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"J'ai changé d'avis", "je n'avais jamais parlé avant aujourd'hui": plusieurs centaines nouvelles demandes de victimes ont été adressées à la justice, jeudi, au deuxième jour du procès des attentats du 13-Novembre, perturbé par un nouvel esclandre du principal accusé, Salah Abdeslam.
Secouriste de la Croix-Rouge intervenu le premier aux abords du Bataclan le soir du 13 novembre 2015, membres du groupe de rock Eagles of Death Metal, agent de sécurité du Stade de France, ou proches de parties civiles déjà constituées...
De nombreuses personnes ont sollicité auprès de la cour d'assises spéciale de Paris le statut de victime de ces attentats, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés à Paris et Saint-Denis. La plupart l'ont fait par l'intermédiaire de leur avocat.
Certaines demandes sont contestées par le parquet national antiterroriste (Pnat), souvent parce qu'elles ont déjà été rejetées au cours de l'instruction, comme celle de cette femme qui était "à l'intérieur du Stade de France" quand les kamikazes se sont fait exploser à l'extérieur, et qui raconte, tremblante à la barre, avoir "subi un préjudice psychologique".
La cour tranchera le 4 octobre sur leur recevabilité, lors d'une audience où seront également examinées les demandes des communes de Paris et Saint-Denis, du Bataclan et du bistrot La Belle équipe, auxquelles s'oppose aussi le ministère public.
Comme la veille, la cour d'assises a consacré plusieurs heures à ce recensement, dans une ambiance parfois tendue alors que des avocats critiquaient la position du Pnat, le président Jean-Louis Périès ne cachant pas à certaines occasions son agacement.
Le début de cette audience, suspendue vers 19H00 et qui reprendra vendredi à 12H30 avec la lecture du résumé d'un dossier titanesque (542 tomes), a été marqué par les vitupérations de Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos du 13-Novembre.
Déjà très vindicatif mercredi au premier jour du procès, le Franco-Marocain de 31 ans s'est arrogé la parole pour dédouaner trois de ses coaccusés, Mohammed Amri, Hamza Attou et Ali Oulkadi. "Ils m'ont rendu des services alors qu'ils ne savaient rien du tout. (...) Ils n'ont rien fait", a-t-il clamé après une nouvelle diatribe contre la justice française, se faisant alors couper le micro par le président.
- "Choquant" -
"Vous avez eu cinq ans pour vous expliquer, vous n'avez pas souhaité faire de déclarations comme c'est votre droit. J'ai compris maintenant que vous vouliez le faire, et c'est très bien, mais ce n'est pas le moment", a souligné Jean-Louis Périès, martelant que ces déclarations étaient "hors débat".
"Pourquoi voulez-vous qu'il (Abdeslam) se prive de cette tribune ? C'est un combattant de Daech (l'organisation Etat islamique). Mais ça heurte les victimes, c'est choquant l'impact de ces propos sur les victimes", a réagi en marge de l'audience Samia Maktouf, avocate de 40 parties civiles.
Dès le premier jour du procès qui doit durer neuf mois, Salah Abdeslam, pourtant resté quasi mutique pendant toute la durée de l'instruction, avait blessé des parties civiles en se déclarant "combattant de l'Etat islamique" et en prenant la parole à plusieurs reprises sans y être invité.
Profitant ainsi du bref malaise d'un de ses coaccusés, il s'était lancé dans une diatribe dénonçant ses conditions de détention.
"Ici c'est très beau, il y a des écrans plats, de la clim, mais là-bas (en prison) on est maltraités", avait lancé Salah Abdeslam, accusé de complicité de crimes terroristes et qui encourt la perpétuité.
"Ça fait six ans que je suis traité comme un chien. Je ne me suis jamais plaint parce que je sais qu'après on sera ressuscité et que vous devrez rendre des comptes", avait ajouté celui qui est incarcéré à l'isolement total et suivi par vidéosurveillance 24h/24.
- "Dignité" -
Le procès du 13-Novembre, prévu pour s'achever fin mai 2022, est la plus grande audience criminelle jamais organisée en France. Les témoignages de rescapés et proches des victimes sont attendus à partir du 28 septembre pour cinq semaines.
Avec les nouvelles constitutions de parties civiles, qui étaient déjà près de 1.800 à l'ouverture du procès, "on serait à 20 auditions par jour", a estimé le président de la cour, contre une douzaine "prévues initialement".
Le soir du vendredi 13 novembre 2015, trois kamikazes s'étaient fait exploser autour du Stade de France, pendant une rencontre amicale de football France-Allemagne. Au cœur de Paris, deux commandos de trois hommes avaient mitraillé à l'arme de guerre des terrasses de cafés et de restaurants et tiré sur la foule d'un concert au Bataclan.
Six ans après cette nuit de cauchemar, onze accusés sont dans le box et trois comparaissent libres sous contrôle judiciaire.
Six autres accusés sont jugés en leur absence dont le donneur d'ordres et vétéran du jihad Oussama Atar, et les "voix" françaises de la revendication de l'EI, Fabien et Jean-Michel Clain, tous trois présumés morts en Syrie.