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Entre deux blockbusters, la coqueluche d'Hollywood Timothée Chalamet fait son retour sous la caméra de Luca Guadagnino, le réalisateur qui l'a fait connaître, dans un inquiétant road-movie cannibale aux Etats-Unis.
Le Franco-Américain de 26 ans, qui sera l'an prochain dans le prochain volet de "Dune" et dans la comédie musicale "Wonka", inspirée de Roald Dahl, s'offre avec "Bones and All", en salles mercredi, une ballade à contre-emploi, dans l'Amérique profonde des années 1980.
Le film, en compétition à la Mostra de Venise en septembre, était reparti avec un prix du meilleur réalisateur.
Cette fois, pas de douce romance gay dans le cadre idyllique d'une villa italienne comme en 2017 avec "Call me by your name": l'acteur casse son image lisse de jeune homme bien sous tous rapports en prêtant sa gueule d'ange à Lee, un vagabond qui se lance dans une odyssée avec Maren, dont il partage l'appétit irrépressible pour la chair humaine.
C'est l'histoire de "deux jeunes très isolés, qui n'ont pas encore de véritable identité et s'affirment à travers l'amour", a résumé Chalamet à Venise, confessant qu'il "mourrait d'envie de travailler de nouveau avec Luca" Guadagnino.
"Etre jeune aujourd'hui (...) signifie être jugé en permanence. Je n'ose imaginer ce que c'est de grandir sous le couperet des réseaux sociaux. C'était un soulagement d'interpréter des personnages luttant avec leurs dilemmes sans avoir à aller sur Reddit, Twitter ou TikTok pour voir comment ils s'intègrent dans la société", a observé Chalamet.
Le personnage de Maren est interprété par l'actrice canadienne Taylor Russell, surtout connue jusqu'ici pour ses rôles dans les séries "Strange Empire" et "Falling Skies".
Bonnie and Clyde
Les deux protagonistes voguent au volant de leur pick-up bleu et Ronald Reagan est à la Maison Blanche, mais peu importe: cette énième déclinaison du couple infernal formé par Bonnie et Clyde évolue dans une Amérique éternelle, celle du Midwest hanté par les laissés pour compte du rêve américain.
Au fil de leur voyage, Lee et Maren cherchent à comprendre leur différence et à apprendre à vivre avec, non sans quelques violents accrocs donnant lieu à quelques scènes gore où on les voit dévorer des corps encore frémissants.
"Il y a quelque chose chez ceux qui vivent en marge de la société qui m'attire et m'émeut. J'aime ces personnages", a expliqué Luca Guadagnino. "Je suis intéressé par leur parcours émotionnel".
"Je vois ce film comme une méditation sur ce que nous sommes et comment dépasser ce que nous sommes, surtout s'il s'agit de quelque chose que nous ne pouvons pas contrôler", a souligné le cinéaste, qui a choisi d'adapter le roman du même titre de Camille DeAngelis.
Au-delà de l'analyse des ressorts psychologiques accompagnant la quête de soi chez ces marginaux, "Bones and All" suscite un malaise quasi-physique chez le spectateur, non pas tant en montrant des scènes insupportables qu'en rendant terriblement séduisant un couple violant un tabou universel.
En arrière-plan, Guadagnino laisse folâtrer sa caméra sur des paysages grandioses et féeriques où ses personnages semblent n'être que des ombres fugaces appelées à être dévorées par leur destin. Une sorte de conte pour enfants où les ogres sont aussi des êtres de chair et de sang frissonnants de réalisme. A retenir à ce propos la performance glaçante d'une Chloë Sevigny méconnaissable dans le rôle de la mère de Maren.