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La vie de Gabriela Brito, ou Lela MC, 13 ans seulement, a tout d'un film: après avoir survécu à un incendie, émigré du Venezuela, chanté dans les transports contre quelques pièces, elle est aujourd'hui une étoile montante du rap en Colombie.
Cheveux longs jusqu'à la taille, appareil dentaire et vêtements amples, la jeune Lela, d'apparence timide, se transforme en une chanteuse hardie, qui rape sur la migration, sa passion de la musique et des sujets qui préoccupent la jeunesse.
"Ce qui est important dans une chanson, c'est avant tout le contenu (...) Que la personne s'identifie aux paroles", dit la chanteuse aux plus de 300.000 fans sur les réseaux sociaux, dans sa maison à Bogota.
Aujourd'hui, ses vidéos "freestyle" et ses interprétations sur les réseaux sociaux rencontrent un franc succès. Après avoir été "likée" par la célèbre rappeuse chilienne Ana Tijoux et partagé un concert avec le roi du hip-hop vénézuélien Apache, Lela MC a signé un contrat avec une maison de disques réputée en décembre 2023.
Un chemin épineux vers le succès
En 2017, Gabriela et son frère, Gabriel, frôlent la mort lors d'un incendie provoqué par une fuite de gaz, comme en témoignent les cicatrices sur leurs bras. Les enfants sont soignés pour brûlures graves et Gabriel reste hospitalisé plusieurs mois, dont six jours en soins intensifs. "Un miracle de la vie", dit leur mère. Avec le décès de leur grand-mère lors de l'accident, les enfants, qui se retrouvent alors seuls au Venezuela, partent rejoindre leur mère, fraîchement arrivée en Colombie.
A 6 ans, elle quitte ainsi Caracas, comme la plupart des 3 millions de Vénézuéliens qui ont immigré en Colombie, cherchant à fuir la grave crise économique.
Du bus à la scène
Aujourd'hui, Gabriel a 15 ans et officie comme DJ sur scène au côté de sa sœur Lela. Le nom d'artiste de la jeune fille est d'ailleurs une référence à son frère : petit, il avait du mal à prononcer "Gabriela", il l'appelait donc "Lela".
"Le fait d'avoir ces marques (ces cicatrices) me donne de la joie. C'est avec elles que nous en sommes arrivés là aujourd'hui", assure l'adolescent.
Pendant que Lela et Gabriel répètent dans leur petit appartement du sud de Bogota, leur mère, Hayleén Volcan, confectionne des petits nœuds papillons colorés qu'elle vend à une boutique, dans un pays où le travail informel touche 82% des immigrés vénézuéliens.
À son arrivée en Colombie, la mère de 35 ans raconte avoir "passé des mois à vendre aux feux rouges, du café, de l'eau, des cacahuètes". La petite Gabriela, elle, se plaint et veut "rentrer à la maison".
Elle accompagnait parfois son père Jesus Sanz, qui rapait dans les bus de Bogota pour gagner quelques sous, jusqu'au jour où elle a décidé de lui "prendre le micro". "Et c'est là que tout a commencé", se souvient-elle. Lela n'a alors que huit ans lorsque quelqu'un la filme dans les transports en train d'interpréter une chanson composée par son père sur le drame de la migration.
La performance, devenue virale sur les réseaux, arrive aux oreilles du producteur Jairo Peñaranda, "Mctematico", son futur manager qui va propulser sa carrière artistique, avec un premier titre en 2021.
Il a posé une seule condition : que Gabriela et son grand frère retournent à l'école et bénéficient d'un accompagnement psychologique. La déscolarisation touche 29,7% des enfants vénézuéliens en Colombie, selon l'autorité de la statistique.