mais avec des exigences un peu moins élevées qu'en Europe. Mais ça ne change pas mes choix dans l'immédiat puisqu'il est à l'AC Milan jusqu'à la fin de la saison."
Q: Est-ce que cela change son statut en équipe de France?
R: "Olivier a une expérience, un vécu, mais il est soumis à la concurrence comme tous les autres joueurs. Ce n'est pas ce qui va lui faire +gagner des points+ ou en +perdre+, comme disent certains."
Q: On vous sent plus zen face aux critiques qu'il y a quelques années, cela date de l'Euro-2016 et des tags sur votre résidence?
R: "Oui, c'est un des éléments. J'avais dit, à l'époque, que le climat général était violent. Depuis, l'agressivité s'est amplifiée, sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les médias. Je respecte tout le monde et j'attends un minimum de respect en retour, notamment en ce qui concerne ma sphère privée. Pour le reste, je n'ai aucun problème avec les critiques à partir du moment où elles concernent mon rôle de sélectionneur, mes choix. Elles existent et peuvent être plus ou moins virulentes, elles n'ont aucune influence sur moi et sur mes décisions. Ce n'est pas une carapace. Entre les rassemblements, je m'intéresse aux médias, je lis. Mais en compétition, les débats, les analyses, je n'écoute pas, je me coupe de tout. Sauf si quelque chose d'important concerne l'équipe de France ou un de mes joueurs. Ce fonctionnement me convient. Il me donne une grande tranquillité, une grande sérénité. J'ai l'habitude de la pression, mais l'environnement n'a aucune influence sur moi."
Propos recueillis par Keyvan NARAGHI et Emmanuel BARRANGUET