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Le premier ministre néerlandais s'est fait huer à l’annonce du reconfinement… Ce n'est pas facile d’être 1er ministre par temps de covid ?
"Ce n’est pas facile, on prend des mesures qu’on n’aime pas prendre. Dire aux gens que Noël, on ne va pas le fêter avec les amis et la famille, ce n’est pas évident. Dire à des indépendants que leur activité doit être fermée, ce n’est pas évident. On sait très bien que ce sont des décisions difficiles, que ça fait longtemps. D’un autre côté, si on regarde du côté belge, les mesures qu’on a prises il y a cinq ou six semaines ont de l’effet. On était les pires de l’Europe à ce moment-là, et aujourd’hui, il y a peu de pays qui font mieux que nous. Donc, se tenir aux mesures – et on voit d’ailleurs dans les sondages que 80% des Belges disent comprendre les mesures et comptent s’y tenir – ça a de l’effet. On est aujourd’hui dans une situation où on contrôle mieux la pandémie. Mais c’est vrai qu’on n’est pas sortis de l’auberge".
Vous deviez rencontrer Mark Rutte hier, et le rendez-vous a été annulé vu l’urgence sanitaire. Vous lui avez rappelé que le "shopping récréatif" était interdit en Belgique. Ce n’est pas un peu paradoxal alors que beaucoup de Belges ont été faire leurs courses, notamment, aux Pays-Bas ?
"Là aussi, ce n’était pas indiqué. On a été clairs pendant les mois précédents : quitter le pays et traverser une frontière, c’est quelque chose qu’on ne recommande pas du tout, au contraire. Je vais être très clair : la Belgique et les Pays-Bas sont de bons voisins, et aujourd’hui, être bons voisins, ça veut dire qu’on ne se visite pas les uns les autres. Et donc, faire du « fun shopping » chez nous, qui rendrait la situation dans nos villes très compliquée, on ne le veut pas, on le déconseille vivement".
Est-ce que la Belgique envisage de fermer les frontières? Que ce soit pour le shopping ou pour éviter les déplacements de population durant les vacances de Noël?
"J’espère que ce n’est pas nécessaire. D’ailleurs, Mark Rutte l’a dit lui-même : il a dit à ses compatriotes : il ne faut pas aller dans d’autres pays pour faire votre shopping. Mais je vais être très clair : si on voit qu’il y a trop de monde qui vient en Belgique, et que ça devient une situation dangereuse, c’est clair qu’on prendra des mesures comme des contrôles-filtres, où on laisse passer naturellement les camions pour que le commerce puisse continuer, mais où on va dire qu’il n’y a pas de raison de venir en Belgique parce que nos villes sont saturées".
A trois jours d’un nouveau comité de concertation, va-t-on vers un durcissement plutôt qu’un allègement des règles qui était réclamé par plusieurs partis politiques?
"Je pense que ce qu’on peut tous constater, c’est que les demandes d’assouplissement ne sont plus vraiment sur la table. Les chiffres ont bien baissé, et c’est grâce à l’effort collectif de nous tous, mais pas suffisamment. Nous restons dans une situation qui est quand même assez délicate. Vendredi, on fera l’analyse des chiffres, et on prendra une décision basée sur ceux-ci".
Les chiffres ne devraient guère évoluer. Ils stagnent ou sont en légère diminution, et il n’y aura pas de révolution d’ici à vendredi. Sur base de cela, quelle est la position du gouvernement ?
"On décidera vendredi".
On a quoi comme leviers ?
"Un élément peut-être : la réunion de vendredi est importante, mais il y a plein de choses qu’on peut faire aujourd’hui, et il ne faut pas attendre vendredi. Par exemple, le télétravail, c’est une obligation pour ceux qui peuvent le faire. Ce que je constate, et je pense qu’on le constate tous, c’est que ce n’est plus respecté de la même manière, on voit qu’il y a quand même beaucoup de déplacements qui se font pendant l’heure de pointe. Je vais être clair : le télétravail, ce n’est pas une option, c’est une obligation.
