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Au lendemain d'une journée de chaos, Liège se réveille dans le calme. Ce dimanche matin, notre journaliste Hanan Harrouch constate que la vie a repris son cours à la Cité Ardente. Pourtant, les débris au sol rappellent qu'il y a quelques heures, des centaines de casseurs s'attaquaient à la police et aux commerces du centre-ville. Jets de pierres, de panneaux, de bouteilles... Plusieurs centaines de personnes se sont déplacées par petits groupes samedi après-midi dans le centre-ville de Liège avec "l'intention de dégrader".
Ce dimanche matin, des véhicules de police effectuent des rondes autour de la place. Des agents de sécurité ont également été appelés pour sécuriser la galerie Saint Lambert. Une galerie dont la vitrine a été complètement cassée hier soir. Ce matin, l’entrée est déjà rafistolée, couverte de grandes planches de bois. De nombreuses autres vitrines ont aussi été comblées avec des plaques de bois. Certaines portent encore des traces des assauts d’hier. On imagine que les gérants auront du travail, aujourd’hui, pour réparer tant bien que mal ces dégâts.
9 blessés dont 5 policiers
Au total, 250 policiers de la police de Liège et de la police fédérale étaient présents sur place avec l'appui de trois arroseuses. Neuf personnes, dont cinq policiers, ont été blessées et transportées à l'hôpital. La zone de police liégeoise précise toutefois que d'autres policiers, plus légèrement blessés, sont restés sur le terrain aux côtés de leurs collègues.
"L’objectif de nos policiers a d’abord été de protéger stoïquement les biens et les personnes et de rétablir l’ordre. Plus de 250 policiers et 3 arroseuses ont finalement réussi à disperser ces casseurs. 9 blessés ont été transportés à l’hôpital dont 5 policiers, d’autres policiers blessés plus légèrement sont restés sur le terrain aux côtés de leurs collègues. Des arrestations sont en cours", avait précisé Jadranka Lozina ce samedi.
La police déployée cette nuit pour sécuriser les commerces pillés
Le commissariat de Liège-Centre, situé rue de la Régence, a été caillassé, tout comme plusieurs véhicules de police du centre-ville. Des magasins et fast-food ont également été caillassés et certains d'entre eux ont été pillés. Quelques vitres des Galeries Saint-Lambert et de l'hôtel de ville ont été brisées. La police a été victime de jet de pavés, de panneaux de signalisations, de bouteilles en verre et de chaussures. Des gaz lacrymogènes ont été utilisés par les forces de l'ordre.
Vers 20h samedi soir, le calme revenait place Saint-Lambert. Des agents ont été déployés durant toute la nuit afin de sécuriser les commerces qui ont été saccagés et pillés.
Un point presse aura lieu ce dimanche à 11h à l’Hôtel de Ville avec un bilan chiffré.
Du calme au chaos en quelques secondes
Tout a commencé vers 15h30. Les rues du centre de Liège sont alors fréquentées par des promeneurs et des riverains venus faire leurs emplettes. Comme dans d'autres villes du pays, environ 300 personnes sont mobilisées lors d'une manifestation en soutien à la culture.
J'en ai vu un qui est passé à vélo, un pavé à la main, et qui l'a lancé sur la camionnette de la police
Mais en pleine après-midi, un groupe de casseurs prend d'assaut la Cité ardente. "On était en train de faire du shopping, du côté de la place de la République française, lorsque ça a dégénéré", nous explique Mathias, qui a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous pour témoigner. "Tout d'un coup, des combis de police sont arrivés. Ils ont sorti l'autopompe. Puis des jeunes qui portaient des masques sont arrivés et ils ont lancé des pavés sur la police. J'en ai vu un qui est passé à vélo, un pavé à la main, et qui l'a lancé sur la camionnette de la police. La vitre s'est brisée et je pense qu'un policier a dû être blessé. C'était d'une violence inouïe", nous décrit le témoin.
Mathias dit avoir vu les policiers se replier. Il reste choqué par la scène à laquelle il a assisté. "Les casseurs étaient à quelques mètres de nous. Je suis vraiment frappé par la rapidité avec laquelle la situation a dégénéré. C'était surréaliste. Il y avait des passants, des personnes âgées, etc. Et d'un coup tous ces casseurs...", indique-t-il. Face à la scène, Mathias et son compagnon ont rejoint le parking où était garé leur voiture et ils ont pu évacuer les lieux.
Mais dans le centre de Liège, le chaos a continué à se répandre dans les rues.
La police demande d'évacuer le centre-ville
Selon la police, des pelotons de maintien d'ordre étaient prévus pour intervenir en cas d'incidents à Liège. Ils sont rapidement déployés dans le centre-ville. Mais comme l'a expliqué Mathias, tout va très vite. Un motard de la police est pris pour cible et évacué en ambulance. Un fast-food McDonald's et d'autres commerces sont saccagés. Des véhicules sont dégradés. Le commissariat "Wallonie" Liège-Centre et les véhicules d'intervention alentour se font caillasser.
"Nous avons affaire à 200 à 300 casseurs divisés en groupes qui se déplacent dans le centre et ont bien l’intention de dégrader. Nous demandons aux citoyens de ne pas venir dans le centre-ville. Il est demandé aux citoyens qui se trouveraient encore au centre-ville de le quitter", déclare Jadranka Lozina, porte-parole de la police de Liège, peu après 16h. Envoyé sur place, l'un de nos journalistes nous décrit des scènes de chaos. "Des pavés volent dans tous les coins", confie-t-il durant l'après-midi. Les casseurs lancent aussi des panneaux de signalisation, des chaussures ou encore des bouteilles de verre en direction du cordon policier établi autour de la place Saint-Lambert. L'hôtel de ville fait aussi l'objet de jet de pavés et des vitres sont cassées. De son côté, la police fait usage de gaz lacrymogènes.
