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"On s'expose très fort en continuant à travailler. Je ne veux pas tomber malade car je dois protéger mes enfants.” Julie (prénom d'emprunt car elle veut garder l'anonymat) est aide-ménagère depuis 4 ans. Cette jeune maman de 30 ans nous a contactés, comme des dizaines d'autres, via le bouton orange Alertez-nous. Inquiète, elle souhaite dénoncer les conditions dans lesquelles elle doit travailler chez certains clients pendant cette seconde vague de la crise du Covid-19. "Lors de remplacements que j'ai faits, les gestes barrières n’étaient clairement pas respectés. Les clients ne portaient pas de masque alors qu’on était dans la même pièce, ils ne respectaient pas la distanciation et ne voulaient pas aérer la maison à cause du chauffage…”, dénonce-t-elle.
Certains refusent de porter le masque ou d'aérer l’appartement, on se sent vraiment en danger
Même son de cloche pour Laetitia, aide-ménagère dans le Hainaut depuis une quinzaine d’années : "On part travailler avec la boule au ventre. La plupart des clients ne respectent pas les mesures alors que nous, on est super équipées! Certains refusent de porter le masque ou d'aérer l’appartement. On se sent vraiment en danger", témoigne-t-elle via le bouton orange Alertez-nous,
Obligées de passer de maison en maison, les aides-ménagères sont tous les jours exposées. “J’ai 11 clients, je travaille entre 6 à 8h par jour. J’en vois un le matin et un autre le soir” raconte Julie. “Je ne suis pas rassurée, parfois ils sont en télétravail et les enfants sont là, ça fait beaucoup de monde pour un trop petit espace”, dit-elle.
Précautions à respecter par le client: aérer et, si possible, se trouver dans une autre pièce
Federgon, la fédération qui représente entre autres les employeurs du secteur des titres-service, rappelle que dans la situation rencontrée par Julie, une distance minimale d'1,5 mètre est nécessaire. ”Sinon, l’aide-ménagère ne doit pas assurer la prestation", estime Arnaud Le Grelle, président de cette fédération pour la Wallonie et Bruxelles.
"On s’est rendu compte que les aides-ménagères avaient très vite compris les gestes barrières à adopter et que c’était plutôt du côté des clients que ça coinçait" souligne TS-BXL, une entreprise de titres-services en région bruxelloise. Pareil pour Trixxo, présente sur tout le territoire belge: "Malheureusement, il nous est déjà arrivé de devoir arrêter les prestations chez certains clients, soit temporairement, soit définitivement, parce qu’ils ne respectaient pas les mesures."
Pour tenter de responsabiliser ses clients, TS-BXL a eu l’idée de leur envoyer une brochure qui énumère les bons gestes à adopter comme “se trouver dans une autre pièce que l’aide-ménagère lorsqu’elle travaille, aérer le lieu d’habitation au maximum, respecter la distanciation sociale et porter un masque si ce n’est pas possible.” Trixxo, de son côté, envoie régulièrement une enquête aux aides-ménagères “afin de voir si les mesures sont respectées par leurs clients.”
Les aides-ménagères ont déjà fait les frais de la 1re vague, connaissant des baisses de salaire allant de 30% à 50%
Conserver ses revenus
Malgré les risques qu’encourent les aides-ménagères, la plupart d’entre elles ne souhaitent pas arrêter leur activité, comme Laetitia: “Je n’ai pas d’autres choix. J’ai un mari atteint de la maladie de Crohn, je suis la seule à pouvoir travailler.” C’est notamment cette nécessité financière qui pousse la majorité des aides-ménagères à assurer leurs prestations même lorsque la distanciation sociale n’est pas respectée. “Je ne veux pas dépendre du chômage corona! Si c’est pour me retrouver dans la même situation qu’au mois de mars, c’est pas la peine… J’ai déjà perdu énormément d’argent lors de la 1re vague et je ne peux pas me le permettre. J’ai 4 enfants et un mari dont je dois m’occuper” ajoute Laetitia.
Federgon est bien conscient de l'impératif de continuer à gagner le même revenu. C’est pourquoi la fédération pense que c’est une bonne chose que les aides-ménagères puissent continuer de travailler, sans pour autant se mettre en danger. “Hormis l’exception de la Wallonie qui est prête à payer les travailleurs de titres-services pour des heures non prestées, en Belgique, s’il n’y a pas de travail, il n’y a que l’alternative du chômage temporaire. Et les aides-ménagères en ont déjà fait les frais lors de la 1re vague, connaissant des baisses de salaire allant de 30% à 50% de moins selon les cas.”
Louise Arimont, directrice opérationnelle chez Trixxo cite une règle qui restreint la liberté de décision d'une aide-ménagère face à une situation sanitaire risquée: “Tant qu’on a des clients, on est obligés de les proposer en remplacement à nos aides-ménagères. Mais si elles décident de ne pas l’effectuer, elles n’auront pas le droit de percevoir le chômage temporaire pour cette demi-journée non travaillée.”
140.000 travailleurs concernés, essentiellement des femmes
Le secteur titres-services représente plus de 140 000 travailleurs à travers tout le territoire belge. Parmi eux, 97% sont des femmes, souvent seules et avec des enfants à charge, comme le souligne Laetitia: “Dans mon agence, il y a énormément de femmes seules qui ne peuvent pas se permettre de percevoir le chômage temporaire car la perte d’argent est trop grande. Pour elles et pour toutes les aides-ménagères, les clients doivent faire attention. Sinon les agences fermeront et on ne saura plus travailler…”
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