Y aura-t-il des contrôles accentués ?
"On a déjà fait 20.000 contrôles dans les mois précédents, il y a plus de cent entreprises qu’on a tout simplement fermé, et on fera davantage de contrôles. Des assouplissements ne sont pas sur la table, mais ce qu’on a fait les semaines passées, on doit continuer à le faire, se motiver les uns les autres. Ça a eu de l’effet, la plupart des gens s’y tiennent, continuons à le faire. C’est la meilleure des choses pour nous donner un Noël et surtout un après Noël où on n’aura pas de 3e vague".
La Belgique a pris très tôt des mesures très fortes, voire impopulaires, comme la fermeture des commerces non-essentiels. Quand vous voyez aujourd’hui ce qui se passe en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, que vous dites-vous ? Est-ce que ça conforte votre choix ?
"Quand on a pris les mesures, elles n’étaient pas évidentes, elles étaient contestées, et je comprends, vous avez aujourd’hui un café ou un restaurant, ça fait longtemps qu’on doit fermer. On a fait le choix en Belgique de fermer tôt, et de garder une stabilité. On garde les mesures, et si les chiffres s’améliorent, on fera quelque chose à ce moment-là, mais on ne fait pas d’effet d’annonce, on essaye de garder une certaine simplicité dans la communication. Je crois que ça a aidé, une très grande partie des gens s’en tiennent aux règles. Je voudrais m’adresser à eux, à ces 80% des Belges qui disent, je comprends les règles et je vais m’y tenir, je veux les remercier. C’est vrai que ce sont des efforts à faire, je sais que ce n’est pas évident, et je sais que parfois, on voit des comportements, chez d’autres, qui ne s’y tiennent pas et c’est énervant de voir cela, mais continuons comme ça. C’est grâce aux 80% qui s’y tiennent qu’on n’a réalisé ce qu’on a fait".
Même si la situation d’un pays à l’autre n’est pas forcément comparable, est-ce que tout cela ne manque pas de cohésion européenne, est-ce que ce n’est pas un échec de ce point de vue-là ?
"Je crois que plus de coordination serait bien, d’ailleurs, j’ai eu un contact avec Mark Rutte aujourd’hui, avec le ministre-président de Westphalie en Allemagne, donc il y a beaucoup de contacts qui se prennent, mais la situation est différente. Il y a six semaines, la Belgique était dans une situation qui était presque dramatique, ce n’était pas le cas aux Pays-Bas et en Allemagne à ce moment-là. On a pris des mesures dures et ça s’améliore maintenant, on voit que l’évolution est différente. Nous vivons dans une Europe hétérogène, avec des mouvements qui sont assez différents. Plus de coordination serait une bonne chose, mais on le fait. Les pays entre eux le font quand même".
Il y a des citoyens qui trouvent que les décisions ne sont pas légitimes parce qu’elles ne sont pas basées sur des études scientifiques, comme les citoyens actifs dans des métiers de contact. Avec le recul, est-ce que vous parvenez à identifier les sources de contamination, ou on va continuer à fermer les secteurs d’activité "aveuglément" ?
"Je pense que toute la littérature scientifique est très claire. Les contaminations se font dans un espace fermé, avec peu d’aération, où on a un contact rapproché de plus de 15 minutes. Il n’y a pas beaucoup de discussion par rapport à ça. Je constate qu’en Belgique, à un moment donné, on est passé à un doigt d’une situation qui aurait été ingérable dans les hôpitaux, avec des drames humains. On a évité cela, on a tenu bon tous ensemble, et on a pu mieux gérer la pandémie. Je voudrais éviter que tout ce progrès qu’on a engendré ensemble grâce à cet effort collectif, on le perde comme ça, alors qu’on voit dans d’autres pays, ça peut repartir rapidement. Cette troisième vague dont on parle, ou on la casse maintenant, ou elle se développe maintenant. Je trouve que nous devons la casser, et je demande de maintenir les efforts que nous avons pris jusqu’à maintenant".
