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Entre 70.000 et 80.000 personnes se sont rassemblées lundi à Bruxelles, selon les estimations respectives de la police et des syndicats. Ces derniers avaient appelé à manifester pour défendre le pouvoir d'achat et réclamer une modification de la loi sur la norme salariale qui "étouffe" la négociation des salaires, selon eux.
Dès la matinée, des milliers de militants FGTB, CSC et CGSLB se sont rassemblés près de la gare du Nord, motivés à l'aide de musique dansante et de coups de pétards. "Pas touche à l'index", ont clamé à l'unisson les responsables syndicaux pendant leurs discours, qui se sont tenus, une fois n'est pas coutume, au début de la manifestation.
Plusieurs voix patronales s'étaient élevées la semaine dernière pour demander un aménagement voire un saut d'index, alors que l'inflation s'emballe au-dessus des 8%, d'après la Banque nationale de Belgique. "Ce ne sont pas les travailleurs qui doivent payer la crise", a martelé la secrétaire générale du syndicat socialiste ABVV, Miranda Ulens. "Beaucoup de personnes puisent actuellement dans leurs réserves, pour peu qu'elles en aient. Beaucoup sont fragilisées et ont du mal à vivre", a souligné Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC.
Faisons la transparence sur la facture d'énergie
Les syndicats dénoncent notamment l'opacité autour des prix de l'énergie en Belgique, où ils sont plus hauts que dans les pays voisins. "Faisons la transparence sur la facture d'énergie et changeons-la", a dit Marie-Hélène Ska. Le syndicat chrétien pointe aussi les frais de déplacement, que 20% des travailleurs prennent à leur charge. "Nous disons: stop au fait de payer pour travailler. Il faut que tout le monde puisse vivre de son travail." "Nous passons d'une crise à l'autre et les travailleurs sont toujours au coeur de la tempête", a renchéri Olivier Valentin, secrétaire national de la CGSLB.
Différents secteurs réunis
Les syndicats craignent une norme salariale proche de 0% pour le prochain accord interprofessionnel (AIP) 2023-2024. Modifier la loi sur la norme salariale leur permettrait de retrouver une "liberté de négocier", des mots du président de la FGTB, Thierry Bodson. Du personnel soignant aux cheminots en passant par les enseignants, les aides-ménagères ou encore l'industrie... La manifestation a attiré des secteurs variés venant des quatre coins du pays. "Notre patron nous a dit: vous n'aurez rien de plus que ce que vous donne le gouvernement. Alors, c'est maintenant ou jamais", ont confié deux travailleuses d'une maison de repos à La Hulpe. Parmi les manifestants se trouvaient aussi des groupes d'étudiants venus soutenir le mouvement, et le monde de la culture, plaidant pour plus d'investissements gouvernementaux, un meilleur statut pour les artistes et des diffuseurs publics forts. Les partis socialistes, écologistes et le PTB étaient par ailleurs représentés à la manifestation.
Dans le calme
Plus tôt lundi, le Premier ministre Alexander De Croo s'était exprimé sur les ondes de la RTBF et de la VRT, appelant les partenaires sociaux à plutôt "s'asseoir autour d'une table" et à "tenter de trouver des solutions". La manifestation s'est disloquée en début d'après-midi, à mesure que les militants atteignaient la gare du Midi ou s'arrêtaient pour se désaltérer en terrasse. La police n'a constaté aucun débordement et n'a procédé à aucune arrestation, a indiqué la porte-parole de la police de Bruxelles-Capitale - Ixelles, Ilse van de keere.
Parallèlement à la manifestation, de nombreux arrêts de travail ont affecté les entreprises belges, à commencer par les transports en commun. Stib, TEC et De Lijn ont dû réduire leur offre. La SNCB, quant à elle, avait affrété neuf trains supplémentaires afin d'acheminer les manifestants vers la capitale. Le ramassage des déchets a également été perturbé en plusieurs endroits, à Bruxelles, dans le Brabant wallon et à Liège notamment. Les aéroports ont été touchés.
Brussels Airport avait décidé dimanche d'annuler les 232 vols prévus lundi en raison d'un arrêt de travail des agents de sécurité.
La journée d'action a touché dans une moindre mesure l'entreprise bpost, où au moins 80% des travailleurs ont pris leur service. Les grandes surfaces n'étaient dans l'ensemble que peu concernées par les actions syndicales, mis à part quelques enseignes Makro. Le monde de l'entreprise a réagi tout au long de la journée, regrettant l'impact des actions sur l'activité économique, mais aussi les revendications des syndicats. "La manifestation syndicale de ce lundi s'accompagne d'arrêts de travail dans de nombreuses entreprises (jusqu'à 60 % d'absence du personnel dans certains cas) et entraîne donc des pertes de production qui viennent affecter durement et inutilement des entreprises déjà impactées par les conséquences des multiples crises", a déclaré Olivier de Wasseige, administrateur délégué de l'Union wallonne des entreprises.
Selon Agoria, la fédération des entreprises technologiques belges, la journée d'actions syndicales de lundi a engendré une perte de production de 80 millions d'euros pour l'industrie manufacturière technologique.
Et maintenant ?
Les syndicats espèrent être entendus par les décideurs politiques et le monde de l'entreprise. Si ce n'est pas le cas, ils ont promis un été indien "chaud" sur le plan social. Notre journaliste Simon François a suivi la manifestation tout au long de la journée, précise: "Ils leur diront tout le mal qu'ils pensent de cette fameuse loi de 1996. Les syndicats trouveront des oreilles favorables, acquises à leur cause au Parlement et ce y compris au sein de la collation gouvernementale. Ps et Ecolo sont favorable à une révision de cette loi. Le problème est qu'au sein du gouvernement fédéral, il y a des partis qui sont contre. Le MR ou le parti d'Alexander de Croo ne veulent pas entendre parler d'une révision de cette loi ou en échange il faudrait parler à nouveau de l'indexation automatique des salaires."
La FGTB doit déjà se positionner le 28 juin quant à de nouvelles actions à l'automne. Le lendemain (29/06), les syndicats seront auditionnés au parlement fédéral sur la question de modifier la loi de 1996 sur la norme salariale