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"Je suis atteinte d'un cancer du sein et mon médecin m'a avertie d'une rupture de stock du Femara. Après avoir consulté plusieurs pharmacies, il s'avère que c'est exact, nous a envoyé Laurence via le bouton orange Alertez-nous. C'est une catastrophe pour les gens qui doivent le prendre et ne peuvent s'en passer même un jour."
Laurence était chez son oncologue avec son mari Freddy lorsqu'ils ont appris la nouvelle. "Elle (l'oncologue) a reçu un coup de téléphone d'une autre patiente lui disant qu'elle essayait de se procurer le médicament en question qui était en rupture de stock, nous explique Freddy. Elle a appelé une amie pharmacienne qui lui a confirmé la chose. Elle était scandalisée, c'est improbable…"
Laurence doit en effet prendre le Femara tous les jours, au risque d'une récidive de son cancer. "Une fois, elle l'avait oublié et l'a pris quelques heures plus tard, nous confie Freddy. Son oncologue lui a dit qu'il fallait absolument le prendre aux heures régulières. C'est un médicament très important pour les personnes qui en ont besoin."
Le couple parvient à se procurer d'urgence une plus petite boîte dans un hôpital
Laurence et Freddy ont contacté leur propre pharmacie, mais le médicament et son générique y étaient également en rupture de stock. Ils ont tout de même eu de la chance ailleurs. "On a eu une ordonnance d'urgence et l'hôpital de Verviers nous en a fourni une boîte. Il n'en restait que six…", soupire-t-il. L'hôpital de Verviers a donc donné une seule boîte au couple et a conservé les autres pour aider les autres patientes. "Avec ça, mon épouse tiendra 30 jours, décrit Freddy. Nous n'avons pas d'autres solutions, mais mon épouse est encore chanceuse car on l'a vu assez tôt et on a pu avoir une boîte. Les pharmacies sont incapables de nous dire à quel moment le médicament sera de retour."
Les boîtes de 100 comprimés sont bien en rupture de stock: "Nous faisons tout notre possible pour résoudre le problème"
Malgré ces difficultés à se procurer le médicament, l'Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS) explique que le Femara "n'apparaît pas" dans sa base de données "des conditionnements de médicaments indisponibles". Comment cela se fait-il? Comme expliqué sur la page web consacrée aux médicaments indisponibles, un conditionnement indisponible est notifié et inscrit dans la base de données à partir d'une indisponibilité de plus de 14 jours. Cette pénurie ne concerne également que certaines boîtes et pas d'autres.
Selon l'Agence, que nous avons contactée, la firme Novartis, titulaire de l’autorisation de mise sur le marché du Femara, confirme en effet que les boîtes de 100 comprimés sont en rupture de stock, mais pas les boîtes de 30 comprimés : "Nous sommes actuellement confrontés à une rupture de stock de courte durée de Femara® (letrozole) 2,5 mg en conditionnement de 100 comprimés, dit Novartis. Novartis s’engage à mettre tout en œuvre pour permettre aux patients d’avoir accès à leur traitement. Par conséquent, nous travaillons activement à résoudre au plus vite la situation concernant le conditionnement de 100 comprimés et à répondre aux demandes des pharmaciens endéans les 24h. Novartis tient à rassurer les patientes concernées par la prise du Femara® (letrozole) 2,5 mg qu’elles peuvent donc continuer à bénéficier de leur traitement. Novartis confirme la disponibilité de Femara® (letrozole) 2,5 mg en conditionnement de 30 comprimés."
Comme alternative, l'AFMPS conseille le médicament générique Letrozole EG 2,5 mg "disponible en Belgique". Le Letrozole TEVA 2,5 mg est par contre temporairement indisponible (comme indiqué dans la liste de l'Agence) et ne devrait revenir dans les pharmacies que le 6 août prochain. Une situation confirmée par Freddy et sa femme Laurence, qui n'ont pu s'en procurer nulle part.
Une loi empêchait cette situation de se produire, mais elle est actuellement suspendue par la Cour constitutionnelle
Il existe une loi visant à limiter l'indisponibilité criante de certains médicaments en Belgique. Entrée en vigueur en mai dernier, elle obligeait notamment les grossistes-répartiteurs à n'approvisionner que le marché belge, alors que ceux-ci achètent souvent des produits en Belgique pour les revendre ensuite plus cher à l'étranger, expliquait mardi le quotidien Gazet van Antwerpen.
Mais un article de cette loi est actuellement suspendu par la Cour constitutionnelle. En effet, plusieurs acteurs du secteur pharmaceutique ont saisi la Cour pour faire annuler cette loi. Et la Cour a décidé de suspendre cette législation le 18 juillet dernier. Concrètement, cela signifie que les grossistes-répartiteurs peuvent pour l'instant continuer à acheter des médicaments sur le marché belge pour ensuite les exporter. Cette suspension restera d'application dans l'attente d'un prononcé sur le fond de l'affaire, qui devrait intervenir dans les trois mois à dater de l'arrêt de suspension.
L'AFMPS, l'Agence Fédérale des Médicaments et Produits de Santé, se penche sur les motifs qui ont conduit à cette suspension. Le principe de libre circulation des biens dans le marché européen pourrait constituer un élément d'explication. En attendant, "notre agence continue à fournir tous les efforts nécessaires pour garantir la continuité des traitements des patients", promet l'AFMPS.
Les médecins tirent la sonnette d'alarme
Actuellement, 525 médicaments sont indisponibles en Belgique, selon la liste en la matière de l'AFMPS, mise à jour quotidiennement. Durant le mois de juillet, plusieurs médecins ont tiré la sonnette d'alarme dans une carte blanche publiée dans le journal Le Soir. Ils mettent en cause la responsabilité globale de l'industrie pharmaceutique.
"Nous voulons affirmer haut et fort que, in fine, une disponibilité suffisante des médicaments relève de la responsabilité de l'Industrie Pharmaceutique. Nous savons que les firmes pharmaceutiques sont soumises à des impératifs de rentabilité forts et que les négociations entre elles et les autorités publiques sur le prix accordé aux médicaments peuvent être difficiles", écrivaient ces médecins. "Nous lançons un appel à leur bonne volonté pour qu'elles réfléchissent de manière concertée à une solution globale à ce problème majeur au niveau européen, et ce avec les autorités compétentes. Nous insistons aussi pour le maintien sur le marché de molécules bon marché, parfois non rentables économiquement, mais qui sont indispensables au traitement de nos malades."