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Lâchée par ses trois joueuses les plus emblématiques, fragilisée par des résultats mitigés et privée du soutien historique de Noël Le Graët, la sélectionneuse de l'équipe de France Corinne Diacre est sous pression à cinq mois du Mondial-2023.
La patronne des Bleues dirigera-t-elle la sélection pour une deuxième Coupe du monde, cet été en Australie (20 juillet-20 août)? La mise en retrait fracassante de la capitaine Wendie Renard et des deux attaquantes phares Kadidiatou Diani et Marie-Antoinette Katoto, vendredi, rebat les cartes au plus haut niveau du football féminin français.
Nommée en 2017 et prolongée l'été dernier par le président de la Fédération Noël Le Graët jusqu'aux Jeux olympiques de Paris-2024, Diacre vit la crise la plus grave de son mandat à la tête des Bleues.
Katoto, blessée depuis l'été dernier, assure sans détour ne plus être "en adéquation avec le management". Diani, de son côté, appelle à des "changements profonds". A date, les deux joueuses ont en tout cas clairement tiré un trait sur le prochain Mondial.
Quant à Renard, 142 sélections au compteur, elle "ne peut plus cautionner le système actuel bien loin des exigences requises par le plus haut niveau".
Soutenues par de nombreux visages du foot féminin français et mondial, les trois joueuses ont été rejointes samedi par les Lyonnaises Griedge Mbock (71 sélections) et Perle Morroni (11 sélections): la première, actuellement blessée, a dénoncé le "décalage" entre ses ambitions et les moyens mis en place, la seconde a assuré avoir "souffert" du "système (de) management" en sélection.
- Choix décriés -
Le mal est profond, et il date. "Pendant plusieurs années, elles ont joué le jeu et mis les critiques de côté. Mais la situation est devenue trop pesante", avance-t-on dans l'entourage de plusieurs joueuses. "L'ambiance lourde" du dernier rassemblement est également évoquée par plusieurs sources proches d'internationales tricolores. "C'était latent depuis un moment", renchérit l'une d'entre elles.
Tout au long de son mandat, Corinne Diacre s'est montrée aussi imprévisible que catégorique dans ses choix, n'hésitant pas à écarter des cadres si ces dernières ne rentraient pas dans ses plans.
Gaëtane Thiney, Eugénie Le Sommer, Amandine Henry ou encore Sarah Bouhaddi, personnalités historiques du maillot bleu, en ont fait les frais tour à tour.
Ses deux derniers adjoints n'ont pas fait long feu, eux non plus, et Diacre a finalement décidé... de se passer d'un N.2: elle travaille avec un staff resserré qui tranche avec les habitudes des internationales dans leurs clubs.
La convocation ces derniers jours de Kheira Hamraoui, en manque de temps de jeu au Paris SG et en froid avec Diani et Katoto, est le dernier contrepied en date de Corinne Diacre. Sondée par l'AFP sur ce retour en début de rassemblement, Diani s'était abstenue de tout commentaire "pour éviter d'être vulgaire".
- Comex décisif -
Autre point de crispation évoqué, le système tactique et le style de jeu des Bleues. Ces derniers jours, Diani et Grace Geyoro, cadre au milieu de terrain, ont insisté sur l'importance de trouver une "identité de jeu"... Un voeu difficilement compatible avec la mise en place par Diacre d'un schéma innovant à trois défenseures centrales, à cinq mois seulement du Mondial.
La fronde autour de l'entraîneure de 48 ans est d'autant plus pressante que les résultats ne suivent pas. Rarement inquiétée contre des nations de second rang, la France peine face aux cadors mondiaux et n'a jamais touché du doigt le premier titre international qu'elle rêve de décrocher avec sa talentueuse génération.
Les Etats-Unis au Mondial-2019, puis l'Allemagne à l'Euro-2022 ont ainsi logiquement barré la route des Tricolores. Cette saison, les prestations furent encore plus inquiétantes, à l'image des rassemblements d'octobre (défaites en Allemagne et en Suède) et de février (victoire poussive 1-0 contre le Danemark, nul 0-0 contre la Norvège).
L'ex-défenseure pâtit aussi de la mise en retrait de Noël Le Graët, le président qui l'a choisie, nommée, soutenue face aux tempêtes et immédiatement prolongée jusqu'aux JO-2024 après l'Euro-2022, sans remise en question. Quelques mois plus tard, la donne a clairement changé à la "Fédé".
Si celle-ci a rappelé vendredi "qu'aucune individualité n'est au-dessus de l'institution équipe de France", l'instance va bien se saisir du cas de Corinne Diacre, mardi lors d'un comité exécutif dédié à l'avenir de Le Graët. Une réunion en forme de tournant, pour le foot français comme pour sa sélection féminine.