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Le gouvernement de gauche d'Alexis Tsipras a fait un premier pas pour assurer des rôles "distincts" à l'Etat et à la toute-puissante Eglise orthodoxe, en annonçant des mesures pour assurer l'autonomie financière de cette dernière, une question chronique dans le pays.
Liée historiquement et politiquement à l'Etat depuis sa constitution au XIXe siècle, l'Eglise orthodoxe, l'un des plus importants propriétaires fonciers en Grèce, bénéficie d'une série d'avantages dont le plus controversé consiste à avoir un clergé fonctionnaire, rémunéré par l'Etat.
"Notre objectif est de fixer un cadre pour régler les questions en suspens mais aussi de renforcer l'autonomie de l'Eglise vis-à-vis de l'Etat, tout en reconnaissant son rôle historique", a affirmé mardi soir Alexis Tsipras.
Parmi les quinze points communs convenus entre le Premier ministre et le chef de l'Eglise orthodoxe, l'archevêque Iéronymos, figure le changement de statut du clergé, qui "ne sera plus considéré comme fonctionnaires".
Toutefois, l'Etat devra doter l'Eglise d'"une subvention annuelle" égale à la somme des salaires du clergé, en échange des biens ecclésiastiques acquis par l'Etat avant la Seconde guerre mondiale, a expliqué lors d'un point de presse mercredi le porte-parole du gouvernement Dimitris Tzanakopoulos .
- Compromis -
Les deux parties se sont mises d'accord sur la création d'un "fonds d'exploitation des biens ecclésiastiques", géré en commun, où seront transférés les biens dont la propriété est contestée par les deux parties ainsi que tout autre bien que l'Eglise souhaite y transférer, selon le porte-parole.
Il s'agit "d'un compromis visant à la rationalisation de nos relations", s'est félicité Alexis Tsipras.
Pour sa part, le chef de l'Eglise, qui a convoqué mercredi le Saint-Synode (l'organe suprême de l'Eglise) pour aborder la question, a salué "l'intention de deux parties de trouver une solution à des problèmes qui datent d'un siècle".
"Tout ce qui sera décidé devra être approuvé par le Saint-Synode", a-t-il toutefois tempéré mercredi aux médias.
La question des biens de l'Eglise et des avantages fiscaux découlant de son statut et de ses liens avec la société et la classe politique a soulevé de nombreuses critiques pendant la dernière décennie de crise, alors que le pays se débattait dans les politiques d'austérité imposées par ses créanciers et que les Grecs s'appauvrissaient sans cesse.
"Le gouvernement appelle tous les partis politiques à soutenir cette initiative importante visant à régler l'une des questions les plus compliquées (...) de l'histoire du pays", a dit le porte-parole.
Le principal parti d'opposition, Nouvelle-Démocratie (conservateur), a exprimé sa satisfaction pour ce règlement, accusant toutefois le gouvernement d'avoir "annulé une initiative" similaire que la droite, au pouvoir en 2013, avait entreprise.
La Ligue grecque des droits de l'homme a qualifié "d'évolution positive" la nouvelle, puisque désormais la question des salaires relève de la compétence de l'Eglise, même si "le poids financier reste à l'Etat".
Elle a toutefois souligné que les questions financières "ne constituent pas le fond du problème" sur les liens étroits entre les deux entités.
- "Neutralité" -
L'annonce gouvernementale intervient trois mois et demi après la sortie du pays de la stricte tutelle de ses créanciers, UE et FMI, à la fin du troisième programme d'ajustement de son économie en août, et à moins à un an des élections législatives, prévues pour septembre prochain.
La distinction des rôles de l'Eglise et de l'Etat était l'une des promesses électorales du parti de gauche Syriza d'Alexis Tsipras, au pouvoir depuis trois ans et demi.
La question du statut de l'Eglise grecque est au coeur du débat actuel sur la révision constitutionnelle, qui s'ouvrira prochainement au Parlement avec en ligne de mire l'article 3, qui stipule que l'orthodoxie est la religion "dominante", un principe contesté par de nombreuses ONG des droits de l'homme.
Sur ce sujet Alexis Tsipras, dont le parti suggère l'introduction du principe de "neutralité de la religion", a assuré par avance l'archevêque que "les changements relatifs à cet article viseront "à améliorer le rôle distinct de l'Eglise en renforçant son autonomie et reconnaissant sa contribution à la naissance et la formation de l'identité de l'Etat grec".