Les casseurs se sont mélangés à une manifestation Black lives matter
Rappelons qu'une manifestation a été organisée ce samedi à Liège, comme dans d'autres villes, en signe de soutien au secteur culturel. La police a dénombré environ 300 participants. La porte-parole de la police a cependant précisé que les jeunes qui s'en sont pris à la police et à des bâtiments "ne font pas partie de la manifestation pour la culture".
Les casseurs se sont mélangés à une manifestation qui avait lieu place Saint-Lambert. Le rassemblement de quelques dizaines de personnes visait à soutenir l'horeca, la culture, mais aussi le mouvement Black lives matter. Des manifestants dénonçaient l'intervention musclée de la police contre une dame noire le lundi 8 mars sur la place Saint-Lambert. L'aide-soignante avait voulu venir en aide à la police et une dame en plein malaise. Elle avait finalement été prise à partie, selon son témoignage, et violemment plaquée au sol puis arrêtée. Elle avait témoigné et contredisait la version de la police, disant qu'elle était victime de violence policière. La police, elle, l'a qualifiée de "furie".
Cet événement survenu lundi a été récupéré par les casseurs pour justifier leur irruption violente dans le centre de la Cité ardente. Ils disent en vouloir à la police, qu'ils estiment trop régulièrement coupable de violences injustifiées. "Par rapport aux fils d'actualités qu'on pourrait avoir sur les réseaux sociaux, on va dire que ça se passe un peu trop souvent. Et le jour de la journée de la femme, on a trouvé ça un peu grossier. Le ras-le-bol intervient quand les instances judiciaires, je ne vais pas dire ne font pas leur travail, mais prennent peut-être trop de temps à le faire. Surtout, ce qui nous met dans cet état c'est que ça commence à devenir beaucoup", déclare un jeune que nous avons interrogé dans l'après-midi, durant les affrontements.
Une ville toujours en état de siège à 19h
Vers 19h, notre journaliste Samuel Ledoux décrit la situation en direct . "La Ville de Liège est toujours ce soir en état de siège. Des policiers antiémeutes sont toujours présents dans le centre-ville et le quadrillent. Deux autopompes sont encore sur place. La tension est toujours bien vive avec beaucoup de jeunes…", indique-t-il, avant qu'un groupe d'individus ne vienne perturber son intervention en direct.
Notre journaliste a pu poursuivre ses explications quelques minutes plus tard. "Il y a toujours de vives tensions. Il y a eu plus de trois heures d'émeutes aujourd'hui entre environ 200 casseurs et des policiers qui parfois, il faut bien l'avouer, étaient en sous-effectifs. Ils ont dû faire appel à des renforts de Bruxelles. Ils laissent seulement tout doucement la circuler arriver dans le centre-ville. Mais il y a encore quelques minutes des gaz lacrymogènes étaient utilisés par les policiers antiémeutes pour disperser des jeunes. Ce sont des jeunes qui reviennent de manière répétée narguer les policiers avec des pétards ou des pavés. Il y a beaucoup de dégâts. L'entrée de la galerie commerçante où on était est complètement détruite", décrit Samuel Ledoux.
Un des jours sombres de l'histoire de la Ville de Liège
Vers 19h45, notre journaliste a pu constater que le calme revenait progressivement sur la place Saint-Lambert. Les effectifs de la police ont été réduit et la circulation a été rétablie. Petit à petit, l'agitation laisse place aux constats: il y a de nombreux dégâts. "Il y a beaucoup de magasins touchés. Des centaines de pavés qui ont été arrachés un petit peu partout. Une ville véritablement défigurée, parce ce qui restera un des jours sombres de l'histoire de la Ville de Liège assez récente", conclut Samuel Ledoux.
Plusieurs centaines de policiers sont en ville et les choses se normalisent
Durant le RTL INFO 19H, le bourgmestre de Liège a été interrogé en direct par notre journaliste Salima Belabbas. Willy Demeyer a déclaré que 120 policiers et des moyens spéciaux avaient été prévus pour encadrer une manifestation. Celle-ci était annoncée et autorisée et a rassemblé environ 20 à 30 personnes. "J'avais vu hier soir (ndlr: vendredi soir), avec le chef de corps, la communauté liégeoise d'origine subsaharienne pour le dialogue à installer suite au malheureux incident de mardi (ndlr: lundi en réalité). La communauté subsaharienne nous a assuré être sensible à la démarche et vouloir dialoguer. Les choses se déroulaient calmement quand 200 à 300 jeunes se sont rassemblés en quelques secondes. C'est là que les événements ont démarré", a déclaré le bourgmestre.
L'association de citoyennes et citoyens d’origine subsaharienne s'est désolidarisée des actes de violence perpétrés ce samedi.
La police pas assez préparée?
Suite aux explications du bourgmestre, notre journaliste lui demande s'il n'aurait pas fallu agir plus tôt et prévoir plus de moyens. "La police était tout à fait préparée puisque nous avion 120 policiers sur place avec arroseuse, avec du matériel spécial qui a été déployé. Les renforts sont arrivés rapidement. Mais nous constatons qu'il y a de nouvelles formes d'organisation. Ce n'est pas la première fois que nous subissons ce mécanisme qui font que des gens peuvent se rassembler rapidement avec des moyens de communication que nous n'avons pas encore identifiés. Il faut rapidement que la police s'adapte de manière à ce que nous puissions être mieux renseignés sur ce qui se prépare", répond alors Willy Demeyer.