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La conférence de l'ONU sur le climat s'est ouverte dimanche à Charm el-Cheikh en Egypte avec une nouvelle mise en garde sur une accélération du réchauffement climatique, dont le financement des dégâts sera pour la première fois officiellement au menu des discussions.
Que peut-on attendre de la COP27 exactement? Notre journaliste Salima Belabbas a posé la question à François Gemenne, expert sur le climat et professeur à l'Université de Liège, a été interrogé dans le RTL INFO 19H de ce dimanche 6 novembre.
Salima Belabbas: Les volontés affichées sont ambitieuses, est-ce qu'il y a de réelles chances d'aboutir à du concret?
François Gemenne: Vous voulez une réponse honnête? Très honnêtement, je pense que les chances sont très, très, très minces. Parce que les tensions internationales sont très nombreuses. On a évidemment le conflit en Ukraine, mais il y a également la Chine qui a suspendu son partenariat stratégique sur le climat avec les États-Unis à la suite de la visite de Nancy Pelosi à Taïwan cet été*. Aujourd'hui, on est dans une situation où la coopération internationale est en lambeau. Or, l'Accord de Paris repose précisément sur une coopération universelle, où les efforts des uns sont alignés sur ceux des autres. Je m'engage à faire ceci si toi tu t'engages à faire cela. Pour vous dire vraiment la vérité, mon principal espoir pour la COP27, c'est qu'il ne s'y passe rien. C'est qu'il n'y ait pas de recul majeur. Parce que de nombreux pays pourraient être tentés de revenir sur leurs engagements précédents en raison de la crise énergétique. S'il ne s'y passe rien, s'il n'y a pas d'incident, pas de tension supplémentaire, ça sera un petit miracle de la diplomatie égyptienne.
*NDLR: la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis s'est rendue dans ce pays, un territoire revendiqué par la Chine.
Salima Belabbas: La question délicate des dédommagements des catastrophes naturelles mises à l'agenda, cela représente une ouverture?
François Gemenne: Oui, là effectivement, c'est un tournant et une ouverture. Ça fait longtemps qu'on en discutait. C'est la première fois que ce point est officiellement mis à l'agenda. De quoi s'agit-il? Simplement, il s'agit d'un programme de compensation financière pour compenser les pays du sud qui subissent déjà des pertes sèches liées au changement climatique et pour lesquelles il n'y a pas d'options d'adaptation. Le problème, évidemment, c'est que les pays industrialisés qui devraient payer renâclent à mettre la main au portefeuille, et qu'il est aussi difficile de chiffrer précisément les dégâts. D'autant plus que les pays industrialisés ne veulent pas être poursuivis en justice, potentiellement dans le futur, pour ces dégâts. Donc ça reste une négociation très très compliquée. Mais il est certain que ça serait un moyen de rapprocher les pays du Sud et les pays du Nord, parce que le ressentiment des pays du sud grandit année après année, au fur et à mesure que les pays industrialisés se montrent incapables de tenir leurs engagements.