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Suite de notre reportage tiré de l'histoire de Daniel qui a témoigné via le bouton orange Alertez-nous (lire le 1er article Daniel tombé malade du Covid après avoir été vacciné: est-ce la preuve de l'échec du vaccin?). Ce trentenaire de la région de Charleroi a eu le Covid 6 semaines après avoir été vacciné. Au tout début de sa maladie, il a demandé un test sanguin et appris qu'il avait peu d'anticorps Covid dans le sang. Son titre (quantité d'anticorps) était de 5 environ mais "normalement après une injection d’un vaccin votre taux devrait être supérieur à 100 au moins", lui aurait-on dit.
Est-ce une preuve suffisante que son vaccin n'a pas marché ? Ou, formulé autrement, est-ce qu'en mesurant sa quantité d'anticorps dans le sang on peut savoir à coup sûr si le vaccin a fonctionné ou pas ?
Nous avons posé la question à trois scientifiques de renom: le docteur Yves Van Laethem qu'on ne présente plus, le docteur Sophie Lucas, spécialiste en immunologie et professeur à l'université de Louvain, Jean-Michel Dogné, professeur à l'université de Namur et expert à l'agence européenne des médicaments. Par ailleurs, l'Aviq a aussi répondu à Daniel qui lui avait posé des questions sur son cas. Une réponse en complète adéquation avec ce que nous ont expliqué nos trois interlocuteurs et dont voici un résumé.
2. La quantité d'anticorps Covid dans le sang permet-elle de savoir si le vaccin a fonctionné ou pas ?
La réponse est non. "Le dosage des anticorps après une vaccination ne doit pas être réalisée sauf dans le cadre de recherche clinique. En effet, il n'y a pas de corrélation directe entre les taux d'anticorps mesurés par les tests utilisés au laboratoire et le degré de protection, ni la durée de la protection", a répondu l'Aviq à Daniel. Pas plus qu'il n'y a de lien direct entre le taux d'anticorps et la contagiosité, comme l'indique le rapport de l'analyse de sang de Daniel que nous avons pu consulter: "Sur base des connaissances scientifiques actuelles, les tests sérologiques ne permettent pas de statuer sur la contagiosité d'un patient. Ils mettent uniquement en évidence la réponse immunologique d'un patient face au virus."
Aux États-Unis, le CDC (Centre pour le Contrôle des Maladies, une sorte d'équivalent de Sciensano) dissuade explicitement la population de faire des tests anticorps pour savoir si le vaccin a marché ou pas.
Le lien entre quantité d'anticorps et protection est une question de probabilité. Celle-ci est établie de façon expérimentale. Lors des études cliniques d'un vaccin (donc quand on injecte le vaccin à une série de gens pour voir s'il marche ou pas et pour voir quels sont les effets secondaires), on fait à plusieurs moments le test dit sérologique des personnes vaccinées pour voir l'évolution de leur quantité d'anticorps dans le temps. Donc, si une personne vaccinée tombe quand même malade, on sait quelle quantité d'anticorps elle avait à ce moment-là. Ceci permet d'"établir un risque de se faire infecter par rapport à un certain titre (NDLR: quantité) d'anticorps", explique Sophie Lucas. Mais donc, on définit un pourcentage de risque, pas une certitude.
Comme une clef
Un vaccin provoque principalement la fabrication d'anticorps dits neutralisants. Ce sont les anticorps qui vont vraiment empêcher le virus d'entrer dans la cellule.
Si vous tombez malade à cause d'une infection virale, votre corps va produire une large variété d'anticorps. Ceux-ci ciblent des protéines de ce virus. Les protéines visées sont désignées par le mot "antigène". Concernant le Covid, l'antigène visé par tous les vaccins actuels est la protéine appelée Spike.
Toutes ces sortes d'anticorps se lient chacune un peu différemment à l'antigène, ce qui leur confère des efficacités différentes. On peut comparer les antigènes des virus à des clés qui ouvrent la porte de nos cellules pour y entrer. La manière dont un anticorps se lie à la clé va soit lui permettre d’empêcher le virus d’entrer dans nos cellules (si l’anticorps s’attache à la partie de la clé qui entre dans la serrure) ou pas (si l’anticorps s’attache à l’autre au bout de la clé). Les anticorps qui bloquent la clé sont dits "neutralisants".
Les tests de routine en laboratoire (que votre médecin généraliste peut demander pour vous) détecte tous les anticorps contre le Covid mais pas spécifiquement les plus efficaces, à savoir les neutralisants. Seuls des tests plus poussés peuvent mesurer exclusivement les anticorps neutralisants.
Il faut savoir aussi que la quantité de ces anticorps varie en fonction du moment après la dose. Il faut attendre 10-15 jours après la 1e dose pour la voir augmenter jusqu'à un pic. Après quoi elle va redescendre. C'est lors des tests cliniques de phase 1 et 2 qu'on va décider de la dose, du nombre de doses, notamment en mesurant la quantité d'anticorps dans le sang et l'évolution de cette quantité dans le temps.
Cellules mémoire
L'analyse du sang de Daniel n'a pas donné une quantité nulle d'anticorps. Mais elle était faible. Même s'il est préférable d'avoir beaucoup d'anticorps, en avoir peu ne permet pas de conclure que le vaccin n'a pas marché et que le système immunitaire n'a pas été "activé" pour lutter contre la maladie. Outre le problème décrit plus haut que les analyses de sang classique ne font pas la différence entre les anticorps neutralisants et les autres, il faut aussi tenir compte d'un autre acteur: le lymphocyte T qui s'apparente à une cellule-mémoire. Même quand il y a peu d'anticorps, ces cellules peuvent rapidement réactiver leur production massive en cas d'infection. La quantité de ces cellules-mémoire dans le sang n'est pas élevée et on ne la mesure pas avec un test sanguin classique comme celui qu'a fait Daniel.
Dès lors, "on peut ne pas avoir beaucoup d'anticorps et une bonne protection quand même, surtout contre les formes sévères", dit Jean-Michel Dogné.
"Dans l'état des connaissances actuelles, un taux ne nous permet donc pas de tirer une quelconque conclusion quant à l'efficacité ou non du vaccin", conclut l'Aviq. Cependant, les choses pourraient changer un jour, des recherches étant actuellement en cours.