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Pierre achète une tablette à 44€ sur Wish: il doit payer pour la DÉDOUANER et ne reçoit "absolument pas" ce qu'il a commandé

On a tendance à l'oublier depuis la création du marché intérieur européen dans les années 1980/90, mais tout bien qui rentre dans notre pays doit normalement être déclaré. Ce qui est devenu difficile vu l'explosion du commerce en ligne, notamment en provenance de Chine. La réalité rattrape parfois ces nouveaux modes de consommation. C'est ce qui est arrivé à Pierre…

Comme beaucoup de Belges, Pierre s'est laissé tenter par les offres très alléchantes de ces plateformes "chinoises", qui tentent de vous vendre à des prix défiant toute concurrence des objets du quotidien.

Wish (un acteur américain qui ne fait que mettre en relation usines chinoises et consommateurs occidentaux, on en a déjà parlé ici), est le meilleur exemple d'un concept qui accentue la production d'objets de piètre qualité traversant la moitié du monde pour être vite abandonnés car peu ou pas fonctionnels. De nouvelles habitudes de consommation qui sont, soit dit en passant, dramatiques pour l'environnement: production dans des conditions de travail inconnues, usage de produits peu ou pas contrôlés, longs transports en avion ou bateau, déchet plastique car piètre qualité des produits, etc…

L'autre problème avec ce type d'achat: le dédouanement. "J'ai du payer 35€" pour débloquer le colis. Tout ça pour finalement recevoir un produit "qui ne correspond absolument pas à ma commande". Un zéro pointé, donc. Une mésaventure qu'on vous relate pour ne pas que vous tombiez dans le piège.


La dernière commande de Pierre sur Wish...

Une tablette à 44€…

Tout a commencé il y a quelques semaines. Pierre cherchait une tablette pour son épouse. "J'étais sur la plateforme Wish. J'avais déjà acheté régulièrement des petites choses donc je me suis lancé, confiant, pour l'achat d'un appareil multimédia. Cette tablette me paraissait attractive".

Forcément: elle affiche un prix de 44€, "avec un code promotionnel de 2€ mais des frais de port d'un peu plus de 10€". Une offre "très attrayante" dont compte bien profiter notre témoin. D'après le descriptif, il s'agit d'une tablette "au format 9,7 pouces avec un processeur octa-core et 2 GB de RAM".

Hélas, après avoir payé les frais de douane (33€, voir plus bas), "la tablette ne correspond absolument pas. J'ai reçu un petit format muni d'un processeur quad core avec 1 GB de RAM et Android 4", soit une très vieille version du système d'exploitation de Google (active de 2012 à 2014).

Pierre, "couvert par PayPal, a pu annuler le paiement". Il est actuellement "en attente de réponse de Wish pour être remboursé" des frais de douane, mais a déjà tiré un trait sur ce site: "On ne m'y reprendra plus…".

"Un courrier de bpost qui me demande plus d'informations sur ma commande"

Les ennuis avec la douane commencent environ un mois après son achat, quand Pierre reçoit un courrier de bpost. "Un courrier qui me demande plus d'informations sur l'achat effectué sur le site web Wish, notamment pour savoir s'il s'agit de contrefaçon". Notre témoin de 39 ans, habitant en région liégeoise, apprend également qu'il doit "s'acquitter d'une taxe de dédouanement". Pierre s'exécute et "envoie des justificatifs de la commande". Il doit également s'acquitter de frais. "En tout, 33€ pour le dédouanement et les frais de transport par bpost".

Notre témoin ignorait tout de tels frais, de telles taxes. Il a surtout contacté la rédaction de RTL info pour mettre en garde. "On devrait prévenir les personnes" des risques de frais de dédouanement. Mais comment fonctionnent-ils exactement ? Y a-t-il des règles strictes ?

Que dit la loi belge par rapport au dédouanement ?

Le porte-parole du SPF (Service Public Fédéral) Finances s'est contenté de nous renvoyer vers la section dédiée sur son site web.

En fouillant bien dans les textes, on apprend que, si on importe un bien (que l'on reçoive un cadeau d'un ami, même de seconde main, ou que l'on achète un objet neuf) en provenance de l'extérieur de l'Union européenne, la loi nous oblige à le déclarer à la douane, et donc à payer des frais: droits à l'importation, TVA et dans certains cas, accises.

Oui, vous avez bien lu… Il faut dire qu'on a perdu l'habitude de penser aux douanes depuis la création du marché intérieur européen, et surtout depuis l'avènement du commerce en ligne qui permet d'acheter en deux clics un produit à un marchand situé à l'autre bout du monde.

La réalité a rattrapé Pierre, et d'innombrables personnes à travers l'Europe: acheter un objet en provenance directe de Chine ne peut théoriquement se faire sans déclaration douanière, et donc sans frais supplémentaire.

Précision importante: si le colis est de "valeur négligeable", il n'y a ni droits d'importation, ni TVA à payer. Par "valeur négligeable", l'administration se base sur les frais de douane liés à un colis. Si la TVA imputable ne dépasse pas 22€, et si les droits d'importation ne dépassent pas 150€, alors la douane laisse tomber ces frais:


Source: SPF Finances

Qui s'occupe du dédouanement ?

