Partager:
L'Allemagne, pourtant peu férue de BD, attend avec impatience la sortie des dernières aventures d'Astérix, "La fille de Vercingétorix": très populaire et habilement adapté, le petit gaulois y talonne la France dans les ventes d'albums.
Sur les cinq millions d'exemplaires du 38ème épisode publiés simultanément le 24 octobre en 15 langues dans une trentaine de pays, 1,6 million seront tirés en Allemagne, soit presque autant qu'en France (2 millions).
Selon un sondage paru l'an dernier, 99% des Allemands connaissent le valeureux gaulois au casque ailé et à la moustache blonde. D'ailleurs, l'expression "Die spinnen, die Römer!", traduction du célèbre "Ils sont fous ces Romains!", est passée dans le langage courant.
Partout dans le pays, les albums figurent régulièrement en tête de gondoles de librairies et autres supermarchés, même si "Astérix chez les Goths", paru en 1970 et truffé de plaisanteries sur la culture germanique, n'a guère amusé les Allemands, selon les spécialistes.
Quant aux dessins animés, pas de fêtes de fin d'année sans diffusion en prime time de plusieurs histoires, notamment le très apprécié "Les 12 travaux d'Astérix", datant pourtant de 1976.
A l'école, il constitue même l'un des seuls héros de bandes dessinées servant de support de cours, notamment en français, latin ou grec.
"J'ai grandi en Allemagne, où l'on détestait pourtant les BD, avec Astérix: c'était les seules que les parents et professeurs conseillaient aux gamins. Intelligentes, composées d'expressions latines et sophistiquées, elles avaient très bonne réputation", explique à l'AFP Klaus Jöken, 60 ans, chargé de l'adaptation des aventures gauloises en allemand.
- Marketing -
Depuis 2004, il a à son actif six albums, dont le dernier "Die Tochter des Vercingetorix", qui exigent à chaque fois trois mois de travail.
Cet exercice méticuleux d'adaptation plus que de traduction constitue l'une des raisons du succès du petit gaulois en Allemagne, selon Kai Brodersen, historien spécialiste de l'Antiquité à l'Université d'Erfurt et auteur "d'Astérix et son époque: Le grand monde de la petite Gaule".
"Les traducteurs ont réussi courageusement à adapter les BD, en inventant parfois d'autres jeux de mots plus appropriés pour le public allemand, voire en adaptant les personnages", explique-t-il.
Ainsi, si Astérix, Obélix ou Idéfix ont gardé leur équivalent germanique, Panoramix y est devenu Miraculix, Troubadix remplace le barde Assurancetourix, et Majestix est le chef du village Abraracourcix.
L'expressivité du dessin, les valeurs universelles de camaraderie et de courage mais aussi le marketing habile de la maison d'édition allemande, "Egmont-Ehapa", ont également contribué à ce succès.
Dès les années 1960, elle a imité son homologue française Hachette en publiant les histoires d'Astérix sous forme d'albums et non d'extraits à suivre dans des journaux.
"Contrairement à d'autres pays, comme en Angleterre, l'histoire publiée sous grand format et en couleurs en Allemagne a permis à tous les écoliers et enfants d'acheter les albums, qui n'étaient pas chers", précise Kai Brodersen.
- Identification -
Egmont-Ehapa s'est également adaptée au contexte : "en Allemagne, le deuxième album édité n'a pas été +la Serpe d'or" mais +Astérix et Cléopâtre+ car parallèlement passait au cinéma la superproduction +Cléopâtre+ avec Elizabeth Taylor", explique Wolf Stegmaier, directeur éditorial de la maison d'édition.
La situation politique particulière de l'Allemagne d'après-guerre pourrait également expliquer cet attrait rapide.
"Astérix tombait au bon moment en Allemagne, qui cherchait à tourner la page de la guerre et essayait de s'ouvrir au monde. Il est formidable pour cela: c'est le petit qui se bat pour les opprimés et voyage beaucoup pour découvrir d'autres peuples et prôner le vivre-ensemble", avance M. Jöken.
"Les Gaulois font face aux envahisseurs et doivent s'adapter à un monde qui change. Très vite, les Allemands s'y sont identifiés", ajoute le traducteur.
Une identification telle que le personnage fut utilisé à plusieurs reprises comme support de contestations politiques dans des albums parodiques non-officiels.
Au début des années 1980, "Astérix et les centrales nucléaires", pamphlet anti-nucléaire, "Astérix sous les bombardements", critiquant la course aux armements, ou plus récemment "Astérix et la bataille pour la chancellerie" paraissant peu avant les élections législatives de 2005, ont rendu les combats du gaulois le plus populaire d'Allemagne un peu plus politiques.