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Ludo attire toutes sortes d'oiseaux et même un rapace à Schaerbeek: voici pourquoi ce n'est pas une bonne idée

Nombreuses sont les personnes qui ont pris l'habitude de jeter leurs restes de pain pour nourrir les oiseaux. C'est le cas de Ludo, un Bruxellois qui en profite pour "shooter", comme il le dit, toutes sortes d'espèces d'oiseaux. Ce geste a priori bienveillant est pourtant fortement déconseillé par les spécialistes de l'environnement. Nous vous expliquons pourquoi.

Ludo nous a envoyé les photos des animaux qu’il peut observer chaque jour dans l’espace vert en bas de son immeuble à Schaerbeek. Depuis le mois de janvier, un rapace s’y est même invité. "J'ai photographié de ma terrasse ce rapace qui mangeait le pain et les graines que je donne aux oiseaux vu le grand froid... jamais vu ça !", nous écrivait-il il y a quelques semaines depuis le bouton orange Alertez-nous. Il a pu encore l'observer jusqu'au début du mois d'avril. A la base, Ludo a plutôt pour passion d’observer les avions civils, mais comme le petit parc derrière chez lui attire quelques espèces sauvages, il a petit à petit commencé à s’intéresser aux oiseaux. "La première fois que je l’ai vu, j’ai dit à ma femme, "c’est incroyable, il y a une poule maintenant dans le jardin !" C’est en prenant mon appareil photo que j’ai vu que l’oiseau avait un bec crochu".

"Est-ce normal ? Est-ce un oiseau malade ou blessé ?"
, questionne-t-il. Il est vrai qu’en milieu urbain, on a plus l’habitude de croiser la route d’un pigeon ou d’une pie que celle d’un rapace. Nous avons contacté un spécialiste afin d’en savoir plus. Jean-Yves Paquet, directeur d’études chez Natagora, nous explique qu’il s’agit ici d’une buse variable, une espèce qui, généralement, ne s’aventure pas trop dans les jardins. "Ce n’est pas nécessairement un oiseau très farouche", commente-t-il.



"Ils vont se poser à l’endroit où je vais donner la nourriture"

Ce n’est pas pour autant qu’il s’agit d’un animal blessé. Et ce ne sont, au départ, probablement pas les miettes qui ont attiré ce carnivore dans l’espace vert de Ludo: "Il se peut que la buse ait tenté de capturer un rongeur ou un oiseau venant pour prendre du pain, plutôt que de prendre le pain elle-même", explique Jean-Yves Paquet. Mais depuis, chaque jour, le Schaerbeekois lance ses restes de pain et quelques graines et constate qu’il s’en accommode très bien: "Je l’ai encore vu hier, je le vois pratiquement tous les jours", nous avait-il expliqué au téléphone. "Il ne vient manger que le pain. Tous les autres oiseaux partent quand il arrive, et lui se fait attaquer par les gros oiseaux noirs [probablement des corneilles, ndlr]". Car tous les midis, Ludo répète ce même petit rituel: "Je sors, ils me voient, ils vont se poser à l’endroit où je vais donner la nourriture et pendant une bonne grosse demi-heure c’est la rue neuve un jour de Noël ! Puis une heure et demi après il n’y a plus rien".


Nourrir les oiseaux, un comportement qui n'est pas encouragé

Si l’intention de Ludo est, à n’en point douter, bienveillante, et qu’elle lui permet par ailleurs d’observer ces espèces, son comportement n’est pas encouragé. Le nourrissage d’animaux à Bruxelles est par ailleurs réglementé. Un arrêté régional relatif au Règlement de parc dans la Région de Bruxelles-Capitale stipule qu’il est défendu de nourrir les animaux sans autorisation de l'autorité compétente (point 16 de l’article 5 de l’arrêté). D’autre part, la plupart les règlements de police communaux sont très précis à ce sujet. A Schaerbeek, par exemple, l’article 27 du règlement général de police de la commune précise qu’il est interdit "d'abandonner, de déposer ou de jeter sur l'espace public et dans les lieux publics tels que parcs et jardins (rues, plantations, places,...), toute matière quelconque destinée à la nourriture des animaux errants ou des pigeons". Se faire pincer en train pour lancer de croûtes de pain aux oiseaux peut coûter, dans cette commune, 125€ d’amende.


"Les gens pensent aider, mais l'équilibre naturel est perturbé"

C’est une constante aussi en Wallonie. On se souviendra par exemple du cas de Simone, une octogénaire d’Arlon qui avait écopé de 200€ d’amende car elle nourrissait les oiseaux dans son jardin. Du côté de Bruxelles Environnement, on dit privilégier la sensibilisation à l’amende. "On essaye de changer le comportement, d’expliquer pourquoi ce n’est pas bien, de les aider, les guider, au lieu d’infliger des amendes, car ce sont des gens qui aiment les animaux", explique Olivier Beck, biologiste au département biodiversité. "On comprend les gens, qui pensent aider la biodiversité avec cette action, mais c’est le contraire, parce qu’avec cet acte, il y a un équilibre naturel qui est perturbé. On favorise les espèces avec un comportement opportuniste chez soi en trop grande quantité".


Une espèce opportuniste, c'est quoi?

Une espèce opportuniste, c’est un animal omnivore, qui mange un peu ce qu’il trouve, comme le renard, et dont le menu est très varié: "Il mange de la viande mais aussi tout ce que les gens donnent, il va même chercher sa nourriture dans les poubelles". En effet, ce nourrissage ne profite pas qu’aux oiseaux, en témoignent les clichés de Ludo: "J'ai déjà aussi photographié à cet endroit-même un renard qui se prélassait au soleil (on les entend surtout se balader le soir et la nuit) un écureuil aussi venu manger, très friand de grosses graines genre noisettes..."




Le pain, une mauvaise idée

Lancer du pain, cela signifie donc attirer des espèces opportunistes qui entrent en concurrence avec des espèces plus faibles, ce qui perturbe la biodiversité. Mais en plus, cela ne rend pas vraiment service aux oiseaux: "Du pain, ça peut faire gonfler l’estomac, et ça peut provoquer des troubles digestifs chez les oiseaux. Même s’ils aiment bien cela, ce n’est pas très nutritif", explique Olivier Beck.


Comment aider les espèces sauvages ?

Que faut-il faire alors ? "En ce qui concerne les oiseaux, on conseille de limiter le nourrissage aux petits passereaux, chez soi, dans son jardin. On conseille d’utiliser une mangeoire avec des graines, fermée, qui cache l’entrée pour de grandes espèces opportunistes comme les perruches et les corneilles, et de le faire entre le 1er novembre et le 1er avril". Une liste de recommandations est disponible via ce lien.

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