Partager:
Sur le quai ensoleillé d'un petit port suédois au sud de Stockholm, des centaines d'Ukrainiens débarquent directement du ferry en provenance de Pologne, tirant leurs valises bouclées à la hâte.
Chaque midi, ils sont près de 500 - en immense majorité des femmes et des enfants - à passer sous la proue levante du Nova Star de la compagnie Polferries reliant Gdansk à Nynäshamn, encore secoués par la dureté de leur exil provoqué par l'invasion et les bombes russes sur l'Ukraine.
"On n'a même pas eu le temps d'empaqueter nos affaires. Le bombardement a commencé, l'alarme s'est déclenchée. On a vite pris nos sacs pour prendre le train", raconte à l'AFP Ludmila Nikiforova, qui a fui de Kharkiv avec ses deux filles, via la Pologne.
Elles ont laissé derrière elles le fracas des explosions. "Elles étaient lointaines, donc heureusement nous n'avons pas été touchées", expliquent les deux soeurs de 19 et 20 ans, Anastasia et Anna.
A la gare bondée de Kharkiv elles attendent comme tant d'autres un train pour Lviv, puis un autre pour la Pologne, dans la nuit. De là elles ont rejoint Gdansk, où Polferries a décidé d'offrir ces dernières semaines le voyage à tous les réfugiés d'Ukraine.
Sur le quai, bouteilles d'eau, nourriture pour bébés, produits d'hygiène, berceaux, poussettes attendent ceux qui arrivent, ainsi qu'une table recouverte de peluches pour les enfants.
"On a plein de volontaires et de gens qui veulent donner, donc on a dû arrêter d'accepter les dons", explique Emma Solander, une élue locale du parti des Verts, qui a créé un groupe Facebook pour coordonner localement les bonnes volontés.
"J'étais là la semaine dernière et je me disais que je devais faire quelque chose, utiliser mon anxiété sur la guerre pour faire quelque chose de positif", confie-t-elle à l'AFP.
- Nombreuses lignes -
Comme à Nynäshamn, des centaines d'autres réfugiés ukrainiens arrivent ces derniers jours en Suède par les ferries reliant la Pologne aux ports du sud du pays scandinave, à Ystad, Trelleborg ou encore Karlskrona.
Encore modeste juste après l'invasion de l'Ukraine, le flux est désormais continu.
Sur ses diverses lignes, Polferries indique avoir transporté près de 6.000 réfugiés et des compagnies concurrentes ont aussi offert le trajet à plusieurs milliers d'Ukrainiens.
"On est arrivés à Karlskrona et tout était très bien arrangé. On a été pris en charge dès la descente du ferry avec un bus qui nous attendait", explique Armel Omalango, un Congolais de 33 ans qui a fui avec sa compagne ukrainienne et leur fils de 4 ans.
L'autorité suédoise des migrations estime qu'au total près de 4.000 Ukrainiens arrivent quotidiennement sur son sol, même si les chiffres officiels sont inférieurs (2.735 demandes d'asile dûment enregistrées en trois semaines).
Un chiffre qui pourrait même dépasser les records de la crise migratoire de 2015, où le pays nordique avait accueilli au total plus de 160.000 réfugiés, plus qu'aucune autre nation européenne par rapport à sa population.
De longues queues d'Ukrainiens se forment désormais à nouveau devant les locaux de l'Immigration à travers la Suède, tandis que les autorités essaient d'ouvrir des dizaines de milliers de place d'accueil et de logement.
Au total, selon l'ONU, plus de trois millions d'Ukrainiens ont déjà fui leur pays, dont les deux tiers via la Pologne.
La Suède s'attend à en voir arriver 75.000, peut-être même 200.000 voire plus, selon les autorités.
Pour Ludmila, difficile de penser à autre chose que ce qu'on a laissé derrière soi, si peu de temps après avoir foulé le sol suédois.
"Nous avons perdu notre maison, notre travail, nos vies, le peu que nous avions. Les gens veulent construire, aspirent à faire quelque chose de leur vie, mais nous avons tout perdu", glisse-t-elle.