On a promis aux coiffeurs une étude, notamment le ministre fédéral des indépendants, où ça en est, est-ce qu’on a des chiffres ?
"Cette étude sera présentée vendredi et on regardera en détails. Je comprends tout à fait que ce n’est pas évident et que quand vous êtes indépendant vous voulez exercer votre métier. J’ai rencontré les indépendants des métiers de contact non-médicaux, quand on pourra assouplir, ils feront partie du premier groupe ; Mais si on regarde les chiffres et ce qui se passe à l’étranger, la discussion de vendredi, ce n’est pas une discussion d’assouplissement. Si on veut que les coiffeurs rouvrent à un moment donné, et je suis de ceux-là, on en aura besoin à un moment donné, tenons-nous aujourd’hui aux règles, pour que les chiffres baissent".
Une récente enquête montre que près d’un quart des fournisseurs de l'horeca risquent de faire faillite. Que répondre à ces "oubliés de la crise" comme ils se décrivent eux-mêmes ?
"Il y a beaucoup de mesures économiques qui ont été prises, avec les droits-passerelle qui ont été doublés, des soutiens qui ont été donnés à des entreprises qui ont vu baisser leur activité à un seuil de 40%. On évalue ça. Il y a la première vague, maintenant c’est la deuxième vague, c’est une crise qui commence à durer vraiment longtemps. Semaine après semaine, on évalue et on regarde la nécessité de mesures additionnelles, et je pense qu’il faut bien regarder tout le monde, et qu’il ne faut pas se concentrer uniquement sur les cafés et les restaurants, mais aussi ceux qui les livrent".
Il y a des fêtes clandestines qui pullulent dans le pays. Des jeunes qui ne respectent pas les règles et qui s’en vantent sur les réseaux sociaux. Que souhaitez-vous leur dire ce soir ?
"Ce sont des fêtes illégales. On a augmenté les amendes pour cela et je le défends. C’est un comportement asocial. Vous pouvez penser que d’un point de vue santé, il ne peut y avoir d'impact sur vous. C’est faux. On voit des jeunes qui se retrouvent dans les hôpitaux. Mais ce que l’on voit surtout, c’est que ce sont les plus vulnérables qui sont touchés: vos parents, vos grands-parents. La conséquence est que beaucoup de ces gens meurent. Je comprends que l’on veuille se rencontrer. Je comprends que ça dure depuis longtemps mais si on veut battre cette pandémie, on doit le faire ensemble. Personne ne sera en bonne santé si tout le monde ne l’est pas. C’est difficile mais c’est le moment de montrer la solidarité avec les plus vulnérables. On en connaît tous. On a tous des gens autour de nous qui sont vulnérables et qui peuvent être les victimes des comportements de chacun".
Vous l’avez dit, vous avez parfois des décisions pas faciles à prendre. Personnellement, comment le vivez-vous en tant que jeune Premier ministre ? Est-ce que Sophie Wilmès, l’ancienne Première ministre, vous a donné quelques conseils pour ce poste ?
"On s’est beaucoup parlé, et on continue à beaucoup se parler. C’est un effort collectif du gouvernement, je ne suis pas tout seul là-dedans, on est une équipe qui est forte, bien soudée, qui travaille ensemble, et qui a un objectif : protéger les gens, leur santé, leur économie et leur emploi. C’est vraiment cet objectif-là qu’on a, et on ne se pose pas beaucoup de questions par rapport à nos soucis personnels. On fera notre maximum pour passer cette crise et puis on verra bien après cela".
Que peut-on vous souhaiter pour l’année 2021 ?
"Qu’on puisse, à un moment donné, et ce sera plus tard, se rencontrer sans avoir peur. Se dire, on va aller boire un verre ensemble. Qu’on puisse de nouveau avoir cette spontanéité interpersonnelle qu’on n’a pas pour l’instant. Je pense que ça nous touche tous. Et moi, ça me perturbe, mais c’est nécessaire. Si durant l’année 2021, on peut de nouveau faire ça, ce serait le meilleur cadeau".
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