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Le Parlement a définitivement adopté dans la nuit de lundi à mardi, par un ultime vote de l'Assemblée, le projet de réforme de la justice, vanté par le gouvernement comme "équilibré", mais contesté par les oppositions et les professionnels de la justice.
Par 31 voix contre 11, avec les seuls suffrages des élus LREM et MoDem, les députés ont adopté peu avant 1H du matin la réforme vantée comme "ample et ambitieuse" par la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
L'adoption du projet de loi organique, un texte technique qui lui est associé et nécessite une majorité absolue des suffrages se fera mercredi dans les salons de l'Assemblée.
Le socialistes notamment souhaitent la saisine du Conseil constitutionnel, ce qui pourrait retarder d'un mois la promulgation du texte.
Le projet de loi de 57 articles comprend une loi de programmation budgétaire qui planifie une augmentation progressive du budget de la justice de 24%, de 6,7 à 8,3 milliards d'euros sur cinq ans.
Parmi les autres mesures phares figurent l'instauration d'une nouvelle échelle des peines, la création d'un parquet antiterroriste et d'un nouveau tribunal criminel et une fusion administrative du tribunal d'instance (TI) et de grande instance (TGI).
La réforme simplifie également certaines procédures civiles comme celle du divorce, donne de nouveaux outils aux enquêteurs dans les procédures pénales et simplifie les démarches des victimes.
L'examen du texte, entamé en octobre au Sénat, a connu un parcours chaotique, avec des reports pour cause de crise des "gilets jaunes" et un coup de théâtre orchestré par le gouvernement lui-même.
La ministre de la Justice Nicole Belloubet a en effet fait voter par la majorité un amendement de dernière minute habilitant le gouvernement à réformer par ordonnance le texte fondateur de la justice des mineurs, l'ordonnance de 1945. L'opposition a dénoncé "un coup de force" et "un dessaisissement de la représentation nationale".
Lundi soir des élus d'opposition sont encore revenus à la charge contre cette mesure, Philippe Gosselin (LR) dénonçant avec "force" ce recours aux ordonnances qui avait "enflammé" les débats en première lecture et David Habib (PS) évoquant une "habilitation trop floue".
- Pas de "statu quo" -
Dans les rues, les tribunaux et jusque dans les tribunes de l'Assemblée nationale, des magistrats, avocats et greffiers ont manifesté contre la réforme, dénonçant un projet "néfaste" conduisant, selon eux, à une justice déshumanisée, plus éloignée du justiciable et moins contrôlée par les juges.
Ils avaient réclamé la suspension de son examen au Parlement, arguant notamment de la nécessité d'intégrer certains volets de la réforme au grand débat national en cours. Un argument repris par des parlementaires d'opposition.
"Je crois en la démocratie représentative et après des centaines d'heures de débats, il me semble difficile de rayer d'un trait de plume l'ensemble du travail parlementaire", leur avait répondu la ministre. Lundi elle a reconnu ne pas avoir "apaisé toutes les craintes" mais s'est refusée au "statu quo", mettant en avant la demande des justiciables d'une justice "plus lisible, plus rapide" et plus protectrice.
La garde des Sceaux a reçu le soutien du Premier ministre qui, dans une lettre à des élus locaux inquiets, a défendu un texte "profondément équilibré", dont l'unique objectif est "le service rendu au justiciable".
Tentant d'apaiser les craintes des professionnels sur une éventuelle refonte de la carte judiciaire, la ministre a martelé qu'il n'y aurait "aucune fermeture, aucune dévitalisation des juridictions existantes, aucune coquille vide".
Au fil des navettes, le texte n'a pas connu de profonds changements, l'Assemblée rétablissant l'essentiel des mesures détricotées par le Sénat, majoritairement à droite.
Certains amendements de la majorité à l'Assemblée ont atténué la portée de dispositions contestées par les professionnels, notamment sur la revalorisation des pensions alimentaires par les directeurs de CAF ou la nouvelle procédure d'injonction de payer, en renforçant le contrôle du juge.
Mais selon Christine Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des Barreaux, "les principes que nous dénonçons sont toujours dans le texte et nous continuerons donc à les dénoncer".