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Le départ des fondateurs d'Instagram, l'application de partage de photos détenue par Facebook, illustre pour partie les tensions au sein du réseau social dirigé par Mark Zuckerberg, lancé dans une opération de reprise en main du groupe face aux polémiques et au ralentissement de la croissance.
Kevin Systrom, âgé aujourd'hui de 34 ans, avait créé l'application en 2010 avec Mike Krieger, 32 ans, alors qu'ils étaient étudiants à l'université de Stanford dans la Silicon Valley: l'idée, partager des photos que l'on peut personnaliser avec des filtres rétro ou des cadres et en ajoutant des commentaires.
En 2012, Facebook rachète l'application pour un milliard de dollars. Kevin Systrom devient directeur général (CEO), Mike Krieger, directeur des affaires technologiques.
Mais, alors qu'Instagram était dépendant de Facebook au moment de son rachat, et a largement bénéficié de sa force de frappe pour grandir rapidement, le rapport de force a aujourd'hui changé. Et c'est Facebook qui semble dorénavant en grande partie dépendant d'Instagram.
L'application vient de franchir la barre du milliard d'utilisateurs et pourrait selon le cabinet eMarketer rapporter 10 milliards de dollars de recettes publicitaires en 2019.
Si Kevin Systrom, dont la fortune est évaluée à 1,4 milliard de dollars, est resté évasif sur les motifs de son départ et de celui de M. Krieger -- indiquant vouloir du temps "pour explorer à nouveau (leur) curiosité et (leur) créativité"--, il est clairement dû, selon la presse américaine, à de nombreux désaccords avec la maison mère et son tout-puissant patron Mark Zuckerberg.
Ce dernier cherche à tout prix de nouveaux relais de croissance en terme d'utilisateurs et donc de recettes publicitaires, dont il tire la quasi-totalité de ses revenus.
Quitte à revenir sur la promesse d'autonomie faite aux fondateurs d'Instagram en 2012.
"C'est une machine impitoyable quand il s'agit de réaliser ses objectifs", dit de Mark Zuckerberg l'ancien patron de Twitter Dick Costolo, dans un récent portrait dans le magazine The New Yorker du jeune multi-milliardaire, qui a la réputation d'être peu ouvert à la critique et à la contestation.
"Ces derniers mois, Systrom et Krieger sont devenus de plus en plus frustrés et mal à l'aise avec l'influence grandissante de Facebook et de Zuckerberg", écrit mardi le site spécialisé Recode.
En cause notamment, l'arrivée de notifications invitant les usagers d'Instagram à contacter leurs abonnés sur ... Facebook.
Et de fait, "Instagram est le nouveau Facebook, bien plus qu'il n'est l'Instagram originel", pense l'investisseur et expert reconnu du secteur Benedict Evans.
Outre les scandales qui ternissent son image, le réseau social aux 2,2 milliards d'utilisateurs souffre d'une érosion nette d'audience parmi les ados et les jeunes adultes, qui lui préfèrent notamment Snapchat et... Instagram.
Et cela commence à se faire sentir financièrement: Facebook avait publié un chiffre d'affaires trimestriel et un nombre d'usagers inférieurs aux attentes des marchés en juillet, ce qui lui avait perdre 19% en Bourse en une seule séance.
- "Impitoyable" -
D'où une volonté nette de reprise en main de Facebook aux allures de "citadelle assiégée" selon The New Yorker, volonté illustrée au printemps par une réorganisation du groupe, dans le sillage du scandale planétaire autour des données personnelles.
Mark Zuckerberg a alors placé à des postes-clés les membres de son premier cercle, comme Chris Cox, à la tête de toutes les plateformes (Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger) tandis qu'un autre proche, Adam Mosseri, devenait vice-président en charge d'Instagram.
Selon le magazine TechCrunch, l'arrivée de MM. Cox et Mosseri a été vue par les fondateurs d'Instagram comme un nouveau coup de canif dans leur indépendance.
A mesure que Facebook s'est empêtré dans les scandales -- des campagnes de manipulations politiques à la fuite de données personnelles -- plusieurs hauts cadres de Facebook ont quitté le navire cette année, comme Eliott Schrage, en charge de la communication mondiale du groupe ou encore Alex Stamos, chef de la sécurité. Selon la presse, ce dernier était en désaccord avec Mark Zuckerberg sur la gestion des différentes crises.
Les deux co-fondateurs de WhatsApp, Jan Koum et Brian Acton, avaient eux quitté Facebook en mai 2018 et en 2017 respectivement, sur fond, là encore, de désaccords avec M. Zuckerberg concernant la confidentialité des données ou la monétisation de la messagerie.
Au moment de claquer la porte, dans la foulée du scandale Cambridge Analytica, Brian Acton avait même appelé au boycott du groupe.