Voilà pour la théorie. Bien entendu, depuis l'explosion du commerce en ligne et donc du nombre de colis expédiés depuis le reste du monde vers la Belgique, il est impossible pour le Ministère des finances de tout vérifier, tout contrôler. Raison pour laquelle vous avez sans doute déjà acheté des produits en provenance des Etats-Unis ou de la Chine, et que vous l'avez reçu sans problème, sans supplément, sans déclaration préalable de votre part.

Mais régulièrement, "l'Administration générale des Douanes et Accises" effectue des contrôles de sécurité et des vérifications de marchandises. Les services postaux (bpost) ou de courrier express (DHL, UPS, DPD, TNT, etc) doivent donner accès la douane pour qu'elle puisse effectuer ces contrôles dans leurs installations.

La plupart du temps, surtout pour les petits appareils/gadgets/accessoires en provenance directe de Chine, la douane ne trouve pas la déclaration douanière qui devrait être jointe. C'est alors bpost ou le transporteur qui est chargé, par la douane, de s'occuper de cette déclaration. Et comme l'expéditeur (une usine chinoise) ne s'est forcément pas acquitté des frais de douanes, c'est le service postal qui prend les choses en main, et vous le facture avant de libérer le colis.

Cette prise en charge s'accompagne de suppléments prévus par la loi (frais de formalité douanière), car le service postal a du consacrer du temps et des moyens pour rédiger la déclaration auprès de la douane, puis réacheminer le produit chez vous.

A partir de quel moment y a-t-il des frais, et quel est leur ampleur ?

On l'a dit, il y a trois types de frais de douane: les droits à l'importation, la TVA et des éventuelles accises sur certains produits.

Toujours d'après les nombreux documents renseignés par le porte-parole du SPF Finances, on comprend que "les droits à l'importation sont dus si la valeur du paquet dépasse les 150€". Hélas, généralement, la valeur n'est pas indiquée sur l'étiquette du colis. Dans ce cas, bpost essaie d'identifier le type de bien et des frais s'appliquent alors de manière forfaitaire (on appelle ça la "valeur douanière"). Donc une tablette peut facilement être considérée comme ayant une valeur de plus de 150€, même s'il n'en est rien dans le cas de Pierre. Mais ça ne change pas grand-chose dans le cas qui nous occupe, car il n'y a visiblement pas de droits à l'importation prévu pour les smartphones/tablettes. En réalité, les droits à l'importation varient selon le type de bien: 0% pour un livre, 16,9% pour une paire de chaussure, 3% pour une mallette en cuir, etc… On a cherché sur le site 'Tarif d'usage UEBL' quels étaient les droits d'importation pour une tablette, mais il est archaïque et assez complexe à utiliser. Pour les smartphones, on a constaté que le droit d'importation était de 0%. On imagine qu'il en va de même pour la tablette achetée par Pierre.

A côté des droits d'importation, il y a la traditionnelle TVA. Elle est de 21% en Belgique pour une tablette (mais 6% sur les livres, par exemple). Cette TVA est calculée sur base du prix (estimé ou non) de l'objet importé, auquel s'ajoutent tous les autres frais (droit à l'importation et frais de formalités douanières issus du transporteur).

Passons le cas des accises car elles concernent les produits énergétiques (carburant), les boissons et le tabac, choses qu'on ne trouve pas (ou peu) sur des sites de commerce en ligne chinois ou américains.

Enfin, il y a ces frais de formalités douanières qui sont perçus par les sociétés de transport, à titre de dédommagement pour s'être occupé de la déclaration douanière. En 2018, bpost (et a priori les autres transporteurs) ajoute les frais suivants: 0€ pour les envois commerciaux d'une valeur de 22€ maximum, 20€ pour les envois d'une valeur comprise entre 22€ et 150€, 30€ pour les envois d'une valeur supérieure :

Pour être concret, le SPF Finances a ajouté deux exemples sur son site :

Conclusion

De la mauvaise expérience de Pierre, il faut retenir deux choses. Tout d'abord, dès que vous commandez un objet en provenance de l'extérieur de l'Union européenne, et que celui-ci n'est pas "de valeur négligeable" (voir plus haut), vous risquez de devoir payer des droits de douane, si des contrôles/vérifications sont effectués par l'administration. La déclaration est alors gérée par le transporteur (bpost, souvent), qui ne vous acheminera le colis que lorsque ces droits de douanes (plus des frais pour bpost) seront payés. Parfois, ces frais dépassent la valeur initiale du bien, car souvent on achète sur des sites chinois ou américains des gadgets ou des accessoires.

L'autre conclusion à tirer, et on l'a déjà évoqué dans d'autres témoignages, c'est qu'il faut bien réfléchir avant d'acheter un gadget sur un site comme Wish ou Aliexpress, populaires en Belgique. On ne veut pas vous donner de leçon de consommation, mais ne cédez pas trop vite à la bonne affaire. La plupart des produits vendus sur ces plateformes sont de piètre qualité et fabriqués dans des conditions dont on ignore tout (écologie, santé, travail). Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?


Déception pour Pierre au moment de recevoir sa tablette: elle ne correspond pas à ce qu'il avait commandé

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