Après avoir parachevé sa rupture avec l'Union européenne, le Royaume-Uni ouvre vendredi un nouvelle page de son histoire pleine d'inconnues pour un pays profondément divisé et durement touché par la pandémie de nouveau coronavirus.
A 23H00 locales et GMT jeudi (minuit à Bruxelles), sans la moindre effusion au sein d'une population massivement confinée, le pays a cessé d'appliquer les règles de l'UE, quittant le marché unique et l'union douanière.
Après 47 ans d'orageuse intégration européenne et après quatre ans et demi de rebondissements suivant le référendum de 2016, c'est l'aboutissement du Brexit, officiel depuis le 31 janvier mais aux effets repoussés par une période transitoire destinée à amortir le choc.
Dans un éditorial publié dans le Daily Telegraph, le Premier ministre Boris Johnson, grand artisan du Brexit, assure que 2021 sera "une année de changement et d'espoir", vantant l'accord de libre échange conclu avant Noël avec Bruxelles.
"Pour nous, cela signifie la fin des querelles rancunières sur l'Europe qui ont empoisonné notre politique depuis si longtemps", plaide-t-il. "Pour nos amis, cela ne veut certainement pas dire qu'ils nous ont perdu, et encore moins notre appétit pour leurs Maseratis ou leur Gewurtztraminer".
Déclarations de douanes et titres de séjour
Le sémillant "BoJo" a fait miroiter à ses compatriotes une nouvelle ère pleine de promesses et une place renforcée dans le monde de champion du libre échange. Dans l'immédiat, c'est un pays gravement endeuillé par la pandémie de nouveau coronavirus et frappé de sa pire crise économique en trois siècles qui quitte le giron de l'Europe, ou son carcan, c'est selon.
L'accord de libre échange, sans quota ni droit de douane, conclu in extremis avec Bruxelles, évite une rupture trop abrupte, dévastatrice économiquement. Mais le bouleversement est réel: la libre circulation permettant aux marchandises comme aux personnes de passer sans entrave la frontière a pris fin - sauf entre l'Espagne et l'enclave britannique de Gibraltar, ainsi qu'entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande.
Il faut désormais remplir des déclarations de douanes et subir des inspections sanitaires pour exporter à travers la Manche, un titre de séjour pour s'installer de l'autre côté, et un certificat sanitaire pour les chiens et chats britanniques voyageant vers l'UE.
L'Ecosse remontée
"Notre futur, Notre Royaume-Uni, Notre destin", titre avec triomphalisme le tabloïd Daily Express vendredi, affichant une image de l' Union Jack frappé du mot "FREEDOM" (liberté). "Dans la crise, sans fanfare, le Royaume-Uni met finalement fin à l'ère européenne", constate, plus circonspect, le quotidien de gauche The Guardian.
Les ambitions mondiales du Royaume-Uni risquent de se heurter au départ de Donald Trump, Brexiter convaincu contrairement à son successeur à la Maison Blanche, Joe Biden.
Dans son pays, Boris Johnson doit tourner la page d'une saga qui l'a emmené au plus haut de l'échelle politique mais a profondément divisé les Britanniques. L'unité du Royaume est fissurée, en particulier du côté de l'Ecosse, qui a voté à une large majorité pour rester dans l'UE.
"L'Ecosse sera bientôt de retour, Europe", a tweeté la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, déterminée à organiser un nouveau référendum sur l'indépendance.
À court terme, des perturbations sont redoutées dans le sud de l'Angleterre sur les routes menant vers les ports transmanches, si les nouvelles formalités ralentissent la circulation et allongent les files de camions, surtout la semaine prochaine.
Contrairement à l'UE, le gouvernement britannique a décidé de mettre en œuvre graduellement les contrôles douaniers, qui ne concerneront toutes les marchandises qu'à partir de juillet.
Silence à Bruxelles
Londres quitte le marché unique sans aucun mot d'au-revoir de la part de l'UE: à Bruxelles, aucun des dirigeants des institutions européennes ne s'est exprimé dans les heures suivant la rupture. "Ce Brexit a été l'enfant du malaise européen et de beaucoup de mensonges et fausses promesses", a regretté le président français Emmanuel Macron dans ses voeux.
Dans un accord de 1.246 pages, l'UE offre au Royaume-Uni un accès sans droits de douane ni quotas à son marché de 450 millions de consommateurs. Mais il prévoit, pour éviter toute concurrence déloyale, des sanctions et des mesures compensatoires en cas de non respect de ses règles en matière d'aides d'Etat, d'environnement, de droit du travail et de fiscalité.
Les entreprises de la finance, secteur majeur à Londres, perdront, elles, leur droit automatique d'offrir leurs services dans l'UE, tandis que les pêcheurs britanniques sont déçus de devoir encore partager une grande partie de leurs eaux avec les Européens.
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